Le second challenge de l’Atelier était totalement injuste envers certains élèves. Ce n’était pas le cas pour Mizu.
C’est peut-être un des rares points sur lesquels elle pensait avoir de la chance.
Blottie dans sa sphère temporelle, elle pouvait parfaitement vivre reclue et se contenter du minimum sans contraintes externes.
Tout ce dont elle avait besoin était d’une horloge. Moyennant un peu de son temps, elle pouvait loger dans n’importe quel cadran.
Elle élit domicile dans un quartier au cœur de la ville. Dans une ancienne tour d’horloge qui ne fonctionnait plus. Le bâtiment qui l’abritait était un établissement qui regorgeait d’autres apprentis de différentes espèces. Les murs de la tour, construits en demi-cercle rappelait la structure d’un demi-phare.
De l’intérieur, d’immenses baies vitrées lui laissait une fenêtre parfaite sur le monde. C’était le point d’observation rêvé. Le toit se terminait en un dôme de verre lui laissant voir parfaitement le ciel.
Le seul inconvénient de l’endroit était la réciprocité de la vue. Tout le monde pouvait la voir évoluer à l’intérieur de ses murs de verre.
Mais l’endroit était trop enchanteur pour qu’elle cherche à y renoncer.
Elle réfléchirait simplement à ce détail plus tard…
Pour l’heure, elle déploya un peu de son temps sur les aiguilles qui se mirent à bouger de nouveau.
Mais faisant cela, elle laissa son esprit s’évader distraitement, de sorte qu’une bulle de son temps s’échappa dehors.
Cela l’embêtait d’avoir gaspillé de son temps mais cela ne l’alarma pas plus que cela. Peut-être reviendrait-il, peut-être pas. Au pire, cela ferait un heureux. Et puis, elle finirait bien par en trouver…
...
Néanmoins, maintenant qu’elle y réfléchissait, elle n’était plus à Aquatempus. Et la qualité de l’eau n’était peut-être pas aussi bonne que celle de sa ville natale.
Elle finit par sortir et se précipiter pour toucher un des canaux de son doigt percé pour évaluer la pureté de l’eau. Elle ne vit pas une barque qui était sur le point d’accoster et dont le navigateur lui cracha tout un tas de qualificatifs peu glorieux et qui définissait le fond de sa pensée du moment.
Lorsqu’un jeune homme l’empoigna par le bras et la tira pour lui éviter un accident.
" Ouf ! Il s’en est fallu de peu !"
Mizu un peu secouée, se sentait gênée face à l’inconnu qui avait fait irruption dans son cercle vital.
"Tu viens d’arriver, n’est-ce pas ? Je m’appelle Raphael, et toi ?"
Habituellement, elle évitait les contacts. Mais la situation l’avait forcée à faire face à l’inconnu. Mizu l’observa subrepticement avant de fixer ses pieds. Elle ne savait pas quoi répondre. Sa timidité maladive l’avait emporté sur sa capacité à réfléchir.
“Dis, tu…”
Mizu n’écouta pas la suite de ce que lui raconta le jeune homme : elle avait aperçu son temps s’éloigner au loin dans le ciel. Il suivait une voie fluviale qui longeait un passage piéton. Elle se releva tout en fixant sa cible au loin et partit sans se soucier de ce que pouvait penser son entourage.
Elle s’était mise à courir. Elle n’en n’avait pas l’habitude. De ce fait, elle se retrouva vite fatiguée. Mais elle avait atteint son but : elle approcha sa main du flux afin de tenter d’absorber ce qui lui avait échappé plus tôt.
Mais comme il avait emmagasiné de la poussière, elle suspendit son geste. Elle décida finalement de recueillir l’eau dans sa main.
“Mizu ?”
Elodie se tenait à quelques pas d’elle. “Quelle surprise ! Toi aussi tu viens voir Rheyn ?” dit-elle en souriant.
“Non. Heu… Je cherchais un peu de mon temps qui s’était échappé.”
“Décidément, tu es vraiment trop honnête ! On va faire comme si, alors ! Viens !” répondit-elle en affichant un air complice et l’invitant.
Elles pénétrèrent toutes les deux dans une petite boutique d’éléments. Rheynn portait un tablier et les accueillit comme des clientes.
“Bonjour ! Que puis-je pour vous ?”
“Ça va Rheynn ? Tu t’en sors ?”
“Là, je peux moyen parler, mais, oui !” chuchota-t-elle en montrant la gérante du regard.
“Tu termines à quelle heure ?”
“À 20h” Elle observa un autre client qui venait de rentrer et déclara rapidement : “je vous laisse, désolée...”
Elodie se tourna vers sa compagne, l’air curieux. “20h, c’est dans 10 min, en sommes. On va l’attendre ! Qu’est-ce que tu en dis ?”
Elodie reprit son observation et dit : “Tu m’as l’air bien embêtée, tout va bien ?”
“Oui, c’est juste que…” elle termina sa phrase d’un geste : elle lui tendit sa main dans lequel le temps c’était logé. Je ne peux plus l’absorber comme cela… Mais je ne peux pas non plus le gâcher...
Tu aurais dû le dire ! Attends !” elle se retourna vers la silhouette aux cheveux rouges de Rheynn et lui demanda : “Dis ! Tu n’aurais pas un récipient pour liquide ?”
Euh… Sisi ! Attendez, je reviens”. Rheynn avait rapporté quelques petites fioles “Laquelle ?”
Mizu les arrêta toutes les deux. “Je suis désolée, mais je pense que c’est une mauvaise idée… si je fais traverser ce temps d’une matière, la matière prendra vie…”
“Ah oui ?! C’est si puissant que ça ?”
“Oui… et je crois que c’est trop tard...”
En effet, la bulle de temps avait emmagasiné suffisamment de poussière pour constituer un organisme… qui recula à la vue des fioles. Ce qui les fit rire toutes les trois.