Région forestière - Forêt sacrée de Drya
— Vous ‘avez entendu ? Jarrod dégaina une courte dague de bois tendre
— C’est quoi qu’tu veux saigner avec ta babiole ? D’quoi ta peur ? Les mages sont avec nous !
— Les mages, les mages ! Sont pas là tes mages ! Sont loin tes mages ! On est seul à s’perdre dans les bois ! Sa main tremblante eut du mal à raffermir sa prise sur le manche de l’arme.
— Ta peur que l’grand méchant loup vienne te dévorer ? T’est un vrai pétochard gamin ! T’sais y a toujours un mage pour nous surveiller de loin et intervenir en cas d’attaque !
— D’attaque de qui ? Tu veux parler du destructeur ?
Les deux hommes s’arrêtèrent brusquement. Le mot ne passait pas à leurs oreilles. L’effroi qui traversa leurs yeux à son entente, les brusqua.
— Parle pas d’ça, c’est des racontars d' soulard ! Le cri de Arlan dont la hardiesse manquait d’assurance, dérangea quelques volatiles qui s’envolèrent précipitamment. Descendant de sa butte, il fit mine de se baisser et ramassa la mousse blanchâtre poussant au sol.
— Tu crois qu’ce sont vraiment qu’des racontars ? Pourtant, tous les soldats parlent de lui comme d’un monstre qui s’rait capable de t’nir tête au maître !
— Malheureux ! Tu veux nous apporter le mauvais œil ! Parle pas du maître comme ça ! Personne peut l’battre ! C’est l’plus fort d’entre nous et sa magie est puissante ! Un conseil gamin, s’tu tiens à la vie, oublie ces pensées malsaines !
Jarod chercha quels mots répondre à son compagnon, l’intérêt d’en savoir plus sur les règles régissant les armées le fascinait. Parler du maître dans des termes inappropriés pouvait être considéré comme de la haute trahison. « N’empêche que la rumeur est tenace ! Et s’il existait vraiment ? J’veux dire qui s’rait assez fou pour s’en prendre à nous ?
— J’sais pas, mais c’que j’sais, c’est qu’nos généraux sont sur l’coup et qu’l’clampin d’vrais pas tarder à crever !
Une tension nerveuse s’éleva dans le bois. Varlen avait entendu de nombreuses histoires sur la destruction de leurs unités. Les rumeurs qui courraient au sein de l’armée, faisaient état d’une créature particulièrement violente, qui ne laissait aucun survivant derrière elle. Comment savoir ce qu’est le destructeur puisque les morts ne peuvent plus parler ? Même les mages le disent, les victimes n’ont plus d’âmes, alors les sorts nécromanciens ne fonctionnent pas ! Seuls les dieux ont le pouvoir d’arracher une âme pour la détruire ! Mais s’ils savent qui nous sommes, pourquoi nous laissent-ils nous promener librement dans les univers ? Aucune logique n’apparaît dans cette histoire ! « Tiens ta langue et avance gamin !
Îlot militaire – Caserne Hoplite
La fraîcheur des murs de pierres se diffusait dans la pièce, malgré la chaleur de la cheminée. La table de bois brut, recouverte d’une carte du monde, représentait les unités d’Elysia et les campements ennemis dont ils avaient connaissance. Les généraux et quelques capitaines, réunis autour de la table, se perdaient dans leurs pensées, cherchant un nouveau plan de bataille. Les chandeliers sphériques dégageant une douce lueur, illuminaient le visage sombre des hommes en pleine réflexion.
Le général Ackua prit la parole. « Trois unités ennemies ont été détectées. Une dans la grande plaine, une sur les flancs du volcan et la dernière dans la forêt sacrée. Chacune se tient à des endroits stratégiques. Notre première ligne a été anéantie, et certains apprentis mage sont pris en tenaille dans le bois jouxtant la grande plaine. Messieurs des idées pour les sortir de la ?
Le général Foïnix hocha la tête. Observant Ackua, un sourire se dessina sur son visage. Il était prêt à passer pour un héros.
— Envoyons le bataillon aérien !
Les bras croisés, la voix rauque d’un capitaine s’éleva.
— Impossible mon général ! Les phénix sont des créatures diurnes ! Voler de nuit peut s’avérer bien plus dangereux !
— Je suis d’accord ! Envoyons une unité d’évones, ils sont rapides et formés pour ce type de situation !
Le général Fotia s’insurgea. Il abattit son poing sur la table qui se renversa
— Nos gardes d’élites ? Qui va défendre le palais en cas d’attaque ?
— Notre reine n’a nullement besoin qu’on la défende ! Sa magie est puissante ! Souvenez-vous de la bataille contre les exilés ! Elle a défait ses ennemis à elle toute seule !
— Alors demandons un coup de main à l’Isis ! Proposa le capitaine.
La tension monta inexorablement. Palpable dans l'air, les généraux et capitaines se préparaient à affronter les conséquences de cette suggestion. Les regards se faisaient plus perçants, les murmures plus insistants, et chacun retenait son souffle, conscient que la demande était sur le point de faire basculer la réunion. Les chaises heurtèrent les sols et les capitaines reculèrent. Le général Fotia s’avançait menaçant vers l’impudent. Foïnix posa sa main sur son épaule dans un geste d’apaisement. Il répondit calmement à l’idée du capitaine.
— As-tu perdu la tête capitaine ? Mentionner cette idée peut être considéré comme de la haute trahison !
— Messieurs ! Siffla Fotia. « Si vous osez encore mentionner l’idée que l’Isis nous aide, j’en référerai directement à notre reine !
— C’est un scandale ! Hurla la capitaine. « Nos hommes, nos frères et sœurs se meurent sur le champ de bataille ! Elle seule peut nous aider à les repousser !
Tandis que le ton montait entre les hommes présents, Foïnix se perdit dans ses pensées.
Nous sommes divisés. Entre ceux en faveur de notre reine et ceux en faveur d’une intervention de Lostris, nous sommes clairement en désavantage et l’ennemi en profite ! Que faire ? Nous ne pouvons pas laisser ces enfants livrés à eux-mêmes ! Bon, que ma reine me pardonne, je ne vois aucune autre solution, je dois prévenir Dassos ! Le général Foïnix se leva, brisant violemment son verre. La tablée, fixa l’homme de haute stature. Sans un mot, il se dirigea vers la porte. « Mon unité est prête ! Je m’en vais les rejoindre au relais. Apprenez à vous écouter et à ne pas laisser la division dicter vos pensées ! Mes hommages à la reine ! Il s’éclipsa sous l’étonnement de ses camarades.
Grande plaine royale – route de Orda – Relais
Le sol fut parcouru de spasmes. Un grincement sinistre retentit ; Des secousses plus violentes soulevèrent des volutes de poussière. La petite prairie plongea sous une tempête de particules terreuses. Puis le silence revint. La terre cessa de trembler. Les soldats, en état d’alerte, dégainèrent leurs armes.
L’attente, ponctuée d’une nervosité et d’une peur muette, se transforma en panique générale. Le sol se remit à trembler. Un bruit sourd se répercuta dans le silence accompagnant chaque secousse, comme si le sol lui-même s’ouvrait vers les profondeurs de la planète. Un cri retentit. L’écho de craquement d’os parvient aux oreilles de chaque soldat. Ils ne purent distinguer ce qu’il se passait dans l’amas poussiéreux.
Une masse sombre s’écrasa subitement aux pieds d’un des archi-mages. Il activa son bouclier. Une bulle bleutée se déploya. La protection visuelle qu’elle lui offrit, lui permit de visualiser ce qu’il se trouvait à proximité. Baissant les yeux, il vit le corps sans vie de l’un de ses compagnons. Sa cage thoracique était enfoncée, et une expression de terreur figée sur son visage. L’homme était mort sur le coup. L’archi-mage sentit soudainement une secousse derrière lui. Quelque chose vint se fracasser sur son bouclier, qu’il prit la peine de renforcer. Se sentant projeté vers l’avant, il s’écrasa quelques mètres plus loin, entraînant dans sa course un soldat qui mourut sous l’impact.
Archi-mages ! Préparez vos sortilèges de vent !
La brume poudreuse se para de reflet verdâtre. Des notes hasardeuses d’un souffle se mêlèrent à de légers embruns. La lumière de la lune, projetant ses rayons sur la prairie d’une douce lueur laiteuse, leur montra ce que la terre avait enfanté de ses entrailles. Une créature aussi haut que trois hommes, et aussi large qu’un phénix. Des zébrures scintillantes d’opaline obsidienne, parsemaient son corps rocailleux. Des bras de pierre. Leurs extrémités pareilles à des mains humaines fendaient l’air, à la recherche d’un homme à écraser. Sa tête irrégulière, parsemée d’arêtes rocheuse, suivant difficilement le reste de son corps, semblait les scruter. L’aura qu’il dégageait, aussi sombre que les entailles veineuses qui le parcouraient, l’auréolait d’une vapeur noire. L’archi-mage n’avait jamais vu pareille monstre. Issues des enfers oniriques d’un autre monde, venu d’ailleurs pour apporter la désolation, son imposante musculature et la rapidité de ses gestes, lui firent peur. Il recula.
Grande plaine royale - Promontoire
Hélios fixait les lueurs bleutées parsemant les falaises de la grande plaine. Perdu dans ses pensées, il tentait de ressentir les auras magiques que dégageaient les portails des enfers. Le vent qui soufflait faisait ployer les hautes herbes dans un léger murmure. Glissant sur sa peau, l’atmosphère de la nuit se réchauffait doucement, annonciatrice d’une aurore qui éclairerait le monde sous peu.
— Dans la forêt, cachées dans les bois, les ténèbres attendent leur heure pour étendre son manteau nocturne sur la lumière de ce monde ! Un invocateur occulte ! Tellement sûr de sa victoire, cet humain ne prend même pas la peine de cacher sa magie. La puanteur qu’il dégage est si forte qu’elle me donne la nausée. Elle emplit l’air ambiant comme s’il se trouvait tout autour de nous. La forêt, le volcan se parent d’une obscurité, tourbillons mélancoliques d’une brume noirâtre, imperceptible pour l’œil humain, mais qui s’agglomère à chaque instant qui passe. Qu’a-t-il caché dans les entrailles de la montagne de feu ?
Tel un grand orateur devant une foule, elle se tenait inébranlable sur le promontoire. Les mains tendues vers le ciel, ses gestes théâtraux alourdissaient l’atmosphère ambiante d’une aura malaisante. Sa réflexion mit mal à l’aise Hélios. Ces hommes dont la magie répugnante stagnait jusqu’à leur position, lui donnait des frissons. S’il pouvait rentrer retrouver sa ferme, il le ferait avec joie. Ce devoir en tant que medjaï lui déplaisait de jour en jour. Une infime aura magique traversa son esprit. Piquante tel une aiguille, elle lui renvoyait une sensation désagréable de migraine. Se tournant vers son Altesse, il la vit assise sur le sol froid, les yeux fermés. Puis une voix se répercuta dans sa tête.
Hélios ! L’intonation et la sonorité de l’appel ne laissaient aucun doute sur l’origine de la personne.
— Dassos ? Il répondit à haute voix, interpellant Lostris qui se levant, vint se placer à ses côtés, sa main posée sur l’épaule du soldat.
L’heure est grave, j’ai besoin d’une faveur ! Notre première ligne a été anéantie. L’unité comportait des apprenties mages qui sont coincées à l’orée des bois. Ils se battent courageusement, mais je doute qu’ils tiennent leurs positions très longtemps !
N’ai crainte, nous allons les sortir de là général ! Peux-tu me communiquer leur position exacte ? Lostris ayant répondu directement à l’homme, se concentra et l’image d’une forêt jouxtant un lac, apparut dans son esprit. Nous les amènerons à la caserne ! Est-ce bon pour toi ?
Majesté, mille fois merci ! La communication s’interrompit sous l’expression de panique d’Hélios.
— Attends ! Comment peux-tu manquer à ta parole ainsi ? Hélios empoigna le bras de Lostris.
Son geste embrassa la divinité. Elle lui tordit le bras avant de le secouer violemment.
— Ce sont des enfants Hélios ! Ils sont l’avenir de ce monde ! Je ne peux décemment pas les laisser se faire massacrer !
— Mais la reine Morgiane, tu as promis de ne pas intervenir ! Il se dégagea de la poigne de son Isis. Lostris s’adossa à un mur magique invisible.
— Je n’interviens pas ! Je rends service à un grand homme ! Que peut-elle dire ou faire ? Nous sommes tombés sur ces enfants et les avons aidés ! ET… Lostris tourna sa tête, alerté par une intensité magique dans le bosquet derrière eux. « Il y a quelque chose qui vient d’émerger dans les bois ! Prépare-toi ! Elle dégaina l’une de ses épées et para son autre main d’une lueur noire, prête à lancer un sortilège.
Une créature à la grâce et la puissance équine, se détacha de l’ombre des arbres. Aussi haut que deux hommes, son imposante musculature combinée a sa force et à sa vitesse, le rendait dangereux. Son visage quasi-humain se terminait par des oreilles animales. Une dense crinière lui servait de chevelure. Sa poitrine barrée d’une ancienne cicatrice, était ceinte d’un ceinturon de cuir dans lequel reposaient deux dagues massives. La créature s’arrêta et les fixa.
— Un centaure ? Hélios fit apparaître son carnet de croquis.
— Tu n’auras pas le temps de dessiner. Méfie-toi, celui-ci n’est pas l’ami des humains !
— Nous, message, la reine… Le centaure prenait son temps pour articuler le peu de mot qu’il lui avait été transmis.
— Il parle ? Hélios étonné, cessa tout mouvement de sa main
— Seuls les chefs savent parler couramment l’humain, j’imagine que la situation est grave dans la forêt sacrée pour apprendre quelques mots à un soldat.
— Aide, toi venir… Lostris referma son visage. Le froncement de ses sourcils fit reculer Hélios.
— Tu diras à ton chef, que la reine Morgiane refuse mon implication dans cette guerre ! Qu’il s’adresse à elle. Lostris se détourna de la créature qui fit demi-tour et retourna dans les bois.
— Hélios ! Va rejoindre le général. Son énergie est perturbée, il doit être blessé.
— Et toi que comptes-tu faire ?
— Je vais chercher les enfants. Ne t’inquiète pas pour notre prisonnier, il restera dans la barrière.
Îlot militaire – Caserne Hoplite - Réseau souterrain
L’égout suintait la puanteur venue des canaux de la surface. Éclairé faiblement par quelques sphères de lumière flottant au plafond, les longs passages les plongeaient dans une semi-obscurité. La troupe de soldat avançait en tâtonnant les parois humides. Leur mission les amenait dans les souterrains, construits sous la caserne, la ou les eaux usées se déversaient dans les rivières terrestres. Craignant une infiltration ennemie, un bataillon avait été détaché pour piéger les égouts en cas d’attaque. Ils avaient quitté la caserne après le départ des troupes du général Fotia.
Jonin, archi-mage, les accompagnait, sa magie de terre devant leur permettre de boucher les passages en créant un éboulement. La peur au ventre, il se rapprocha du capitaine qui ouvrait la marche. Son esprit venait de déceler une légère aura magique se propageant du centre de l’îlot.
Mon capitaine, qui y a-t-il derrière ces épais murs, au centre de l’île ?
— Les stations des eaux usées, une salle souterraine immense reliant les différents passages.
— Une aura magique s’en dégage, elle semble peu forte, mais assez étrange.
— Les machines turbinent avec des pierres magiques, c’est leur aura que tu ressens.
— Non ! Les pierres magiques ne dégagent pas une magie aussi malsaine. L’aura que je ressens semble… Perturbée ?
Le capitaine fit signe aux soldats de s’arrêter et toisa le jeune mage. « Que veux-tu dire par perturber mon garçon ?
— Leur énergie est instable. Les pierres vibrent en harmonie, créant un champ de force dans lequel les flux qui s’en dégagent font fonctionner les machines. Je ressens un trouble comme si une impureté s’était glissée dans le champ magique.
— Bien, nous allons nous séparer. Que la moitié d’entre vous continuent leur route vers les différentes sorties. Que cinq hommes m’accompagnent, nous nous rendons en salle des machines. Toi archi-mage, es-tu en mesure de régler le problème des pierres ?
— Si les machinistes sont toujours sur place, oui ! Ma magie nous aidera.
— Bien allons-y ! Bonne chance à tous.
A suivre.
Ça y est Lostris et Helios rentrent dans la danse!
Je croyais Helios très terre à terre mais face au centaure il sort son carnet pour dessiner l'air de rien!
Si en plus il y a le Destructeur qui s'y met, au moins dans les esprits...
Question, Junin en fin de chapitre est archi-mage et à priori c'est aussi un jeune mage. Donc on peut être jeune et archi-mage. C'est au mérite qu'on le devient? On peut être jeune et super balaise en magie déjà donc on prend le titre d'archi-mage ? Ou c'est un titre plutôt répandu ?
Dernier point, tu écris ça : "Descendant de sa butte, il fit mine de se baisser et ramassa la mousse blanchâtre poussant au sol."
=> Il y a une raison particulière à cette scène? Car ils sont en pleine discussion intense sur le destructeur, en territoire ennemi et il y a cette histoire de mousse. Alors ça pourrait juste être un geste de nervosité de s'intéresser à la mousse mais je me disais que j'ai peut être loupé un truc.
Bonne journée !
Hélios a trois passions bien à lui : le dessin, les armes magiques… et les maisons de joie (oui, ce n’est pas très reluisant, mais il assume).
Sous l'influence de Lostris, il se laisse parfois emporter par l’ivresse de ses passions, surtout lorsqu’il vit une première fois. Ce fut le cas avec le centaure.
Quant à Jonin, jeune mais déjà auréolé du titre d’archi-mage, il incarne une forme d’exception. Rattaché directement au trône, il maîtrise une magie rare sur ce monde, qui l’a propulsé très haut, très vite.
Le passage de la mousse n’a pas un rôle majeur dans l’intrigue, mais je tenais à capturer l’agitation intérieure du personnage au cœur de la forêt. Une sorte d'anti-stress.
A bientôt