Plaine royale – Hauteur de la plaine
L’ombre des arbres projetait sa froideur sur les soldats en marche. Leurs bottes crissant sous l’herbe tendre, renvoyaient l’écho étouffé de leurs pas dans le silence obscur qui bordait la grande plaine. Prenant garde à ne pas révéler leur présence à d’éventuels ennemis cachés dans les bois, l’unité marchait en silence dans la pénombre ambiante. Seul le bruit de leur respiration était perceptible.
Marlin hâta ses pas et se positionna aux côtés de Kachi. Un murmure s’échappa de ses lèvres.
— Dans combien de temps arriverons-nous ? Un coup d’œil en arrière lui permit de vérifier que personne ne les entendait.
— Dans environ une heure. Les soleils commenceront à peine à se lever, cela nous laissera du temps pour arriver. Je te trouve bien brave fillette, tes camarades sont morts de peur et toi tu les diriges sans peine !
— Je veux rentrer chez moi après la bataille et se laisser aller à la peur nous emmènera vers une mort certaine ! Mieux vaut garder la tête froide !
— Ton père est soldat ?
— Capitaine au sein du bataillon aérien du général Foïnix !
— Une éducation militaire ? Uhm, voilà qui est intéressant ! Bon puisque tu sembles savoir ce que tu fais, je vais te confier une mission.
Le cœur de la jeune apprentie rata un battement ! Son père, avant de partir pour cette bataille lui avait demandé de ne prendre aucune initiative et d’écouter les ordres ! Mais si la possibilité de se faire remarquer durant cette guerre se présentait, elle devait la saisir !
— La peur est un poison, voilà ce que me répète mon père depuis mon enfance ! Je voulais intégrer le bataillon aérien tout comme lui, mais mes aptitudes en magie m’ont conduite à l’école des mages ! Bien sûr, je suis contente d’avoir rejoint leur rang, mais voler sur les phénix me manque. Marlin baissa la tête. Elle espérait secrètement rejoindre l’armée aérienne en tant que mage.
— Je comprends ! Mes parents voulaient faire de moi un marin puisque mon père est pécheur ! Pourtant, malgré l’affinité de ma famille pour l’élément eau, je suis archi-mage spécialisé dans la magie du vent.
Qu’est-ce que ? Marlin se figeât. Se retournant, elle fut envahie par une étrange sensation. Une magie venait de se déclencher et son étrange aura l’étonnait. Ce n’est pas un sortilège que je connais ! S’approchant des abords de la falaise, elle se coucha dans l’herbe et fixa la plaine en contrebas. Kachi la rejoignit.
— Que se passe-t-il Marlin ? Lui susurra-t-il à l’oreille. La jeune fille leva son doigt et lui intima de se concentrer sur les parois de pierre. Dans les renforcements de la falaise, d’étranges sigles bleutés s’illuminèrent. Les formes ovales et emplies de signes à l’apparence complexe, dessinèrent des arabesques sur la pierre. Un emplacement d’une rondeur parfaite aussi noir que le néant apparut en leur centre.
— Une lueur de désespoir qui nous conduira vers l’appel d’une mort certaine. Courrez-vous cacher, toi et les autres. Grimpez dans les arbres et envoyez un message au quartier général. Nous sommes tombés dans un piège. Il souleva la jeune fille et l’envoya prévenir ses camarades restés en retrait.
Un crissement retentit. Dans le silence de la nuit, Kachi vit apparaître dans les sceaux, des masses sombres. Le bruit qu’elles émirent, ressemblait étrangement à celui des criquets de la montagne de feu.
À quelques kilomètres au loin, les archi-mages sondaient les parois rocheuses. Leurs mains tendues étaient illuminées d’une légère lueur. Les mages envoyaient un écho silencieux sur la roche. Le sortilège qu’ils utilisaient, ressemblait à l’écholocalisation de créatures aveugles. Il leur permettait par impulsions, de déceler la moindre particule de magie présente. Tâtonnant à l’aveuglette, leur recherche était au point mort. Quelques sphères de lumière aux lueurs légère pour ne pas trahir leurs présences voletaient parmi eux.
Au moment de séparer l’unité, les deux capitaines avaient activé un sort de pensée, leur permettant de communiquer silencieusement entre eux. Avançant dans la pénombre, la voix de son compagnon, résonna dans sa tête.
— Arslan tu m’entends ?
— Kachi, oui, un souci ? Vous avez débusqué l’ennemi ?
— Non, mais les parois viennent de s’illuminer et quelque chose en est sortis ! Nous rebroussons chemin pour vous prêter main-forte !
— Non, restez sur les hauteurs et demandez des renforts !
La communication se coupa brutalement. Levant la tête, il fit face à une créature, dont la hauteur affolante, lui coupa toute envie de lutte. Levant instinctivement sa main, il fit apparaître un champ de force qui illumina tout son corps. Mais le bouclier ne résista pas à l’assaut du monstre. Arslan tomba, la gorge arrachée par la bête. Se vidant de son sang, il assista à la mort de ses compagnons. Avant de fermer les yeux pour l’éternité, il se laissa bercer par leurs cris qui résonnèrent dans la grande plaine.
Îlot militaire – Caserne Hoplite
Aggelo dévala les escaliers. Insensible aux insultes que les soldats sur son passage lui adressaient, il continua sa course. Préposé aux transmissions magiques, il avait quitté à la hâte le minima, salle de l’esprit ou les mages doué du don de télépathie avaient été réunis pour intercepter les messages venus des unités.
Le couloir menant à la salle de réunion était en ébullition. Courant à en perdre haleine, les épées et les boucliers scintillants, sous les torches aux murs, empêtraient sa course. Posé à même le sol ou les parois, Aggelo les renversait, créant une cacophonie métallique dans les couloirs noyés sous les éclats de voix des soldats. Chaque section détachée à une unité qui devait se déployer dès le lever du jour, encombrait de leur présence la caserne. Les hoplites distribuaient à la hâte armes et artefacts mortels aux mains expertes ou débutantes.
Renversant un baril de pierre magique qui éclata sous le choc en mille étincelles, il continua à courir. Il ne vit pas la bagarre qui éclatait dans son dos par sa faute. Il provoqua même un début d’incendie. Les gardes sur le qui-vive, tentaient de l’éteindre, arrosant allégrement tout ce qui se trouvait à portée de leur sortilège d’eau.
Une lourde porte de métal, gravée de scènes d’une guerre ancestrale, l’arrêta. Les deux gardes, leurs lances tendues en croix pour l’empêcher d’entrer l’admonestèrent. Les généraux, revenus à peine du palais royal étaient en pleine réunion stratégiques et nul ne devait les déranger. Agello, sans un mot, leva son sceau. Une pièce rutilante de bronze martelé du visage de Herma la messagère céleste, grande héroïne de la bataille de Téomache, dernière guerre menée par les humains contre les dieux pour les chasser de la planète. Les soldats le laissèrent passer. Sous les braseros illuminant la salle de commandement, il se présenta aux généraux.
Volcan de Orda – Grotte de Ephaï
— Varlen aurait pu garder ses bestioles pour lui ! Ces trucs sont répugnants. Adossé à la cavité souterraine, le soldat regardait le tapis grouillant au fond du gouffre. La grotte artificielle construire à même la paroi rocheuse du volcan, œuvre millénaire d’un dieu, ayant disparu il y a longtemps, était tapissée de paillettes. Vagues iridescentes d’olivine, venu d’un temps ou le volcan crachait encore sa fureur indomptable sur ce monde.
Des torches étaient disposées en cercle devant ce qui fut autrefois un autel gardé par la statue d’un quelconque dieu. Cet amas poussiéreux et en ruine dont seul la base, des jambes en position de scribe, était encore visible. Il donnait sur un précipice. Une vaste entaille rocheuse s’ouvrant sur l’infernale fange pernicieuse qui y grouillait.
Se mouvant, souple et agile, la lueur de leurs antennes ondoyantes dans la pénombre, scintillement de minuscules lucioles éclairant leurs corps noirs, hypnotisait le regard. Ondulant tel les écailles envoûtantes des serpents, leur cadence saccadée par le choc des mandibules, pinces mortelles rendant chaotique les bruissements de leurs pattes, se répercutait en hymne funèbre sur la roche volcanique. S’entremêlant les uns aux autres, la prison de roche les contenant, pullulait d’un océan noirâtre et carnassier. Les deux gardes, le teint pâle, les fixaient dans l’attente de leur libération.
— Gardez le temple que le maître a dit ! Gardien de bestioles dégénérées ! Je m’attendais à mieux !
— Les ordres !
— Oui je sais, le maître à dit que… ! Je vais la garder cette grotte ! Mais quand même, il est ou le général ?
— Occupé ailleurs ! Varlen gère l’invasion ! D’où les bestioles ! Ça grimpe vite et attaque sournoisement ! D’ailleurs quand pense notre nouvel ami ?
Les deux gardiens se tournèrent vers l’homme entravé au pied de l’autel. Marmonnant dans son bâillon, les yeux humidifiés par la crise de larme qu’il leur avait offerte, il attendait sa mort. De grand prête d’Elysia à consul, ses actions l’ayant mené à l’exil lui avaient donné les clés pour se venger de la reine Morgiane. Sa rencontre avec le général Xerces, lui avait apporté l’espoir de devenir le nouveau roi de ce monde. Mais le voilà une nouvelle fois trahi, victime de sa bêtise, devenant bientôt le repas de créature sombre venu d’ailleurs.
Grande plaine royale - Prairie d’Asphodèle
L’épée de matière noire s’enfonça dans la terre tendre. La main qui l’accompagnait tranché à même l’os du poignet, entachait la garde noirâtre. Le sang qui la maculait, luisait sous les flammes des torches. Les deux hommes se scrutaient du regard, haletant et meurtri par le combat.
Le silence régnait en maître à l’extérieur. Les cris avaient cessé leur chant d’agonie remplacé par le claquement de créature dont les ombres dansaient sur les tentures. Une odeur de sang et de chair fraîche emplissait l’atmosphère. La mort attendait sagement ceux qui oseraient s’aventurer dans la nuit.
— Quel silence en dehors. Plus rien ne semble vivre. Le capitaine, le souffle court, tenait son moignon sanguinolent. Gardant à l’œil son ennemi, il le vit lui montrer de la main, les ombres dansant sur la tente.
— Me prends-tu pour un benêt ? Quelles sont ces créatures infernales se mouvant ?
— L’une des invocations d’un vétéran, promis à un grand avenir dans nos armées ! Souhaites-tu le rencontrer général ?
— Si nous sortons nous mourrons ! Je ne pense pas que ces monstres sachent distinguer alliés ou ennemis !
— Tu as bien raison, mais laisse-moi ouvrir un portail nous amenant loin du champ de bataille ! Aucun mal ne te sera fait si tu acceptes de te rendre ! Tu es un homme vaillant ! Je me porterai garant pour toi et tu auras peut-être l’infime chance de rejoindre nos unités ! En tant qu’esclave cela va de soi !
— C’est tentant, mais j’ai des ordres et mieux vaut ne pas contrarier la reine
— Nous n’allons donc pas trouver d’accord ? Quel dommage ! Les mages sauront te faire parler même mort !
L’attaque fut rapide. Le capitaine ennemi, fit apparaître de sa main valide une étrange flèche d’énergie noir, qui fonça rapidement sur le général. Dassos leva son bras pour parer le coup. L’attaque lui arracha la main droite. Il se laissa tomber, tenant sa blessure qui provoquait de violentes décharges de douleur. L’autre homme, profitant de la surprise, s’approcha. Il leva son bras pour porter un coup dans la nuque du Dassos. Le général recroquevillé près d’une table renversée, lança un sortilège de feu sur le malheureux qui s’enflamma. Les cris qu’il poussa, excitèrent les créatures à l’extérieur. Le général insensible à son propre élément, l’assomma. Il le recouvrit de sa cape pour éteindre les flammes.
Bien une bonne chose de faite ! Quelle horreur, mon bras me lance et je n’ai aucune potion pour me soigner ! Ou sont donc les archi-mages ? Sont-ils tous morts ? Je ne peux pas sortir au risque de me retrouver face à ces monstruosités ! Que faire ?
Il se mit à faire les poches de son prisonnier. Il était à la recherche de l’artefact, permettant d’ouvrir un portail. Priant mentalement, que le passage ne le mène pas vers un autre campement, il projeta la pierre contre la tenture. Un champ de force se déploya, avant de s’ouvrir sur un rideau bleuté. Posant sa main sur la surface froide, elle émit des ondulations avant de disparaître après son passage.
Grande plaine royale – route de Orda
La nuit sans fin tapissait la route, illuminée faiblement par la lune. Serpentant entre l’enclave rocheuse et le bord de la falaise, les rochers, vestige d’un éboulis passé, pouvaient aisément cacher des ennemis. Les soldats avançaient prudemment. Ils suivaient leur général qui ouvrait la marche. Il suivait l’appel lumineux du magma disposé au-dessus du manteau volcanique de la montagne de feu. La descente de l’îlot, d’une facilité déconcertante, les avait plongés dans la peur. Tous se demandaient où et quand seraient-ils attaqués. Ils étaient seuls sur ce serpentin terreux, le silence comme seul guide.
Le premier relais, ancien ranch déserté par les habitants après la dernière éruption, se cachait parmi les arbres morts. Le bâtiment de bois au toit bâché, légèrement calciné par un incendie était illuminé par une torche. Le capitaine fit s’arrêter la compagnie, et divisa l’unité en deux partis. L’archi-mage et lui se regardant, hochèrent la tête et chacun prit l’initiative de connecter mentalement leurs esprits.
Le vent qui soufflait, lamentations sinistres s’éparpillant entre les branches, faisait grincer les arbres et ployer les hautes herbes. Leurs pas, étouffés par la végétation, s’entremêlaient de légers craquements de bois mort et de bruissement d’alpage. Dans la pénombre, ils avançaient, suivant du regard la lumière du relais tel un phare en pleine tempête.
Ne bougez plus ! Le capitaine, bras droit du général Fotia dans cette bataille, donna l’ordre mental à toute l’unité.
Que vois-tu ?
Rien ne semble bouger, ni à l’extérieur, ni à l’intérieur de la cabane. Sonde l’énergie et dis-moi combien ils sont ! Prends garde à ne pas être repéré par ta magie…
L’archi-mage de type sensoriel, se baissa et sans attendre, plaça la paume de sa main sur le sol verdâtre. Les épines de branches sèches et craquelées, lui piquèrent la peau et le froid du sol lui donna des frissons.
Soldat ! Protéger l’archi-mage, que chacun se poste derrière lui et à ses côtés ! Ouvrez l’œil. L’échange mental s’interrompit, et le mage ferma ses yeux. Il se focalisa dans la direction de la bicoque. Il projeta son esprit, et se laissa guider. Les arbres se mouvaient sous ses yeux, dansant, ondulant sous des bourrasques blanchâtres. Puis l’image se déforma, et il se vit serpenter, rapide et silencieux, comme si son corps devenant saurien, lui offrait une vision nocturne accrue. Il arrêta son esprit, et laissa l’énergie de la nuit l’assaillir. Des bribes de fumée, langoureuse et épaisse, flottaient, mais aucune énergie vitale ne venait les troubler. Il rompit le sort.
Capitaine, il n’y a rien là-bas ! Aucuns soldats ennemis dans le relais !
Les soldats sortirent du bois. La lune éclairait faiblement l’endroit. Elle renvoyait les ombres des arbres en formes étranges à même le sol. Les premiers soldats eurent des frissons lorsqu’ils arrivèrent. Des masses informes étendues sur la terre battue, n’étaient autres que des soldats ennemis, dont les corps désarticulés et déformés dessinaient de sombres taches ensanglantées.
Qui a bien pu faire une telle chose ?
Ramassez les corps, aucun feu, nous attendrons le lever du jour pour les immoler ! Archi-mages, dressez une seconde barrière !
Que faisons-nous ?
On dresse le campement et on attend que le général Fotia nous rejoigne ! Que les soldats se reposent, le chemin vers le volcan est encore long !
Grande plaine royale – Carrefour de Delphes
Les étoiles, fin tissage lumineux parsemant la voûte céleste, accompagnaient l’astre lunaire dans sa course vers l’aurore. Repoussant la pénombre de la grande plaine en contrebas, la lune, projetait la silhouette des créatures, telle les ombres chinoises d’un funeste théâtre obscur.
Le promontoire sur lequel se tenait Lostris, brillant faiblement d’un éclat palot. Son cœur se serrait devant les images qui se jouaient sous ses yeux. L’endroit, carrefour sauvage menant aux différentes régions de ce monde, sombrait peu à peu dans la folie.
— Comptes-tu bientôt lever le sortilège ? Hélios se posta à ses côtés, le visage inquiet.
— Je ne sais pas. Sa voix à la faible intonation se perdait dans le vide silencieux qui régnait autour d’eux. « Je suis si fatigué Hélios ! Savoir que le sang va couler à flots et que la noirceur va envahir la pureté de ce monde sans que je ne puisse intervenir me rend las… Je ne veux plus être avec les humains !
— T’veux rentrer ? Mais est le plan ? Nous n’pouvons pas quitter cette planète !
— Ah oui, la mission. Elle soupira. « Bon, penses-tu que notre ami va parler ?
— Que pourrait-il dire de plus que tu n’as pas vu dans son esprit ?
— Réveillons-le, nous verrons bien.
Barlen, destiné à devenir une bombe magique par son clan, sauvé de justesse par Lostris, se tenait à genoux. Son visage était blême et ses yeux blancs. Devant lui, flottait son cœur. La forme cardioïde, cristallisée, était parcourue de tentacules de fumée rougeâtre. L’objet était entouré d’un arceau lumineux de poignards d’énergie qui toutes les heures, poignardaient le cœur de cristal, plongeant le malheureux dans les abîmes de la lumière.
L’un des poignards tomba net, tranchant l’objet cordiforme dans un éclat lumineux. Barlen fut pris de convulsion, la sueur perlant son front. Ses yeux se révulsèrent et les hurlements de son corps se firent muets. Helios dégoûté par l’usage d’un tel sortilège recula d’un pas et fixa Lostris. Elle avait sa main tendue et murmurait. Le sort se volatilisa.
Il vit Barlen tomber tête la première sur le sol rocailleux. Sentant qu’il allait regretter ses paroles, il lui posa tout de même sa question. « Quel est ce sortilège est d’où vient-il ?
— D’une petite planète du second Méros. J’y cherchais un artefact, et mes pas m’ont mené vers un village ravagé par la guerre. Levant la tête vers la lune brillante, elle se confondit dans son souvenir entraînant avec elle son medjaï.
La mort, le froid, l’odeur des corps et des habitations calcinés, portés par le vent qui hurlait une peine infinie, emplissaient l’air glacial. Je marchais, mes pas crissant sous les déchets qui jonchaient le sol noirci. La lune, haute dans le ciel, flamboyant d’un rouge ardent. Elle projetait une ombre carmin sur les terres désolées. Je ne me souviens pas de l’époque exacte, mais c’était quelques années après la mort de mes semblables. Après leur disparition, les créatures humanoïdes, comprirent que le divin n’accompagnerait plus leur destinée. Ils se laissèrent aller à la noirceur de leur cœur. Cette planète, son destin, était depuis des siècles portée par un équilibre fragile. La magie avait toujours été vue d’un mauvais œil par les non magiques. Alors quand les dieux cessèrent de s’intéresser à eux, les humains entrèrent en guerre contre les mages. L’inquisition fut le nom donné à l’armée humaine qui traquait les sorciers. Ils voyaient la magie comme un danger, comme l’œuvre des ténèbres et voulaient faire régner la lumière. Leurs actions ont mené l’équilibre de l’énergie créatrice à sa perte. Aux détours d’une caverne, je suis arrivé au bord d’un précipice. C’est alors que je les ai trouvés. Je me souviens de ces gens, ces familles, ces amis, qui avaient trouvé refuge au creux d’une vallée dominé par les ombres. Ils vivaient, ou plutôt tentaient de survivre dans un monde ravagé par la violence et la haine. Les humains les traquaient tel des bêtes sauvages, parce qu’ils étaient nés avec un don que les non magique ne comprenaient pas. Parmi eux se trouvait un mage doué de magie noir. C’est lui qui malgré sa noirceur les avait sauvés du massacre. Cet homme utilisait un étrange sort sur un soldat ennemi qu’il avait capturé. C’est une version lumineuse de ce sortilège que j’utilise. Cela m’a pris des années pour modifier l’énergie utilisée afin de le convertir en sort de lumière.
— Que sont-ils devenus ?
Lostris sursauta. Elle regarda Hélios, ne comprenant pas sa question. Le jeune homme posa sa main sur son épaule.
— Que sont-ils devenus ?
Elle déglutit. « Ils finirent par prendre le pouvoir. Les sorciers réunirent et créérent un état militaro-magique. Les massacres ont continué. Puis avec le temps, l’énergie créatrice pervertie a fait mourir la planète. Elle n’existe plus.
Hélios fixa son regard sur la plaine en contrebas. « Combien d’mondes as-tu visité dans le passé ?
— Une cinquantaine je crois. Elle leva les yeux vers le ciel, son regard s’assombrissant sous les souvenirs qui affluaient. « Tellement de paysage à couper le souffle, tellement de civilisations si différentes les unes des autres, et tellement de magies pour la plupart antiques.
— La toute première qu’t’as visité, elle ressemblait à quoi ?
— C’était une planète déserte de toute vie. Les civilisations y ayant vécu s’étaient éteintes depuis des siècles. Leur monde fut victime d’un intense réchauffement énergétique. Néanmoins, l’océan regorgeait de ruines immergées dans les profondeurs. Les découvrir fut pour moi exceptionnel. Arpenter les Méros, découvrir les vestiges et les magies du passé, la vérité sur ce que je suis, et sur toute chose dans l’univers. Un programme vaste et chronophage. Nous n‘avons pas assez d’une vie pour découvrir toutes les traces des créatures humanoïdes depuis le commencement. Mais je sais qu’un jour, quelqu’un découvrira la vérité et j’espère être encore en vie pour y assister !
— J’n’en doute pas. Mais on fait quoi maint’nant ?