I.12 Azraël

« C’est le chat de la veuve noire !

- Boooooooooooouh ! Va-t-en, va-t-en, démon !

- En plus il a la couleur des flammes de l’enfer. »

Azraël esquiva les pierres et se réfugia prestement dans un arbre, hors de portée des enfants. C’était toujours la même chose : à chaque fois qu’il sortait faire un tour, il avait droit à des huées et des projectiles. Tout cela parce que son humaine de compagnie était hantée par Asmodée ! Il feula sur les gamins et attendit que leurs mères les rappellent.

Quelques heures plus tard, la servante de Ragouël vint le chercher.

« Azraël ! Azraël !

- Miaou !

- Satané matou qui grimpe dans les arbres sans être fichu d’en redescendre. »

Elle retroussa ses jupes, prit appui sur les branches les plus basses, et tendit les mains pour cueillir Azraël. Elle ne le prit, il fallait dire, pas avec beaucoup de délicatesse. Puis elle le cala sous son bras et le trimballa de la sorte jusqu’à la maison. La servante n’aimait pas vraiment Azraël. Le chat se retint de la griffer : quand il le faisait, il se prenait des coups de balai et se faisait mettre à la porte pour la nuit. La vie était injuste envers les chats.

Finalement, la sale gueuse le laissa tomber juste devant la porte de la chambre de Sara.

« C’est un bon à rien, mais au moins, il réconforte la demoiselle. Qui se ressemble s’assemble, dit-on. »

Hélas pour elle, Edna, la femme de Ragouël, l’entendit ; et ce fut avec une extrême satisfaction qu’Azraël la regarda se prendre une gifle bien méritée. Après quoi, il se glissa dans la chambre de son humaine préférée.

La pauvre Sara était dans une de ses périodes difficiles. Certains jours, elle allait bien, elle réussissait à surpasser la douleur de la perte de ses maris. Alors elle dessinait, elle brodait, elle écrivait des poèmes à la gloire de Dieu. Elle aimait aussi cultiver des plantes dans le jardin ; elle connaissait bien les plantes, mais quand elle le montrait, on la traitait de sorcière. Elle gardait donc ses tisanes et ses décoctions pour les membres de sa famille.

Mais certains jours, la dépression reprenait le dessus. Alors ses dessins étaient mal exécutés, son aiguille la piquait, ses vers ne rimaient pas, et elle se retrouvait sur son lit à pleurer. C’était un de ces jours.

Azraël bondit sur Sara et se roula en boule sur son dos. Il aimait bien Sara, elle était confortable et elle l’adorait. Contrairement à d’autres ! Alors qu’il profitait de cette couche si agréable, les sanglots de Sara se faisaient de plus en plus espacés. Puis une main maladroite lui caressa le flanc. Pas facile de caresser un chat qui est allongé sur votre dos. Mais Sara était douée. Azraël répliqua d’un coup de langue sur ses doigts.

« Oh Azraël ! tu es la seule bonne âme qui reste dans cette ville. »

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