— On aurait pas dû rester ? demanda Teo.
— Elle s’en sortira, répondit Haido.
Teo n’en était pas si sûr. Mais il ne dit rien de plus. Parce qu’il avait envie de voir cette plage de près. La plage et toutes les choses qui s’y passaient.
Ils descendirent vers le petit bosquet près de l’eau. C’était là qu’ils avaient vu l’écureuil. Teo eut un instant d’angoisse en se demandant si le chat n’allait pas lui sauter dessus. Mais cette bestiole-là était trop douée pour ignorer tout et tout le monde. Le chat s’assit sur un tronc tombé et entreprit sa toilette.
Alors, Teo oublia ses peurs et profita de tout ce qu’il y avait autour.
L’écureuil ressemblait à ce qu’il avait vu dans les livres de la bibliothèque. Là-bas, ça disait que c’était des rongeurs très peureux. Le livre disait aussi de ne pas les approcher, ils pouvaient passer à l’attaque s’ils se sentaient en danger.
Mais Haido n’avait pas dû lire le même livre, il s’en approcha sans aucune crainte et la bête ne sembla même pas le remarquer. L’écureuil continua à croquer ses noix d’or. Teo ouvrit des yeux émerveillés, il n’en avait jamais vu jusque là. Tout ce qu’il y avait chez lui, c’était les coquillages. Partout.
À l’intérieur des coquilles, ce n’était pas des noix, mais des émeraudes. Enfin, des cailloux verts. C’était Haido qui lui avait donné le vrai nom.
— Pourquoi il fait ça ? demanda Teo.
Il vit que pour une fois, Haido n’avait pas la réponse. Il semblait aussi saisi que lui par le spectacle. Les éclats brillaient au soleil, faisaient danser des reflets, éblouissaient. Teo aurait pu rester là la journée à le regarder. Mais Haido le traina plus loin, là où les vagues venaient s’échouer sur le sable.
Et le truc, c’est qu’il n’y avait pas que les vagues ici.
Teo glapit en voyant sortir de l’eau des guerriers. Exactement comme dans les livres. Ils avaient des casques de métal brillant, des côtes de maille, des lances et des boucliers. Et puis, ils ne semblaient pas dérangés par le fait de sortir de l’eau. Ils n’avaient pas d’étoile de mer coincée derrière l’oreille et d’hippocampe accroché à l’épaule. Ça semblait normal pour eux de venir comme ça, de la mer. Teo repensa à ce que la dame leur avait dit. C’était quelque chose qui se répétait. Encore et encore.
— Comment ils respirent sous l’eau ?
— Je ne sais pas, dit Haido. Une fois, on est tombés sur un monde où il y avait de l’eau partout. On a eu de la chance d’atterrir sur une plateforme. Bref, là-bas, les gens pouvaient respirer sous l’eau. Ils avaient des branchies, rajouta-t-il en se passant une main dans le cou.
— Comme les poissons ?
— Comme les poissons.
— C’est de la magie ? demanda soudain Teo
Parce que ça ne devait pas exister. Ils l’avaient appris dans les leçons de sœur Bérengère. Dans l’ordre normal des choses, les humains ne respiraient pas sous l’eau. C’était impossible.
— La magie n’existe pas, dit Haido.
— Alors comment ?
— Ils ont évolué. Leur planète n’avait que de l’eau, il a fallu qu’ils apprennent.
— Et ici ? C’est pas de la science, ça.
— Non, dit Haido pensivement. Non, ça, je ne sais pas ce que c’est.
Teo sentit un frisson le parcourir. Parce que derrière l’émerveillement, il sentait qu’il y avait autre chose, plus sombre, plus menaçant. Il se tourna vers la maison. Ses voilages battaient dans le vent. Mais il ne vit personne, ni la vieille femme ni Leibju.
Teo s’assit à côté du chat, fixa son profil. La bête ne bougeait pas d’une moustache. Le garçon suivit son regard, vit un bateau vaquer sur la mer.
— Ca aussi, c’est pas vraiment là ?
Haido le rejoignit, sourit comme pour le rassurer. Mais ce n’était pas rassurant.
— Ils sont vivants ? insista-t-il. Eux tous.
— Vivants, peut-être pas. Pas dans le sens où on l’entend, en tout cas. Mais ils ne sont pas morts. Peut-être qu’ils sont bloqués dans une boucle temporelle. C’est pour ça qu’ils refont encore et encore les mêmes choses.
— Donc ils sont là depuis… des siècles et ils font la même chose ?
— Peut-être.
— C’est triste.
— Ce n’est qu’une des possibilités.
— C’est quoi, les autres ?
Haido haussa les épaules, mais à retardement. Comme s’il avait décidé de ne pas dire quelque chose.
— Et nous, on est peut-être aussi bloqués ?
À cette remarque, il vit Haido grimacer.
— Non, dit-il.
— Comment on peut en être sûrs ?
— On peut en être sûrs parce que… parce que le temps avance. Et qu’on n’a pas d’impression de déjà-vu.
Il se tut quelques secondes.
— On n’en a pas, pas vrai ?
Teo haussa les épaules.
— Et puis, continua Haido, les boucles temporelles, personne n’a jamais prouvé qu’elles existaient vraiment.
— Ouais, marmonna Teo.
Mais il n’était pas convaincu. Il se disait que si c’était le cas, ils ne l’auraient pas remarqué. Parce que du déjà-vu, peut-être qu’il en avait eu. Après tout, tout ce qu’il voyait là, ça lui disait quelque chose. Quelque chose de confus. Mais quelque chose quand même.
Soudain, Leibju émergea de la maison. Elle balaya rapidement la plage du regard, s’arrêta sur eux. Alors, elle se précipita dans leur direction.
— On… peut… repartir, dit-elle, essoufflée.
— Quoi ?
Haido s’était relevé d’un coup.
— La femme, là. Elle vient de me dire qu’il y avait des vortex.
— Où ?
— Dans le ciel.
— Le ciel est vide, Leibju.
— Merci, j’avais remarqué.
Elle s’assit à côté de Teo, souffla. C’était la première fois que le garçon la voyait sourire.
— Ils sont juste plus rares. Il faut attendre pour tomber dessus.
— Rares comment ? intervint Teo.
— Moins que je le pensais. Elle a dit qu’elle a vu le dernier ici il y a quinze jours. C’est rien, quinze jours. Elle a aussi parlé de…
— Attends, coupa Haido.
Il semblait soudain bien plus inquiet qu’elle. Teo, lui, sentait l’espoir le gagner. Parce qu’ils pouvaient attendre quinze jours, même un mois s’il le fallait. Ce n’était pas un monde désagréable. Étrange, certes, mais plutôt sympa.
— Pourquoi elle est ici s’il y a moyen de repartir facilement ? demanda Haido.
— Elle repartira pas, dit Leibju.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle a perdu quelqu’un.
— Dans la forêt ?
Elle hocha la tête.
— Mais si on arrivait à la convaincre, elle pourrait parler de ce monde. Elle le connaît bien mieux que nous.
— Je pense pas qu’elle en ait envie.
Haido ne dit rien de plus, il semblait réfléchir.
Et tout d’un coup, le chat sauta sur les genoux de Teo et des éclairs déchirèrent le ciel.
Il y a quelque temps, notre trio maquait de nourriture ; ils ne lui demandent même pas comment en trouver ? Parce que partir, c’est bien, mais il ne faudrait pas mourir de faim en attendant. Il y a de l’eau potable, d’ailleurs ?
Si les éclairs annoncent l’arrivée d’un vortex, il y a de l’espoir.
Coquilles et remarques :
— il n’en avait jamais vu jusque là [jusque-là]
— des côtes de maille, des lances [des cottes de mailles]
— Et puis, ils ne semblaient pas dérangés par le fait de sortir de l’eau. [Pas de virgule après « Et puis » dans ce contexte.]
— Ca aussi, c’est pas vraiment là ? [Ça / Ça non plus ; on ne peut pas associer « aussi » à une négation.]
— Alors, elle se précipita dans leur direction. [Pas de virgule après « Alors ».]
— Et tout d’un coup, le chat sauta sur les genoux de Teo et des éclairs déchirèrent le ciel. [J’enlèverais le premier « Et » pour éviter d’en avoir deux dans la phrase.]
Je commence à penser qu'Haido n'a aucun instinct de survie, à aller essayer de communiquer avec tout ce qui bouge sans plus réfléchir que ça XD Et plus sérieusement, l'histoire des illusions (?) qui font toujours la même chose, inlassablement, me fait un peu flipper ! Et aussi, d'où Teo il a une impression de déjà-vu sur ce monde ?? Et pourquoi la vieille femme elle ne veut toujours pas partir, même maintenant qu'elle a eu la confirmation que Sali est morte ?
Et qu'est-ce que c'est que ces éclairs surtout !! Je file au chapitre suivant !