La chatte se traîna difficilement jusqu’au rebord de la fenêtre. Le pelage trempé par la pluie, épuisée par sa gestation difficile, elle se hissa sur la corniche de pierres et se laissa tomber. Les contractions la torturaient. À bout de forces, elle haleta, cherchant désespérément de l’air.
De l’autre côté de la fenêtre, Sara dégrafait sa robe. En face d’elle, Michel se débarrassait de son habit. Les deux jeunes gens s’apprêtaient à consommer leur mariage, et Sara était nerveuse. Ce n’était pourtant pas la première fois : en effet, la jeune femme avait déjà été mariée. Mais le soir même de la noce, son fiancé avait soudain été pris de quintes de toux, puis de convulsions, et il était mort sur le plancher de cette même chambre à coucher. Elle chassa ces pensées de mauvais augure et acheva de se déshabiller.
Une terrible douleur traversa le corps de la mère chatte. Tremblante, elle expulsa un premier chaton. Couvert de liquide amniotique, mais aussi de sang, le nouveau-né avait piètre allure. On pouvait cependant deviner, sous la substance visqueuse qui le recouvrait, un pelage noir. Il tremblait. Il était si petit…
Sara posa sa robe sur son coffre et s’approcha de Michel. Son promis, immobile, contemplait le mur depuis déjà un long moment. Il devait être nerveux, lui aussi. Elle se glissa dans son dos pour l’enlacer. Mais quand elle le toucha, elle poussa un cri d’horreur.
« Michel ! »
Elle le retourna par les épaules, découvrant son visage bleu, crispé, ses lèvres qui s’agitaient, essayant sans succès de capter la moindre bouffée d’air. Sara savait qu’il fallait faire quelque chose, mais il lui semblait que son cerveau fonctionnait au ralenti. Paniquée, elle fixait son époux, cherchait à se remémorer le peu qu’elle savait sur les premiers secours ; mais le visage de son premier mari se superposait à celui de Michel, elle ne savait plus ni quand ni où elle se trouvait, et les ténèbres envahissaient peu à peu son esprit.
Quatre chatons. Elle avait mis bas quatre chatons, mais aucun ne semblait assez fort et assez robuste pour survivre. La mère chatte se lova autour d’eux, espérant que son corps chaud leur permettrait de tenir quelques heures de plus. Elle leur adressa un dernier regard. Et elle s’affaissa. Elle était morte.
Sara serrait contre elle la petite boule de poils rousse. Des quatre chatons, il était le seul à avoir survécu. Trouvé in extremis par la servante, réchauffé, lavé et nourri, il dormait à présent du sommeil des justes. Le voir si paisible lui faisait monter les larmes aux yeux. Ce chaton lui redonnait une lueur d’espoir.
Peut-être, elle aussi, trouverait-elle un foyer aimant.
C'est attendrissant. Et cela permet de découvrir qui est Sara et son tourment.
C'est triiiiiiisssssttttteeee!
C'est très bien écrit, mais que c'est triste, pauvres petits chats (j'adore les chats, ça me brise d'autant plus le coeur)
Bref, j'aime beaucoup ce début d'histoire.
Merci pour ce texte.
et c'est pas parti pour s'arranger...
Ce que tu viens d'écrire est cryptique, et ça sent la vieille charogne de la haine. Si tu peux expliquer en douceur ce que tu as essayé de dire, fais le; sinon ne dis rien. Plume d'argent est un site que je respecte pour sa bienveillance, et je ne tolèrerai pas que l'on insulte ses membres de n'importe quel manière que ce soit, comme avec ton message passif-agressif.
Fais gaffe.
Message pour Blairelle :
J'aime beaucoup ce début d'histoire, je ne connaissais pas l'existence du Livre de Tobie, je n'y connais pas grand chose non plus à la religion, mais je serai ravi de voir ton interprétation; l'écriture est fluide, les changements de point de vue animal-humain sont bien foutus. Commencer avec une meute de chien qui dévore une charogne pour après révéler qu'il s'agit du corps d'un homme est un bon coup de théâtre, j'aime beaucoup. Je lirai la suite avec plaisir.
Le sujet de cette histoire en cette période de guerre de religion est très osée, j'applaudis l'audace; malheureusement je crains qu'internet te fasse beaucoup de mal par haine et/ou par patriotisme irréfléchi. Mais c'est aussi comme cela que l'on protège nos valeurs, en étant vrai avec nous même, et avec le monde.
Continuons de parler avec bienveillance, sans péter plus haut que notre cul.
Oui c'est vrai que j'ai pas trop pensé au contexte, ça fait des années que j'ai un intérêt spécifique sur la Bible. Le livre de Tobith est tristement méconnu je trouve, c'est l'un des plus beaux de l'Ancien Testament, il n'y a pas de massacres (en tout cas, pas perpétrés par les "gentils"). Et il a été écarté du canon protestant, je sais pas pourquoi ;-(
Ensuite je ne connais vraiment pas le canon protestant (je n'ai toujours pas lu le Nouveau Testament, donc on peut considérer que je suis en retard) mais ma belle-grand-mère a des racines protestantes, je pourrai lui demander si tu veux.
Est ce que tu as déjà entendu parler du Legemeton ? La petit clé de Salomon ? Je m'intéresse aux esprits, dont les anges et les démons, par sentimentalisme déjà mais aussi pour cristalliser des concepts et des émotions, ce qui m'aide à comprendre ce que je ressens et ce que ressentent les autres. Et du coup j'ai entendu parler de ce livre mais je ne connais personne qui l'ait déjà lu. Tu en penses quoi toi ?
Dans l'Ancien Testament la magie et les rituels chelous pour invoquer des esprits c'est très clairement interdit. Après, ce ne serait pas incohérent que Salomon ait décidé de frayer avec ce genre de pratiques, vu qu'il a un règne hyper prospère mais qu'à la fin de sa vie il se détourne du Dieu d'Israël et va se mêler à des pratiques païennes. Décider de symboliser ça par « il a invoqué des démons pour les faire travailler pour lui et il doit son succès à des pratiques occultes » pourquoi pas.
Par contre, le coup de "c'est Dieu qui a révélé ça à Salomon" ça peut pas être le même Dieu que celui de Moïse ou d'Israël, c'est un contre-sens total.
Dans le Nouveau Testament les démons c'est surtout des symbolisations de maladies, typiquement l'épilepsie, on sait pas expliquer alors on va s'imaginer que c'est un démon, mais c'est pas du tout des démons qu'on invoque et encore moins qu'on peut exploiter. Surtout que le NT s'éloigne très fort de tout l'aspect "rituel compliqué", déjà en comparaison avec l'AT ils sont vraiment en mode "tout le tintouin avec les colombes et l'encens on s'en fout, imposer les mains ça suffit". Donc des rituels pour invoquer des démons avec toute une liste de démons qui auraient différentes propriétés et différents modes d'emploi, c'est aux antipodes du NT.
Cependant, historiquement, lorsque le christianisme a commencé à s'imposer, il a fallu trouver un compromis avec les cultes païens et le goût des gens pour les histoires de surnaturel stylées. Typiquement, Sainte Brigitte d'Irlande aurait été simplement une récupération de Birgid ; et plus généralement, au lieu d'avoir plusieurs dieux, les catholiques ont instauré le culte des saints, avec le saint patron des cordonniers, le saint patron des amoureux et le saint patron de quand on a perdu ses clés. Je connais beaucoup moins le judaïsme mais je crois qu'il y a des histoires similaires, du style "on a qu'un seul Dieu mais on va rajouter des anges à tire-larigot et leur inventer une vie et histoires qui n'ont rien à voir avec la Torah mais si on fait genre que c'est des anges alors ça passe". J'ai vraiment l'impression que c'est ça qui a été fait avec le Lemegeton, on a récupéré du folklore magique, on a mis le nom de Salomon et de St Paul sur la couverture pour faire joli, et hop ça y est c'est chrétien.
Après je l'ai pas lu, si ça se trouve c'est effectivement cohérent avec les fondements du christianisme et la Bible.
(Voilà c'est ça que ça donne quand on me demande mon avis sur un sujet qui m'intéresse)
J'imagine bien que le Legemeton est un bouquin occulte basé sur des croyances totalement contraires à la Bible et que ceux qui s'y sont approchés ont fini sur un bûcher pour sorcellerie. Mais ça m'intéresse car les pratiques païennes sont bien plus anciennes que le catholicisme, et qu'elles ont sans doute leur place dans l'imaginaire collectif afin de nous apprendre à appréhender la vie.
Le fait que le catholicisme condamnait ces pratiques avait ses raisons : soit créer une cohérence dans un peuple en leur faisant croire à code moral commun (ce qui les empêcherait de se taper dessus pour un oui ou pour un non), soit maintenir un obscurantisme dictatorial pour éviter de trop réfléchir et de se demander pourquoi le paysan qui crève de faim devrait donner de l'argent pour un culte mafieux qui vit dans l'opulence la plus hypocrite, et ces deux raisons peuvent très bien cohabiter ensemble.
Mais le plus effrayant, c'est que aucune de ces deux raisons n'ont pu éviter un scission au sein de cette même religion, et maintenant on se retrouve avec plein de peuples qui s'entretuent au nom du même Dieu.
Et c'est terrible. Au point que les athées se méfient par principe de la religion, de toutes les religions. C'en est devenu limite une honte ou un danger que de faire preuve de spiritualité. Alors que comme tu le vois, ces gros bouquins utilisent ultra-intelligemment les métaphores de la vie sous toutes ces formes, et qu'elles apportent un regard nouveau à quasiment toutes les facettes de la vie, même les plus abjectes.
C'est pour ça que les pratiques païennes m'intéressent, elles n'ont pas la connotation de manipulation de masse qu'ont les grandes religions au regard du public, et elles apportent une façon poétique d'aborder les problèmes terre à terre, ce que ne fait pas le science.
Je travaille dans la médecine, et tu dois savoir qu'une maladie n'a pas de sens en soi, le jargon médical est froid et tranchant de vérité, mais qu'est ce qu'il reste à quelqu'un qui a un cancer ? La chimio, la douleur, la solitude et la question évidente : "Pourquoi ça m'arrive à moi ? Ca n'a pas de sens."
Moi, je cherche le sens que je pourrai donner à mes patients, afin qu'ils puissent continuer à vivre, aussi fort qu'il leur est possible, même si cela veut dire vivre dans l'absurde de la science médicale. Car croire en quelque chose est parfois plus fort que ce qui existe réellement.
Je suis d'accord avec ton analyse sur la domination chrétienne, il est assez clair qu'à partir d'un moment l'Église n'en a plus rien eu à foutre de ce que disait vraiment Jésus (d'où le protestantisme, qui s'est assez vite détourné du message d'amour et de paix lui aussi... bref)
Il n'en reste pas moins qu'en l'occurrence, l'invocation de démons est contradictoire avec la Bible et que c'est un non-sens total d'avoir mis sur ce livre les noms de Salomon et Paul.
À titre personnel, je dois avouer que je me méfie beaucoup de ce genre de bouquins, surtout dans le domaine de la santé. En tant que personne handicapée, je considère qu'aller chercher des raisons "spirituelles" aux handicaps et aux maladies, ça ne peut que mal tourner. Que ce soit par des chrétiens, des païens ou peu importe la religion, d'ailleurs. Au mieux on s'imagine que la personne est possédée par un démon à cause d'une faiblesse de caractère (ou pire, en punition pour ses mauvaises actions passées), ce qui est franchement humiliant, et ne parlons même pas des effets catastrophiques des exorcismes sur la santé mentale (oui oui c'est toujours pratiqué). Au pire on va sortir une histoire "inspirante" sur les épreuves envoyées qu'il faut surmonter parce que "la souffrance rend pur", et alors là, je crois que je n'ai pas besoin de développer. C'est ça que j'aime bien avec le livre de Tobie, sans vouloir spoiler, ce qui arrive à Tobith et Sara n'a pas de "raison", juste ça arrive et c'est tout.
Nan, je ne m'amuserai pas à faire du mal autour de moi, et j'ai conscience que l'écoute, la confiance et la bienveillance seront bien plus utiles que des histoires imaginaires.
Mais, le livre de Tobith t'a marqué, et t'a sans doute aidé à mieux vivre ta maladie. C'est ce que je recherche à faire dans mes histoires, et me baser sur des travaux déjà existants, plus ou moins connus, que ça aille sur la mythologie grec, chrétienne, occulte, et contes populaires, peut me donner des idées d'histoires, tout en me permettant de les transformer pour qu'elles correspondent au goût du jour. Les histoires ce sont des matériaux bruts, qui peuvent être façonnés pour correspondre aux besoins d'une époque. Je ne vais pas chercher le fanatisme religieux, c'est pas ça que je cherche, mais une espèce de poésie qui attenuerait la peur, la honte et la solitude que provoque la maladie. Je ne connais pas beaucoup de personne qui parlent de leurs maladies naturellement à tout le monde, c'est vrai que ça peut être quelque chose de privé, c'est tout à fait leur droit, mais il y a aussi une peur du rejet en société si on parle de nos maladies, car cela renvoie aux autres leurs propres peurs, que ce soit celle de la mort, de la souffrance, de la perte de leur famille ou de leur identité.
Mince, je ne suis qu'un médecin lambda qui parle facilement à tous ses patients et ces derniers sont heureux de parler avec moi. Je ne suis qu'un inconnu pour eux, et pourtant ils sont contents de me voir pour parler de leurs souffrances. Qui parle avec eux de toutes leurs souffrances ? De tout ce qu'ils ont sur le coeur ? Bien peu de personne j'en ai peur. Et je ne comprends pas pourquoi cela ne change pas. Je trouve ça juste terrible.
Alors je cherche des points d'approche pour que le public, en contact avec la maladie ou non, puisse s'ouvrir à ces concepts qu'ils toucheront tôt ou tard. Et les aborder en utilisant le prisme de l'histoire fantastique est un partie que je veux défendre. Le côté spirituel serait plutôt là pour la poésie, une nouvelle face d'une réalité scientifique qui jouerait sur les émotions du patient ou de la famille. Qui ferait réfléchir, et sourire malgré la souffrance d'un corps et d'un esprit qui se cassent la gueule.
Bien sûr que c'est un projet foireux, et qui pourrait déraper très facilement. Donc je prends mon temps, et je me documente.
D'autant plus que ça va à contre sens de notre époque, mais du coup c'est un partie à exploiter, en douceur et avec précaution.