Identité

Notes de l’auteur : Enfin j'en révèle un peu plus sur mon personnage. Après avoir fait planer le mystère durant au moins 5 chapitre, l'identité se dévoile et je mets enfin un nom sur la bête.

   Quand l’astre m’avait frôlé de ses premiers rayons, j’étais déjà bien loin de la scène de crime horrible dont j’avais été l’acteur.

   Je repensai à l’atrocité de l’attaque et l’image de ces deux cadavres décharnés m’aurait donné envie de vomir, si seulement j’avais été apte à ressentir quelque dégoût. Mais il n’en fut rien.

   Mon esprit savait que ce qui s’était passé cette nuit-là était terrible. Je connaissais l’odeur et le goût de la mort, et je savais ce que cela impliquait. Cependant, je n’étais plus maître de mon propre corps. J’étais en pilotage automatique et la bête avait repris les commandes. L’éthique, la morale s’était effacées et seuls quelques résidus tentaient de demeurer en surface, mais tout cela m’était devenu étranger. Je connaissais encore les émotions de nom, savais les reconnaître, mais ce que j’aurais dû ressentir en adéquation avec celles-ci ne me parvenait plus.

   D’un reflex purement mécanique, je m’étais précipité hors de la ville, rebroussant chemin jusque dans les bois où je pensais pouvoir rester caché.

   Je fis alors une halte aux bords d’un étang sur lequel j’étais tombé par hasard et dans lequel je décidai de m’abreuver afin d’étancher ma soif.

   Et tandis que je buvais cette eau sans même me soucier si elle fut bonne pour ma santé, mon regard plongea dans ce reflet que l’étang me renvoyait, comme pour me narguer. Je reposai les yeux sur cette abomination pour la seconde fois. Une profonde tristesse m’envahit et m’empoigna le cœur. Du moins les signes étaient là ; les larmes qui coulaient le long des joues et la douleur à la poitrine que je ressentais. C’étai comme s’il avait été de papier que la main du désespoir aurait déchiqueté en milliers de morceaux.

   Frustré, j’hurlai mon désarroi. J’avais tout perdu cette nuit où je m’étais retrouvé pris au piège de ces expériences, jusqu’à ma propre identité. Je ne savais même plus comment je m’appelais. Je tentai donc de déceler une réponse dans mon reflet, mais rien ne désirait faire surface. Je décidai alors de m’y perdre volontairement, dans ce dédale de confusion, jusqu’à ce que je mis la main sur un souvenir, un indice sur celui que j’étais.

   J’étais seul, perdu dans mes propres ténèbres. Je ne savais rien, ne voyais rien. Seule une lueur encore bien trop faible pour que je m’en aperçusse dans un premier temps. Puis la lumière commença à se faire de plus en plus vive au fur et à mesure que j’observais. Elle fut bientôt à porter de doigts, et au moment où je pus la saisir, je la pénétrai.

   L’herbe fraîche s’étalait alors à perte de vue, et une mer capricieuse faisait échouer ses vagues sur les rochers en contrebas d’une falaise. Le paysage qui s’offrait à moi me parut vaguement familier sans que je pusse dire pourquoi. Je me sentais juste comme chez moi.

   Et alors que je parcourais la lande du regard, mes yeux se posèrent sur ce qui devait être un petit garçon. Il portait un t-shirt bleu, une salopette en jeans ainsi que des petites bottines. Sa tête était quant à elle ornée d’un berret gris. L’enfant courait, tentant de maintenir dans les airs un cerf-volant qu’il tenait à pleine main. Je le regardais courir, quand j’entendis une voix appeler.

« Erwin ! Erwin ! Ne vas pas trop loin, mon chéri. On va bientôt passer à table. »

   Je me retournai pour voir à qui appartenait cette voix. Mes yeux se posèrent sur une jeune femme plutôt élancée. Elle portait une élégante robe à fleurs. Sa chevelure était rouge grenat. Elle était sublime. Elle regardait ce petit garçon avec tendresse, et je devinai que ce dut être sa mère.

   Soudain, une certaine nostalgie s’empara de moi. Mes tripes me disaient que je les connaissais. Mais qui étaient-ils ? Erwin. Ce nom me disait quelque chose, mais pourquoi ?

   Cette vue de bord de mer, cette femme et son enfant, et surtout cette maisonnette qui surplombait la falaise. Tout à coup, les choses devinrent limpides.

   Erwin. Ce nom résonnait à mes oreilles encore et encore. Il s’ancrait en moi alors qu’il se répétait inlassablement en mon esprit. Il était assourdissant.

J’essayais de comprendre. Je tentais de rattacher ce nom à un souvenir qui aurait été plus récent. Et tandis que je me perdis dans mes réflexions, le monde commença à vaciller. Le paysage s’effaçait.

« Erwin ? Erwin ! Tu en as terminé avec la paperasse ? »

Une voix d’homme cette fois. Là aussi, elle me fut familière. Qui était-ce ? Qui étais-je ? Allez, un effort.

 J’étais maintenant dans une pièce, assis devant un petit bureau, éclairé par une lampe sur pied. Celui qui ne cessait de m’appeler était assis dans un fauteuil de cuire. Il avait le regard grave, les joues carrées et le menton saillant. Ses yeux gris me transpercèrent avec force, mais étrangement je n’en fus pas perturbé. Puis, quelque chose attira mon attention. Une photo. Cet homme et... qui était l’autre ? J’approchai mon regard, analysai le portrait de ces deux individus.

 Tout à coup, une nouvelle image s’imposa en mon esprit. L’homme, celui que je n’avais pas reconnu ; je le vis attaché à une table. La pièce dans laquelle il se trouvait était sombre et humide, éclairée seulement par une petite lucarne. Une douloureuse impression de vécu me transperça alors.

Puis, enfin, tout devint clair. Je me rappelais. Cet homme, ce lieu ; ces mois de tortures à m’être perdu dans la crainte et l’angoisse. Ce petit garçon, ce regard grave que j’avais perçu chez l’autre ; et ce nom qui résonnait toujours à mes oreilles. Erwin. Ce nom s’associa de lui-même au malheureux enchaîné. Ce nom c’était le mien.

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nolween_eawy
Posté le 13/12/2022
Identité dévoilée mais le mystère bien épais, n'a pas encore dissipé sa brume. Pourquoi, comment. Cela prends aux tripes. Je lis un chapitre par soir, et quand on pense avoir compris... il n'en est finalement rien. Très bien mené.
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