De son côté, le convoi de charrettes, de bêtes et de serviteurs arrivait aux portes de la ville. Sara marchait en tête. Elle avait pris Azraël dans ses bras, et le chat la sentait stressée.
« Je dois guider tous ces gens… Je ne suis pourtant qu’une femme. Je n’ai pas été préparée à cela. Est-ce qu’ils vont vraiment me suivre ? En plus, je ne sais même pas où habite mon mari. »
Mais les serviteurs que lui avait donnés Ragouël étaient loyaux, ils n’avaient pas l’ambition de miner l’autorité de leur patronne, et ils attendaient tout simplement qu’elle leur donne la marche à suivre.
Sara avisa donc une passante qui semblait se rendre au marché, les bras chargés de paniers vides.
« Excuse-moi ma sœur, saurais-tu me dire où habite Tobith, fils de Tobiël ?
- L’aveugle ? Prends la prochaine à droite, puis deuxième à gauche après le platane. Tu reconnaîtras facilement la maison : la cour est envahie de mauvaises herbes, et l’épouse passe son temps devant l’entrée à guetter le retour de son fils. Mais sois prévenue : ils sont un peu fous, à l’intérieur. »
Sara la remercia poliment, mais Azraël n’était pas dupe. Ni lui ni son humaine n’appréciait la façon qu’avait cette femme de parler de ses voisins.
« Enfin bon, murmura Sara à l’oreille de son chat ; réservons notre jugement. Peut-être ne pensait-elle pas à mal et s’est-elle simplement montrée maladroite. »
Elle fit signe aux serviteurs de la suivre et se dirigea dans la rue indiquée par la passante. Mais alors elle entendit des cris de joie, des louanges et des bénédictions.
« Que Dieu soit béni, Lui qui m’a pris en pitié et a rouvert mes yeux ! »
Azraël décida qu’il en avait assez d’être porté. Il se dégagea d’un coup de reins et tomba lestement sur le sol. Le sol de terre battue de la rue était bien ferme, bien sec et pas trop chaud. Il reniflait les odeurs, différentes, mais pas complètement inconnues. De l’humain, du mulot, des déchets… Tiens, une odeur de chien. C’était Tobo qui revenait !
En effet, le chien gris trottinait gaiement dans l’avenue. À ses côtés, Tobie, Azarias, et deux autres humains : un mâle et une femelle qui avaient l’âge de Ragouël. Les gens de la ville ouvraient leurs fenêtres et leurs portes pour observer la petite troupe. C’était si extraordinaire que cela, de voir des gens marcher dans la rue ?
Enfin, Tobith arriva en face de Sara. Immédiatement, il l’embrassa :
« Sois la bienvenue, ma fille ! Béni soit Dieu de t’avoir menée vers nous ! Béni soit ton père ! Béni soit mon fils Tobie et bénie sois-tu, ma fille ! »
Lorsqu’il eut fini de bénir la terre entière, il mena Sara jusqu’à chez lui. Azraël envisageait de partir vagabonder, mais l’un des serviteurs le cueillit et l’embarqua de force jusqu’à la maison.
Enfin bon, ce n’était pas si terrible que cela ; car une fois arrivés, tous les humains, maîtres et serviteurs, s’activèrent aux fourneaux pour préparer un magnifique repas de fête. Et Azraël eut droit à une magnifique gamelle remplie de bonne viande fraîche.