Cher journal, il faut vraiment que j’arrête de commencer par cette formule, ça fait vraiment gamine. Il faut dire que j’étais une enfant quand j’ai commencé à y raconter ma vie. Mais j’ai grandi à présent, j’ai seize ans, je suis en âge d’être mariée.
David est encore rentré victorieux. Ce doit être sa huitième campagne menée avec un succès éclatant. Les femmes de la ville sont en train de descendre dans les rues pour l’acclamer. Je vais aller les rejoindre. Maman nous a toujours dit qu’il était de notre devoir, à nous, les princesses, de féliciter les héros.
Eh bien, quelle fête ! Il n’y avait pas que les femmes de la ville, mais aussi celles de la campagne, et celles d’autres villes. Nous nous sommes fait passer des tambourins et des triangles, et nous avons chanté à pleins poumons : « Saul a frappé ses 1000, et David ses 10 000 ! » Ce n’est pas très flatteur pour papa, mais il faut admettre que c’est vrai. Les exploits de David ne se comptent plus.
Mérab est entrée dans ma chambre sans frapper. Elle était furieuse.
- Mikal ! Toi aussi, tu es allée chanter ces paroles honteuses aux côtés des commères ? J’espère pour toi que papa ne l’apprendra pas. Il est déjà en colère, mais alors s’il apprend que sa propre fille a participé à cette humiliation…
- Ce n’est pas une humiliation ! Nous avons simplement célébré le retour de David.
- Il faudra que tu choisisses, Mikal, à qui tu donnes ta loyauté : à ton père, ou à ce petit berger sorti de nulle part !
Elle est sortie, furieuse. Je ne pense pas qu’elle va me dénoncer à papa. Elle n’est pas comme ça. Et puis, si elle vient dire cela à papa, il risquerait, sous le coup de l’énervement, de la gifler directement pour la punir d’être allée apporter cette nouvelle. Papa s’énerve de plus en plus, ces temps-ci. Je commence à avoir peur de lui.
* * *
Mérab est venue me trouver en pleurs. Papa a décidé de s’allier avec David. Je crois qu’il a peur de lui. Il change d’avis tous les quatre matins, papa : hier, il voulait la mort du fils d’Isaï, et maintenant, il en fait son gendre ? Car oui : pour confirmer l’alliance de notre maison avec lui, il lui a promis la main de sa fille.
La main de Mérab.
- Je ne veux pas épouser ce pauvre type qui a ridiculisé papa !
J’ai essayé de la réconforter, mais en moi-même, j’étais furieuse. Comment ose-t-elle parler de David de la sorte ?
J’ai passé une heure à pleurer sur mon lit. C’est trop injuste ! Pourquoi est-ce Mérab qui épouse David, et pas moi ?
* * *
Je m’éclipse du mariage de Mérab, je suis fatiguée de danser.
Ça y est. Ma sœur vient de se marier. Elle a épousé Adriel de Méhola. David a décliné la proposition de mariage, arguant qu’il n’est pas digne de la main de la fille du roi d’Israël. Mérab est aux anges. Il est vrai qu’Adriel est un bon parti : noble, beau, riche, exactement comme Mérab aime les hommes.
Moi aussi, je suis contente. Si Mérab n’épouse pas David, alors peut-être que j’ai une chance ? Mais il vient de dire qu'il ne peut pas épouser une princesse... Je vais en parler à maman. Elle saura sûrement me conseiller.
* * *
Papa a accepté de me fiancer à David ! Il réfléchit à un moyen de le convaincre de m’épouser, même s’il n’est pas assez riche. Il faut dire que la dot de Mérab s’élevait à quatre-vingt pièces d’argent, et je doute que la famille de mon promis puisse réunir une pareille somme. Il faut dire que David est un honnête homme. Il ne s’est jamais emparé de plus que sa part, il n’a jamais rien pris de ce que l’Éternel avait décidé de détruire – contrairement à certains – et par conséquent, il n’est pas encore bien riche. Ce n’est pas grave, je lui fais confiance, il le sera bientôt.
Le montant de ma dot a été fixé. David pourra m’épouser en échange de 100 prépuces de Philistins. 100 prépuces de Philistins ! C’est absurde ! Qu’est-ce que papa veut en faire ? Un potage ?
Plus sérieusement, je suis assez fière de cette dot. Je ne suis pas vendue comme une vulgaire vache. Mon mari m’aura grâce à ses services pour le royaume. Mon union sert Israël !
* * *
Ça y est ! David est revenu. Encore une expédition menée avec succès. Si papa espérait qu’il meure à la guerre, c’est raté ! Il a même ramené le double de la dot convenue. Deux cent prépuces de Philistins. Aujourd’hui est donc le dernier jour de ma vie de vierge. Ce soir, je serai mariée au plus grand homme d’Israël !
J’attends avec impatience l’arrivée de nounou, qui me fera essayer ma robe de mariage. Elle va me coiffer et me maquiller, pour que David me trouve jolie quand il enlèvera mon voile. Puis, maman me donnera des conseils pour la nuit de noces. Je veux être parfaite !