Il y a un train en provenance de Grigliath.

Le maître dort depuis des heures maintenant, plus longtemps que son temps moyen de sommeil par nuit. La robote a déjà astiqué, rangé, réparé la tour de fond en comble, sans oublier de faire le ménage sur l’ordinateur pensif. Elle est allée chercher des viennoiseries en prévision du réveil. Elle a commencé à rassembler des matériaux faciles à obtenir pour la nouvelle création de son maître. Elle s’est renseignée à propos de ceux qui sont plus rares.

Maintenant elle fait le tri dans les pensées de son maître, pour que tout soit clair, net et précis, moins flou, quand il se réveillera enfin. Certaines commandes de programmes sont tellement simples à établir qu’elle s’en charge elle-même.

Elle consulte les pensées qui ont été adressées directement au brillant créateur d’Abstraction qui bave sur le plancher, à côté d’elle. Il y en a des milliards. Elle fait défiler pensivement la liste en semblant ne s’intéresser à aucun pseudo en particulier. Mais c’est plus fort qu’elle, elle cherche toujours une personne qui conviendrait à son maître. Non, il ne lui faut certainement pas, pour des raisons évidentes, un de ceux qui l’abreuvent d’insultes et l’accusent de sacrilège. Pas plus qu’il ne lui faut une personne éperdue d’admiration qui se prosterne pensivement devant lui. C’est pourtant vrai qu’il préfère les choses acquises, qui vont vite et sont simples, mais elle, son robot, sent que ce n’est pas du tout ce dont il a besoin. Il lui faut des épreuves, des défis, il faut qu’il se jette à corps perdu dans une relation pour pouvoir vraiment s’y épanouir. La robote est assez émerveillée devant l’étendue de son propre savoir en matière de psychologie humaine.

Elle remarque que plusieurs entreprises ont déjà été interpellées pour avoir eu l’idée de s’inspirer d’un peu trop près de la création de son maître. Quelqu’un d’instable a même été arrêté à l’autre bout du monde pour avoir pensé sérieusement à tenter de dérober un matériau nécessaire à la fabrication du logiciel.

A force de farfouiller, elle constate qu’en ce moment même, des originaux font route vers Brillotondo pour remercier comme ils l’estiment juste le fabuleux brillant. D’autres, fanatiques, ont franchement envisagé de l’éliminer, mais la police pensive a déjà fait son travail, et ces individus sont hors d’état de nuire, hors de la toile, dans les prisons. Heureusement, ces gens-là ne sont jamais très nombreux, et on ne les entend plus. Impensables. Et puis il y a des gens, dans des trains, qui viennent d’un peu partout en Europe. Qui viennent même, s’amuse la robote, de la région de cette cultivatrice mate dont son maître s’est inspiré...

BOOM

La robote s’immobilise, ses engrenages grincent, il y a un train en provenance de Grigliath. Il y a à l’intérieur deux jeunes filles en train de pleurer l’une dans les bras de l’autre un train en provenance de Grigliath sur l’île au nord-ouest européen deux jeunes filles dans le train qui arrive dans quelques heures à Brillotondo le train deux jeunes filles qui pleurent et l’une d’elle l’une d’elle nom d’un homme l’autre est une nouveleuse prête à se prosterner soi-disant amoureuse mais la première l’une d’elle Elle est Elle c’est Elle un train deux filles qui pleurent et Elle dans ce train qui arrive dans quelques heures ici à Brillotondo la ville de son maître le maître de la ville la tour brillante où il habite Elle arrive c’est cette fille c’est cette donnée qui lui échappe c’est cette fille dans la fusée cette fille dans le rêve de son maître cette fille partout c’est elle Elle pleure dans les bras d’une autre dans ce train Grigliath-Brillotondo qui arrive dans quelques heures.

Et son maître qui dort. Ne surtout pas le réveiller, surtout pas, plus jamais. Ses circuits à elle sont en train de griller, alors qu’est-ce que ce sera pour ses circuits à lui quand il s’apercevra que sa copilote de fusée débarque…

 

Robert a tout filmé, tout enregistré, très soigneusement. Deux jeunes filles qui font autant de bruit et qui produisent autant de liquide – larmes, trouve-t-il sur la toile, ça n’arrive pas tous les jours ! Il note pour lui-même que produire ces larmes – pleurer, trouve-t-il sur la toile, fatigue énormément. Elles sont endormies, comme Elle le voulait tout à l’heure, et en un battement de paupières, ils arriveront à Brillotondo. Est-ce que Vi (il adopte docilement l’appellation) les accompagnera désormais ? Il en doute. Cette fille ne lui paraît pas très intéressante. Son robot à elle n’est absolument pas développé, ça ne lui inspire pas confiance. Son robot est sous sa forme première, petit et sans personnalité, tel qu’il lui a été offert à la fin de ses études il y a quelques mois. Mais si Elle pense que Vi est fréquentable, Vi deviendra fréquentable. Robert fait une pirouette et filme le paysage qui s’urbanise au fur et à mesure qu’on approche de la ville. Encore quelques heures. Un battement de paupières. Un clignotement de caméra. Robert aimerait bien s’endormir. En désespoir de cause, il se met en veille.

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Yvaine
Posté le 17/08/2017
Avec le passage italique, je n'ai eu aucun mal à comprendre les pensées de la robote, qui essaie de prendre soin de son maître. C'est adorable, quand les toiliens eux-mêmes ne prennent pas soin de leur propre communauté. 
A quand la rencontre Rob-Robote? 
EryBlack
Posté le 09/05/2023
Re, désolée pour ces notifications intempestives ^^' merci encore pour tes retours ! Ça me touche que tu aies identifié cette dynamique du "prendre soin de" : à l'époque je n'y avais pas trop réfléchi, mais c'est un truc qui serait beaucoup plus important pour moi si je réécrivais cette histoire aujourd'hui (et comme l'idée commence à me titiller, je te remercie d'avoir fait émerger cette thématique ^^).
Diogene
Posté le 31/07/2014
Hello Ery, <br />
toujours aussi intéressant cet odyssée vers l'abstraction. je noterai qu'ici la trace du rêve s'affadit un peu, en même temps que se dessine des idées et des réflexions que tu pourrais sans doute mener plus loin. Mais je ne veux pas te dire lesquelles, il vaut mieux que tu les trouves par toi-même. C'est un chemin que j'ai arpenté, arpentes le toi-même pour apprendre et trébucher. <br />
A la prochaine, je me régale.
EryBlack
Posté le 31/07/2014
Pas beaucoup de rêve dans ce chapitre, c'est vrai... Peut-être la faute aux robots ! 
Je ne vois pas trop ces "pistes" dont tu me parles, mais peut-être que je finirai par les trouver aussi. Je ne sais pas si ce chapitre le mérite, car il est vraiment court et basé principalement sur le moment de bug de la robote, donc je ne vois pas trop ce qu'il y aurait à fouiller... C'est plutôt une transition. Mais j'y réfléchirai ! 
Slyth
Posté le 01/10/2013
Argh ! Je n'ai pas le temps d'en lire plus mais c'est quand même un peu frustrant. C'est quoi ce chapitre tout court ? Essayerais-tu par hasard de nous faire poireauter, de retarder le moment de cette fameuse (et inévitable) rencontre entre Elle et Lui ?
Espèce de sadique va ! xD
Personnellement, j'ai eu un peu de mal à me plonger dans le passage en italique qui illustre les pensées de la robote. Je crois que je cherchais trop à y donner du sens mais, comme les phrases ne se terminaient pas, je n'y arrivais pas. Pas lieu de s'inquiéter donc, c'est simplement mon esprit logique qui faisait des siennes ! ^^''
D'ailleurs, pourquoi la robote n'arrive-t-elle pas à avoir des pensées plus cohérentes au sujet d'Elle ? Est-ce que c'est parce qu'elle réfléchit très vite et que ses pensées s'emballent ? Ou bien est-ce que ça pourrait avoir un rapport avec le brouilleur qu'Elle a mis en place sur Robert ?
Compte sur moi pour revenir très prochainement en tout cas ! ;)
EryBlack
Posté le 01/10/2013
Héhéhé, non tu crois ? :D
Mais naaan, en vérité c'est parce que je coupe mes chapitres à chaque "changement de focalisation", passant de Elle à lui, etc. Du coup certains sont vachement courts ^^' Je fonctionnerai pas comme ça pour la suite, c'est promis ;D
Ce passage en italique est effectivement pas évident à lire, je m'en rends bien compte :s Je me suis inspirée de certains passages de Belle du Seigneur, je ne sais pas si tu l'as lu, mais il y a des chapitres comme ça sans aucune ponctuation, aucune, et alors tout se recoupe et part dans tous les sens. Je voulais donner cette dimension à ce passage-là, montrer que les pensées de la robote sont complètement embrouillées par ce qu'elle vient de découvrir ! Du coup, on est un peu embrouillé en lisant... Je pourrai retravailler ce passage pour le rendre un peu plus clair, quand je m'attaquerai à une réécriture ^^ Merci ! 
C'est parce que le lien entre Elle et lui est quelque chose qu'elle n'a jamais vu, qu'elle ne comprend pas tout en le comprenant très bien, c'est un truc tellement énormé que ça la fait bugger complètement. Okay, c'est un peu foireux et tiré par les cheveux comme raisonnement x) Ca n'a aucun rapport avec le brouilleur, puisqu'Elle ne l'a pas activé à ce moment-là, mais après tout pourquoi pas ? Ce serait une meilleure explication, sans doute ! 
Merci beaucoup pour ta lecture et tes commentaires, ça me fait très plaisir que tu continues à lire cette histoire <3 
Sierra
Posté le 07/12/2013
Coucou Ery,
Un petit commentaire après la lecture d'un tout petit chapitre :) Bon, je dois avouer que je l'ai lu jeudi, mais je n'ai pas eu le temps de le commenter...
J'ai passé un bon moment avec ces deux robots. On peut dire que cette histoire "d'amour" (je sais pas encore bien comment elle va se dérouler, mais je l'imagine comme ça :D) est originale : elle passe même par la vision des deux robots. Enfin, la robote a l'air un peu plus réceptive au mode fleur bleue que Robert... :)
En même temps, c'est aussi plutôt intriguant comme chapitre, parce qu'il ne fait pas réellement avancer l'intrigue et on se demande où ça va nous mener. C'est agréable, de se laisser porter comme ça par tes mots :)
À très bientôt ! 
EryBlack
Posté le 07/12/2013
Coucou Sierra !
Je suis désolée de mettre tant de temps à répondre... D'autant plus que moi aussi j'ai lu ton dernier chapitre et je n'ai pas encore pris le temps de commenter >.< J'ai un peu de mal à suivre ces derniers temps, j'espère me rattraper pendant les vacances :)
Oh, tu l'imagines plutôt bien, je te rassure ^^ Ah c'est drôle que tu dises ça ! La robote est effectivement plus perfectionnée que Robert, elle analyse un peu mieux ce qui se passe, mais quant à y être sensible... Je me demande si elle ne se sent pas un peu dépassée par les événements :P
C'est vrai que ce chapitre est très court, il fait un peu office de "rembourrage" de l'histoire... Mais en fait, dans la première version de cette histoire, on avait très peu de moyens de deviner qu'Elle prend un train qui va précisément dans la ville ou habite Lui. Du coup ce passage faisait office de révélation xD Et le découpage des chapitres l'a rendu tout petit ! Néanmoins, je suis contente qu'il t'ait plu :)
Merci pour ton commentaire, à très bientôt ! 
Rachael
Posté le 22/09/2013
Excellent ce petit chapitre où les robots nous régalent de leur pensées robotes. Le passage sans ponctuations est très réussi. Mine de rien on récupère plein d’informations sur la toile au passage.
L’attention des robots pour leur maitre est juste attendrissante, et le parallèle entre la robote et robert est bien trouvée.
Un détail :
Il note pour lui-même que produire ces larmes – pleurer, trouve-t-il sur la toile, fatigue énormément. : il manque un tiret après toile
EryBlack
Posté le 22/09/2013
Les robots sont des personnages vraiment drôles à décrire, j'essaye de leur donner une certaine importance, j'ai un petit faible pour eux ^^
Oups, je l'ai oublié ce tiret ! Merci beaucoup pour ton commentaire rachael :D 
Jupsy
Posté le 19/09/2013
Un court chapitre remplit d'une quantité d'informations intéressantes. Les robots sont à l'honneur, chacun de leur côté.
Du côté du robot de notre brillant, qui dort toujours, cherche toujours une âme soeur pour son maître. Elle épluche les réactions jusqu'à tomber sur elle et se retrouver face au désir de ne pas le réveiller par peur de voir ses circuits grillés face à la visite de sa co-pilote... Mais petite robote, c'est ça le coup de foudre ! Après ils vont se marier et avoir plein de bébés. Vi sera le témoin de leur mariage même si elle n'inspire pas confiance à Robert...
 Ah Robert... il est tout mignon à s'inquiéter pour Elle, à ne pas faire confiance à Vi même s'il l'acceptera si sa maîtresse le désire. 
C'est touchant ces machines soucieuses du bien être de leurs humains, qui sont confrontés à cette humanité pas toujours facile à comprendre. :)
Joli chapitre en tout cas ! 
EryBlack
Posté le 19/09/2013
Les robots sont vraiment des personnages géniaux à développer, parce que le cheminement de leur pensée doit être mécanique et pas forcément très éclairé. Ils sont à la fois hyper intelligents et un peu simplets, donc c'est vraiment drôle à écrire ^^ Je suis vraiment contente que ça continue de te plaire ;)
Plein de bébés ! Ouaiiiis ! Je vais essayer d'éviter la fin en mode conte de fée, mais c'est un peu dans cette veine-là ouais x)
Merci Aresya !! 
Seja Administratrice
Posté le 04/09/2013
Hm, petite pause et le brillant roupille toujours...
Mais bon, tant mieux si la robote a finalement eu le déclic. La grande romantique en moi est en train de frapper dans les mains. Donc dans le chapitre prochain, il va se réveiller, se reconnecter à Elle, ils vont se rencontrer, tomber définitivement amoureux l'un de l'autre. Il y aura aussi des petits oiseaux et des arcs-en-ciel. Hein que j'ai tout trouvé ? :P 
EryBlack
Posté le 04/09/2013
Eh oui, on dirait pas comme ça, mais créer l'Abstraction, ça vous endort un homme ^^
Oui oui, touuut. Mais ne soit pas si impatiente, voyons :P  
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