Je le rejoins et prends place non loin de lui, assis en tailleur face aux flammes. Sur son visage, la lumière danse et joue dans le creux de ses joues. Depuis combien de jours n'avons-nous pas mangé ?
Dans sa main, sa montre brille. Il joue avec son cadran, sa chaîne. Ses doigts s'agrippent à elle fermement, puis la relâchent, la manipulent avec douceur. Il la regarde avec tant de regrets. Tant d'affection. C'est tout ce qui lui reste.
Les aiguilles se sont arrêtées ce matin. À présent, nous n'avons plus de notion du temps.
C’est drôle, le temps a beau être impartial, il me semble d'autant plus long…
Lui, il a l’air triste, même si rien ne se dessine sur son visage. Impartial comme le temps, voilà ce que je m’étais dit le premier jours.
Et bientôt le temps nous tuera.
Dehors, ils crient. Chaque jour, chaque heure, chaque minute. Chaque seconde, même. Est-ce réellement possible ? Ils frappent la porte, les murs. Ils tentent d'entrer.
J’ai peur. Je ne lui dit pas, mais j’ai peur. Peur d’eux, peur d’être ici, peur de partir. Peur de mourir.
Ses yeux ont la couleur d’un étang turquoise, calme et paisible. Des yeux qui figent sur place. Il les relève furtivement dans ma direction, mais ne dit rien. Autour de nous, les flammes dansent, s’extasient dans les recoins reculés de cet espace noir. Les flammes, les cris. Ici, c’est l’Enfer avant l’heure.
Cette pensée me trouble.
L’odeur du vieux bois, de la poussière et de la moisissure a depuis longtemps achevé d’imprégner mes narines. Je ne la sens plus, tout comme mes yeux se sont habitués à l’obscurité après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps.
Je ne suis qu’une âme vide. Ce n’est qu’un fil qui me retient à la vie. Une vie misérable pour un homme misérable, qui n’a jamais su se faire à ce nouvel univers. Le destin aura bientôt raison de moi, et, au fond, je l’ai toujours su. Je sais, j’ai compris, je ne pourrai jamais survivre. Pas ici. Ce monde n’est pas le mien.
L’autre enferme sa montre dans la prison de ses doigts osseux. Il ferme les yeux pour prendre le temps de ressentir chacun de ses reliefs. Je le sais, à force de l’observer, j’ai compris qu’il fait cela pour se convaincre qu’il vit encore. Qu’il vit, et qu’il pense à elle.
Je n’ai jamais pu lui poser la question. Je ne saurai jamais. Mais qu’importe, puisque mon “jamais” n’est plus qu’une question de jours.
Je vais mourir, et j’ai peur. Lui, il n’a pas peur. Il est triste. Triste qu’avec lui meure son souvenir d’elle. Il pense la trahir encore. La tuer à nouveau. Pourtant c’est faux. Personne ne meurt deux fois. Le temps est impartial.
Je crois entendre le cliquetis de la montre. Je délire.
J’ai froid. Mon corps tremblant me hurle de sauter dans les braises de notre feu. Mais nous n’avons plus de feu. Il s’est éteint il y a des heures. Des jours. Je ne sais pas.
Je vais mourir.
J’ai peur.
C'est parfait. Juste... Wahou. Les descriptions sont splendides et nous mettent tellement bien dans l'ambiance... Magnifique. Je me suis imaginé une île déserte, au début, mais ça ne fonctionne pas, finalement. Après, j'ai pensé à des personnes emprisonnées pour une demande de rançon, par exemple, dans des pays comme l'Israël. Mais je ne suis pas non plus entièrement satisfaite... Est-ce qu'il y a un contexte auquel tu as pensé ?
Sinon, deux petites remarques pour la forme :
- Le destin aura bientôt raison de moi, et, au fond de moi --> j'enlèverais le "de moi" à la fin, pour éviter la répétition, et ça ne change pas le sens.
- Triste qu’avec lui meurent son souvenir d’elle. --> meurt
Donc voilà ! Et bravo, vraiment <3
Haha merci beaucoup^^ J'avoue ne pas avoir un contexte spécifique, je m'imaginais plutôt des personnes enfermées dans une pièce de maison, peut-être une cave, dont ils ne peuvent pas sortir, par danger... Mais le reste est libre d'interprétation :))
En effet, tes remarques sont très justes, je change ça ;)
Haha mercii ça me touche^^