Inquiétudes (1ère partie)

Par deb3083

Alors que les invités commençaient à partir, une ombre se faufila dans les jardins du palais puis composa un numéro sur son smartphone tout en scrutant attentivement les alentours mais ravi d’avoir déjoué la sécurité du palais.

  • Il persiste à la nier complètement. Nous allons devoir réévaluer nos plans.
  • Et pour le contretemps ?
  • Rien à signaler pour le moment.
  • Mais vous avez réussi à obtenir des informations oui ou non ?
  • Non.
  • Et vous osez me dire cela calmement ? Comment est-ce possible ?
  • J’ai consulté son dossier : parcours scolaire sans tâches, quelques emplois intérimaires, rien qui puisse nous inquiéter.
  • Attendez deux minutes.

 

La silhouette fit quelques pas dans l’allée en prenant bien soin de rester invisible. La voix courroucée de son interlocuteur le fit ensuite sursauter.

  • Vous vous foutez de notre gueule ? Nous avons un code 5 ! Comment avez-vous pu passer à côté d’un renseignement aussi crucial !
  • Un code 5 ? Mais…mais comment ?
  • Il se trouve que notre contact sur place s’est trompé de boite aux lettres.

Cette fois, il ne peut plus avoir de doute : ce n’est pas une coïncidence.

  • Mais que voulez-vous que je fasse ?
  • Eliminez le problème.
  • Eliminer le…mais…
  • C’est votre job non ? Le patron ne veut pas que quelqu’un fasse le lien.
  • Est-on bien certain ? Est-ce qu’il s’agit vraiment de…la bonne personne ?
  • Oui. Son identité a été soigneusement vérifiée.
  • D’où provient la confusion alors ?
  • Elle avait utilisé le nom de sa mère car elle n’avait pas le droit d’être sur place.
  • Je ne vois cependant pas pourquoi il faudrait envisager une solution aussi…radicale.
  • Le patron ne peut prendre aucun risque. Cependant, ne vous précipitez pas, nous avons besoin d’informations. Vous avez deux mois.

 

L’homme raccrocha et il observa un instant ses mains qui tremblaient. Il est vrai que cela faisait beaucoup de coïncidences mais peut-être que le patron s’inquiétait à tort. Il n’avait été confronté à cette situation qu’à deux reprises dans sa carrière et il n’aimait pas cela.

Il rejoignit d’un pas lent la salle de réception et se fondit dans la foule tel un caméléon, adressant les mots qu’il fallait pour flatter la baronne de Fraye ou faisant semblant de s’intéresser aux chevaux du duc de Munro. Il parvint à cacher son inquiétude mais au fond de lui-même il sentait que les ennuis n’allaient pas tarder à arriver.

 

 

Le lendemain matin, Amalia quitta le palais afin de se rendre à son rendez-vous avec Estelle Neffrey. Lorsqu’elle lui tendit, presque sans regret la carte contenue dans son appareil photo, la chroniqueuse s’agita sur sa chaise.

  • As-tu assisté à la réception d’hier soir ?
  • Non.
  • Oh, dommage. J’aurais aimé savoir si le prince avait revu Gabriella Holstein d’Oldenburg.
  • Elle était présente, oui.

 

Estelle Neffrey dévisagea Amalia d’un air intéressé et elle se mit à la bombarder de questions.

La jeune femme raconta la conversation qu’elle avait entendu la veille puis, écœurée, elle écouta la journaliste lui racontait les exploits de Joachim de Bourbon-Conti.

Décidément, à par son physique avantageux, cet homme n’avait rien pour lui.

L’entretien entre les deux femmes fut bref. Estelle Neffrey, qui avait souhaité boire un café dans un établissement situé à l’écart du centre-ville, se rendit dans les toilettes pour transférer à l’abri des regards les photos d’Amalia sur son ordinateur portable puis elle effaça elle-même les clichés de la carte SD en rappelant à la jeune femme de ne jamais la laisser dans son appareil photo et de surtout bien veiller à ce que personne ne se doute de son existence.

 

  • Parfait ! C'est parfait Amalia ! Je ne pensais pas que tu...Enfin bref, je te prends les cinq premières Tu auras le versement demain soir.

 

Puis Estelle Neffrey proposa à Amalia de doubler le prix payé par son magazine chaque fois qu’elle pourrait lui fournir des clichés montrant le prince Joachim accompagné d’une femme et si possible des clichés qui les montraient très proches l’un de l’autre.

Amalia, tout en pensant à sa mère, accepta du bout des lèvres puis elle quitta ensuite le café la première. Elle flâna un instant dans les rues animées de Castello di Gavino et elle se félicita d’avoir choisi l’une des tenues élégantes qu’Estelle Neffrey lui avait envoyées car lorsqu’elle croisa quelques touristes elle put se rendre compte que l’île accueillait essentiellement des gens fortunés.

La jeune femme ne s’attarda cependant pas car Eugénie avait trouvé un livre qui évoquait les ancêtres de Joachim de Bourbon-Conti. Pour continuer à tromper tout le monde, Amalia devait consulter cet ouvrage et prendre de nombreuses notes pour faire semblant de travailler à l’écriture de son futur livre.

En rentrant au palais, Amalia croisa Michele Sapiento qui semblait furieux :

  • Tu n’as pas croisé Benjamin par hasard ?
  • Euh…non.
  • Et qui se trouve à la grille alors ?
  • Franck.
  • Tout seul ?
  • Bah…oui.
  • Merde fait chier !

 

La jeune femme regarda le vigile courir vers l’entrée du domaine royal : sa fonction n’était décidément pas de tout repos mais Amalia voyait qu’il prenait son rôle vraiment à cœur.

Le responsable de la sécurité fit sursauter Franck, l’un des hommes chargé de contrôler les visiteurs admis au palais.

  • Ou est Benjamin ?
  • Bah, il est rentré chez lui, il avait de la fièvre.
  • Et pourquoi je ne suis pas au courant ?
  • Tu étais occupé, je lui ai donné l’autorisation de partir, il ne tenait plus sur ses jambes. Il a fait des heures à crever cette semaine alors qu’il était déjà malade.
  • Pourquoi s’est-il présenté ce matin alors ?
  • Parce qu’il tient à son job.
  • Mouais. J’appelle Enzo pour qu’il le remplace. Franck, la prochaine fois, tu m’en parles avant ok ?

 

Michele retourna ensuite vers son bureau en se disant qu’il devait absolument parler avec Benjamin. Il avait trouvé l’attitude de son collègue assez étrange toute la semaine, il était temps qu’il ait un petit entretien avec lui.

L’homme était persuadé que Benjamin voulait démissionner mais qu’il n’osait pas le lui dire. Il est vrai que pour la somme de boulot qu’ils effectuaient chaque jour, les membres de l’équipe de sécurité n’étaient pas très bien payés. On gagnait plus sur le continent dans des boites privées ou chez des particuliers fortunés.

Michele passa alors en revue le compte-rendu de la réception de la veille : tout s’était parfaitement déroulé grâce à l’équipe qui avait fait son job de manière consciencieuse.

Evidemment, le prince héritier n’en avait fait une nouvelle fois qu’à sa tête, disparaissant régulièrement sans prévenir ses deux gardes du corps.

Michele l’avait interpellé à la fin de la soirée alors qu’il était parti discuter avec Gabriella Holstein d’Oldenburg, son amie d’enfance. Le vigile avait reçu des consignes strictes de la part du Roi Maximilian et il n’avait pas réussi à se faire obéir. La soirée devait être l’occasion pour le prince Joachim de passer du temps avec une cousine éloignée du Grand-Duc héritier Guillaume de Luxembourg mais, comme à son habitude, le jeune homme avait cherché à contrarier son père le plus possible en n’accordant que peu d’attention à la demoiselle.

Au lieu de cela, il avait préféré discuter avec l’intrigante grecque, comme l’appelait Michele.

Le vigile consulta ensuite les remarques de ses hommes et il fronça les sourcils en constatant que Benjamin avait été plusieurs fois absent de son poste. Franck avait indiqué qu’il s’était rendu aux toilettes trois fois pour vomir.

Il devait parler avec son collègue car son comportement commençait l’inquiéter.

 

Des hurlements retentirent alors : Michele sortir dans le grand hall d’entrée du palais et il grimaça en constant que les cris provenaient de l’aile où le prince Joachim avait ses appartements. Il grimpa quatre à quatre les escaliers pour se retrouver face à l’héritier de San Gavino qui semblait hors de lui.

Il tenait une serviette de bain à la main et il gesticulait avec force devant une domestique qui ne savait plus où se mettre. Le responsable de la sécurité fit un signe à la pauvre fille qui ne demanda pas son reste et fila dans les couloirs.

Puis, le vigile se tourna vers le prince qui respirait bruyamment :

  • Votre Altesse, tout va bien ?
  • NON ! J’en ai plus qu’assez de ces incompétentes ! Cette folle n’a rien trouvé de mieux que de parfumer mon linge avec de la vanille !

Je déteste la vanille ! Et depuis quand le personnel prend autant de libertés ? Trouvez-moi Louise, je veux que cette demeurée soit renvoyée sur le champ !

  • Bien Votre Altesse, je vais lui en parler. Sa Majesté le Roi m’a demandé si vous comptiez inviter Mademoiselle D’Orléans-Bragance prochainement ?
  • Pourquoi faire ? Elle ne m’intéresse pas. Oh je sais que mon père voudrait que je me rapproche d’elle mais franchement, vous l’avez déjà regardée ? Et puis, cette manie de dépenser des fortunes pour des bibelots ridicules…
  • Je me permettais de vous le demander car, comme vous le savez, je suis chargé de veiller à votre sécurité.
  • Et je vous en remercie Michele. Mais…non, je ne compte inviter personne prochainement.

Je vais aller trouver Louise moi-même, je pense qu’elle se trouve à la bibliothèque.

 

Sur ces mots, le prince Joachim se dirigea rapidement vers les escaliers et moins de deux minutes plus tard, il faisait une entrée fracassante dans la bibliothèque.

Louise discutait avec Eugénie à l’entrée de la pièce et elle sursauta lorsque l’héritier de San Gavino s’adressa à elle d’une voix sèche :

  • Louise, vous me renvoyez immédiatement cette cruche qui s’est occupé de ma salle de bain ce matin. Et tâchez de rappeler que personne ne prend de décision sans au moins m’avoir consulté auparavant. Depuis quand le personnel est-il payé pour penser à ma place ? Vous pouvez jeter toutes les serviettes, elles puent la vanille à des kilomètres.

 

Amalia, qui avait entendu la voix du prince Joachim, se terra dans une rangée de la bibliothèque en espérant que l’antipathique héritier ne décide de fureter lui-aussi entre les rayonnages.

Mais, à trop vouloir éviter de se faire remarquer, la jeune femme recula malencontreusement dans l’escabelle qu’elle avait utilisé auparavant. Le bruit que fit l’objet en tombant sur le sol donna l’impression à Amalia qu’elle venait de provoquer un tremblement de terre.

Naturellement, le prince Joachim se dirigea rapidement vers l’endroit où elle se trouvait et il fixa la jeune femme d’un regard noir.

 

 

 

 

 

 

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