Inquiétudes (2ème partie)

Par deb3083
  • Encore vous ! Dites-moi Mademoiselle Arcangioli, vous êtes certaines d’être ici pour écrire un livre ?

 

En entendant ces mots, Amalia pâlit brusquement : avait-elle était démasquée ?

La jeune femme tenta de garder son sang-froid et elle se força à regarder l’hériter de San Gavino droit dans les yeux :

  • Je suis ici pour rédiger un livre au sujet du palais royal, comme mon éditrice, Madame Neffrey me l’a demandé.
  • Sans vouloir vous vexer, vous n’avez franchement pas l’air d’un écrivain.
  • Pardon ?

 

Malgré le fait qu’elle simulait ce projet de livre, Amalia sentit la colère l’envahir et, sans réfléchir, elle s’approcha de Joachim de Bourbon-Conti en pointant un doigt accusateur vers lui :

  • Je savais que vous étiez un homme particulièrement en décalage avec la réalité Votre Altesse mais je n’imaginais pas que vous puissiez être également aussi …

 

Le regard de la jeune femme se bloqua sur les yeux du prince Joachim et elle se rendit compte de ce qu’elle était en train de faire.

  • Aussi….quoi mademoiselle Arcangioli ? Je vais vous dire une chose : pour réaliser un bouquin aussi barbant que le vôtre, j’imaginais une personne d’un certain âge voyez-vous. Pas une gamine qui rêve encore aux contes de fées. Si j’apprends que vous êtes ici pour une autre raison que ce fichu livre, croyez-moi, vous le regretterez amèrement. Vous n’êtes pas la première à essayer de m’approcher pour me séduire mais ça ne prend pas avec moi. Et…au cas où cette brillante idée vous serait passée par la tête, sachez que je ne fréquente pas les fauchées dans votre genre. Sérieusement, vous vous êtes déjà regardée ? Même avec la plus belle des robes de chez Chanel vous ne ressembleriez encore à rien. Même Kim Kardashian qui collectionne les faux pas vestimentaires a plus de classe que vous.

 

Amalia eut le sentiment de se prendre une gifle monumentale dans la figure mais, bien décidée à ne pas se laisser marcher sur les pieds, elle rétorqua en se tenant bien droite :

  • Non, cette brillante idée comme vous dites ne m’a même pas effleuré l’esprit. Voyez-vous Votre Altesse, les fauchés, contrairement à vous, connaissent la signification des mots politesse, respect et humilité.

Vous venez de renvoyer une jeune femme simplement parce qu’elle a voulu bien faire. Est-ce que vous vous êtes demandé au moins comment allait-elle faire pour se nourrir et payer son loyer ? Non, bien sûr que non. Lorsqu’on mange du caviar à sept cent quatorze euros les cent grammes au petit-déjeuner, que l’on exige de la truffe blanche d’Alba trois fois par semaine d’octobre à décembre et que l’on réclame que tous les plats servis à table soient parfumés au safran, je doute fort que vous vous posiez les bonnes questions Votre Altesse. Aussi, soyez rassuré : je n’ai nullement envie de tenter de vous séduire parce que vous me dégoûtez, vous et vos costumes à dix mille dollars.

Si vous voulez bien m’excuser, j’ai du travail.

 

Amalia passa alors à côté du prince et elle se dépêcha de gagner un autre rayonnage de la bibliothèque avant que le jeune homme ne réagisse.

Lorsqu’il fut hors de vue, elle s’appuya contre un mur et elle tenta de calmer sa respiration.

Contrairement à ce qu’elle pensait, Amalia ne vit pas le prince Joachim accourir derrière elle.

L’héritier de San Gavino se contenta de rappeler à Louise qu’elle devait renvoyer la pauvre domestique qui avait parfumé son linge à la vanille puis il sortit de la bibliothèque en claquant la porte.

La gouvernante ne tarda pas à le suivre puis, Eugénie se mit à la recherche d’Amalia. Elle la trouva rapidement, plongée dans la lecture d’un livre consacré à la sculpture au 18ème siècle.

  • Tu n’aurais jamais dû le provoquer de la sorte Amalia. Il est capable de revenir dans une heure pour te demander de faire tes valises.
  • Et bien qu’il ose. Je suis prête à lui donner quelques cours de politesse à cet enfoiré.
  • Amalia, tu ne peux pas parler de Joachim de cette façon.
  • Ah non ? Je vais me gêner tiens ! Je ne comprends pas : pourquoi personne n’ose lui faire face et lui dire que son comportement dépasse les bornes ? Non, ne dites rien, je sais. Parce que vous ne voulez pas perdre votre job. Mais réfléchissez dans l’autre sens : lui, sans vous, il serait sacrément dans la merde.

Rassurez-moi il ne paie quand même pas quelqu’un pour faire les lacets de ses chaussures ?

 

Eugénie ne dit rien. La vieille bibliothécaire savait que la jeune femme n’avait pas tort mais elle faisait partie de ces rares membres du personnel à avoir connu le prince Joachim durant la période la plus sombre de sa vie.

A présent, elle n’arrivait plus à lui reprocher son comportement.

Eugénie savait que le Roi et la Reine avaient laissé leur fils aîné aller trop loin mais à présent il était trop tard. Et la vieille femme devait également reconnaître qu’elle craignait les réactions violentes du prince Joachim. Elle savait que dans un accès de colère, il pouvait la renvoyer malgré ses trente années de service.

En soupirant, Eugénie retourna à son bureau : si Amalia persistait à vouloir affronter l’héritier de San Gavino, elle allait se brûler les ailes.

Joachim ne plaisantait pas : il pouvait démolir la réputation de ses ennemis en quelques instants.   La bibliothécaire le soupçonnait même de choisir ses maîtresses en fonction des dossiers sur lesquels il travaillait.

Il ne connaissait pas l’amour, il ne fréquentait certaines personnes que par intérêt. Du moins, c’était ainsi depuis dix ans et Eugénie ne voyait pas comment les choses pourraient changer à nouveau un jour.

 

Amalia, de son côté, se mit à réaliser petit à petit la portée de sa conduite stupide et irréfléchie. Elle savait que le prince Joachim pouvait la virer du palais à tout moment et maintenant qu’elle avait réussi à se le mettre vraiment à dos, elle supposa que ses heures à San Gavino étaient comptées.

C’est donc avec une certaine inquiétude qu’elle se dirigea, le soir venu, vers la pièce de repos des employés où elle avait l’habitude de prendre ses repas.

Elle y fut accueillie par Kylie, une américaine expatriée à San Gavino depuis six ans, qui se chargeait de l’entretien des bureaux utilisés par la Reine Sofia et qui s’occupait de sa garde-robe.

  • Ne me dit pas que tu as vraiment osé lui dire ça ! Tu as vraiment dit à son Altesse qu’il te dégoûtait ? Tu as vraiment des tendances suicidaires ma fille !
  • Plutôt des pulsions meurtrières oui ! Seigneur je ne sais pas comment vous faites pour supporter cela à longueur de journée !

Oui, je sais c’est la famille royale qui vous paie, vous héberge, vous nourrit. Ok. Mais enfin, de là à ne pas réagir quand cet espèce de tyran stupide, intolérant et…

  • Stop stop stop Amalia !
  • Non, je ne m’arrêterai pas ! Kylie, il vient de renvoyer la nouvelle servante qui devait s’occuper de sa chambre et de sa salle de bain simplement parce que ses serviettes de bain étaient parfumées à la vanille et qu’il ne l’avait pas demandé. Ça et sa crise il y a deux jours parce que le fournisseur s’était trompé de caviar. Il serait temps que quelqu’un le remette à sa place. Mais vraiment quoi. Quand je pense que le Roi Maximilian veut à tout prix lui trouver une épouse…il va surtout devoir l’enchaîner à lui cette pauvre fille. Quoi que, il doit sans doute exister quelque part une copie conforme au féminin non ?

 

Kylie soupira :

  • Tu ne crois pas si bien dire. Elle s’appelle Gabriella Holstein d’Oldenburg. Je suppose que c’est pour cela qu’elle s’entend si bien avec Son Altesse.

 

Amalia, intriguée, demanda à la domestique de lui parler de l’amie d’enfance du prince Joachim. Pendant plus d’une heure l’américaine lui conta tout ce qu’elle savait à son sujet et la jeune femme se demanda alors pourquoi le prince refusait de se lier plus intimement à elle.

Ils avaient couché ensemble, ils se ressemblaient à de nombreux points de vue mais Joachim de Bourbon-Conti avait sèchement remballé son amie lors de la réception donnée par le Roi.

Après avoir bien rigolé et discuté avec Kylie, après s’être moquée en long et en large de l’hériter de San Gavino, Amalia décida d’aller se coucher. Elle se levait de sa chaise lorsque Louise fit son apparition dans la pièce.

L’inquiétude sur son visage alerta aussitôt la jeune femme. La gouvernante tenta de raisonner Amalia pendant plus de dix minutes et de la dissuader de provoquer des discussions avec l’héritier de San Gavino en pure perte. Amalia était si révoltée qu’elle indiqua à Louise qu’elle ne perdrait aucune occasion de mettre le prince Joachim devant le fait accompli.

Lorsqu’elle se retrouva enfin dans sa chambre, la jeune femme réfléchit à sa présence au palais.

Non, elle ne tiendrait pas six mois ou un an et elle se doutait que l’héritier de San Gavino la tolère encore de nombreuses semaines après sa violente sortie à son encontre.

Elle devait renégocier avec Estelle Neffrey, lui faire comprendre qu’elle n’était pas la personne la plus compétente pour l’aider dans son entreprise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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