Des cris accueillirent Amalia lorsqu’elle rejoignit Régis, Kylie, Ionela et Mirela pour prendre son petit-déjeuner.
La domestique américaine se précipita sur la jeune femme et lui fourra un magazine dans les mains en lui disant :
- Ils n’y sont pas allés de main morte cette fois…Mais si ce n’était que ça…Le Roi Maximilian va une nouvelle fois devoir remonter les bretelles de son fils…
Ainsi donc Estelle Neffrey avait publié le premier article dans sa revue people…
Amalia remarqua immédiatement la photo de couverture : il s’agissait de l’un de ses clichés, du moins il lui semblait qu’il s’agissait du sien car il avait manifestement été modifié.
Elle se rappelait parfaitement du moment où elle avait surpris le prince Joachim, un moment où il était seul.
Et cette photo le montrait accompagné d’une jeune femme qu’Amalia ne connaissait pas.
Elle s’assit lentement à table et elle entreprit de lire l’article rédigé par un collaborateur d’Estelle Neffrey.
L’héritier de San Gavino très proche de Teodora de Lothian
Il y a deux jours, le Roi Maximilian organisait une réception au palais royal de Castello di Gavino à l’occasion des soixante ans de son ami le Duc de Wittgenstein avec lequel il a étudié à Harvard mais également pour saluer le retour au pays il y a quelques mois de son fils aîné et héritier de la couronne.
De source sûre, nous pouvons aujourd’hui affirmer que cette soirée devait permettre au prince Joachim de choisir sa future épouse parmi les nombreuses jeunes femmes invitées à cet effet.
On a prêté à l’héritier de San Gavino de nombreuses relations mais cela n’a jamais été confirmé par le palais. Ce qui est certain c’est que, de Rihanna à Britney Spears en passant par Dakota Johnson ou encore Shailene Woodley, aucune star ne se montre indifférente face au charisme du prince Joachim.
Il y a deux jours, ce n’était pas les actrices les plus en vue du moment qui étaient présentes à San Gavino mais bien les demoiselles les plus fortunées du gotha européen.
Et nous pouvons affirmer que le prince Joachim a passé du bon temps en compagnie de célibataires toutes plus convoitées les unes que les autres.
Parmi elles, Teodora de Lothian semble avoir particulièrement attiré le regard de l’héritier de San Gavino.
Teodora, qui a récemment défrayé la chronique pour avoir été aperçue dans un club échangiste de Londres, a passé de longs moments seule avec le prince Joachim, ce qui ne serait pas du tout du goût de la belle Gabriella Holstein d’Oldenburg, amie d’enfance de l’héritier de San Gavino.
La jeune femme a d’ailleurs, en signe de protestation, pris la direction de Los Angeles et du quartier de Pacific Palisades où elle possède une villa alors qu’il était prévu qu’elle reste plusieurs jours au palais royal.
Le rapprochement entre Joachim de Bourbon-Conti et Teodora de Lothian suscite de nombreux commentaires et confirme la tendance de l’héritier de San Gavino à ne fréquenter que des femmes passées par la chirurgie esthétique et aux mœurs légères.
Nous avons pu obtenir en exclusivité les confidences de certaines personnes présentes à cette soirée et il se murmure que le Roi Maximilian n’a pas du tout apprécié l’attitude de son fils. En effet, de source sûre, le choix du souverain concernant la future reine de San Gavino se serait porté sur la ravissante Comtesse Marie-Caroline Von Straussenburg que le prince Joachim a totalement ignorée durant la réception.
Les spécialistes des affaires royales se demandent comment le souverain de San Gavino va pouvoir résoudre cette affaire compliquée sans se fâcher avec trois des plus anciennes maisons du gotha européen.
De son côté, le prince héritier semble se désintéresser totalement des polémiques qu’il suscite et sera prochainement en mission à Singapour, où il organisera deux soirées très privées au lieu de se préoccuper de son peuple qui souffre toujours plus de la crise économique. Mais nous n’en attendions pas moins de la part d’un homme qui a succombé au train de vie démesuré tel qu’il est en vigueur à Hollywood notamment, un homme qui n’a même pas conscience que plus de la moitié de la population de San Gavino peine à payer ses factures et que, bon nombre d’habitants comptent scrupuleusement chaque cent dépensé.
Amalia déposa le magazine sur la table puis, elle se tourna vers Kylie :
- La troisième guerre mondiale est déclarée chez les snobinards apparemment.
- Tu es terrible quand même.
- Non, réaliste. Tu connais ces filles dont parle l’article ?
- Oui et tu ne peux pas faire plus différentes. Teodora de Lothian est une poupée Barbie tellement refaite que plus personne ne sait ce qui est vrai chez elle. Et Marie-Caroline Von Straussenburg est tellement cruche qu’elle ne remarquera même pas que son mari la trompe devant tout le monde.
- En fait, le Roi veut une potiche qui sache fermer sa gueule et saluer la foule en dévoilant son sourire digne de Shakira pour je ne sais plus quelle marque de dentifrice ?
- Je ne l’aurais pas dit comme ça mais…oui. Le Roi Maximilian est de la vieille école : il refuse la modernité. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’a jamais fait changer la loi au sujet de l’héritier du trône.
L’américaine expliqua alors à Amalia qu’une loi datant du 15ème siècle et toujours en vigueur, prévoyait que seul un descendant direct du premier roi de San Gavino pouvait exercer le pouvoir. Son épouse devait impérativement provenir de l’une des maisons royales européennes ou en être apparentée.
Le parlement était chargé de vérifier la généalogie de la future reine et lui seul était habilité à donner son accord pour le mariage du souverain ou de ses enfants.
La loi avait également, et très soigneusement, prévu le rôle dévolu à chaque membre de la famille royale. Seul le roi et le prince héritier avaient la possibilité de réellement travailler pour le pays. La reine et ses autres enfants devaient se contenter de parrainer des œuvres de bienfaisance et d’assister à des réunions de travail ou des évènements organisées par ces associations.
Amalia eut le sentiment de retourner au Moyen-Age où les femmes étaient considérées comme des êtres imparfaits, des petits animaux privés de raison, juste bonnes à faire des enfants et à tenir la maison.
La jeune femme se sentit révoltée et elle demanda à Kylie pourquoi personne ne songeait à se rebeller. Là encore, Amalia manqua tomber de sa chaise :
- Les meilleurs avocats du monde travaillent pour eux. Si tu as le malheur de tenter quoi que ce soit contre la famille royale, si tu oses dire tout haut ce que tu penses tout bas, ils peuvent ruiner ta vie sans que tu puisses avoir les armes pour réagir.
- Et donc, là, le prince héritier va attaquer le magazine ?
- Aucune idée. Peut-être bien qu’il s’en fiche en fait.
De son côté, Joachim de Bourbon-Conti avait eu la joie de se faire réveiller par son père et il avait dû supporter pendant plus d’une heure ses reproches.
S’il se moquait de se faire réprimander par le Roi, le prince héritier n’apprécia pas ensuite les dizaines de mails et d’appels qu’il reçut de la part des nombreux partenaires économiques de San Gavino.
La plupart d’entre eux s’inquiétaient de la mauvaise image que le prince transmettait et de l’impact négatif que cela pouvait avoir sur leurs propres affaires. Eux qui défendaient des valeurs comme la transparence et l’intégrité, ne voulaient pas que leur nom soit attaché aux scandales que se plaisaient à relayer la presse internationale et les magazines people en particulier.
Le prince sentit une sourde colère monter en lui au point qu’il dut faire de terribles efforts pour ne pas envoyer valser par terre tout ce qui se trouvait sur son bureau.
Le jeune homme avait une très haute opinion de lui-même et se faire traiter d’incapable l’irrita au plus haut point.
Le pire appel que reçu Joachim de Bourbon-Conti fut sans doute celui du père de Marie-Caroline Von Straussenburg. Indigné, l’homme exigea que le prince s’excuse publiquement pour l’affront fait à sa fille.
Les mains de l’héritier de San Gavino se crispèrent sur son smartphone : il devait trouver un moyen de calmer l’ami de son père tout en évitant une parole qui l’engagerait définitivement avec Marie-Caroline.
Amèrement, Joachim songea que la vie serait bien plus simple s’il n’était pas né dans une famille comme la sienne. Et ce bouffon qui se permettait de lui donner des leçons… il n’avait même pas été capable de faire de sa fille unique une vraie femme.
Le jeune homme inspira profondément puis il répondit à la tirade de son interlocuteur en utilisant une voix de fausset. Il se sentait ridicule mais il devait absolument flatter le Comte et lui faire oublier ses griefs à son égard.
- Mon cher Comte…Je suis profondément affecté par votre réaction et surtout par le fait que vous donnez foi à ce torchon publié par des gens qui s’imaginent tout savoir. Il est vrai, je le reconnais, que je n’ai pas pris le temps de discuter comme il se doit avec Marie-Caroline.
Mais, si je ne m’abuse, il s’agissait aussi de sa première sortie officielle à vos côtés. J’ai bien remarqué qu’elle était assez mal à l’aise, je n’ai pas voulu l’intimider plus encore.
En lui-même Joachim songeait à cette cruche de Marie-Caroline qui rougissait comme une tomate dès qu’elle voyait un couple s’embrasser. Cette fille était coincée à un point inimaginable. A vingt-et-un ans, tout le monde savait qu’elle était toujours vierge et qu’elle ne regardait aucun film susceptible de contenir des scènes de sexe.
Au lit, elle allait être une véritable catastrophe, très peu pour lui.
Et rien que sa manière de s’habiller…
Sa tenue pour la réception était tout simplement affreuse : une longue jupe écossaise grise et rouge, un chemisier cerise et un cardigan gris perle. Un look qu’aurait sans doute adopté la Reine d’Angleterre lors d’un séjour dans son château de Balmoral.
Ce n’est sûrement pas Marie-Caroline qui arborerait des tops transparents ou des jupes au-dessus du genou comme Gabriella.
L’héritier de San Gavino avait même entendu au cours de la réception que le Comte Von Straussenburg avait sollicité des conseils auprès du styliste de la reine Silvia de Suède.
Le résultat était pitoyable : la jeune femme avait le look d’une aimable vieille dame.
Joachim de Bourbon-Conti secoua la tête : il devait chasser de son esprit les images peu flatteuses qu’il avait de Marie-Caroline au risque de sortir une bourde à son très cher père.
Pour lui faire croire qu’il se souciait de la jeune comtesse, l’héritier de San Gavino conseilla à Gerhard Von Straussenburg d’introduire sa fille lors de soirées plus modestes ou de l’emmener à des représentations à l’opéra de Vienne ou de Paris afin qu’elle s’habitue à évoluer en public.
Le prince raccrocha ensuite très satisfait : cet imbécile avait gobé toutes ses paroles.
S’il avait résolu ce délicat problème, Joachim de Bourbon-Conti savait que cet article allait faire mal, très mal. Tout le monde avait beau savoir que les magazines people ne racontaient que des conneries, le doute allait quand même s’installer dans l’esprit de bon nombre de personnes.