On courait et s'amusait autour d'elle. La musique continuait inlassablement. Comme un boîte à musique qu'on remontait quand le mécanisme arrivait à sa fin. Depuis des jours ou des années, elle ne souvenait plus vraiment. Elle ne voyait plus que ces quatre murs depuis un bon bout de temps. Une petite fenêtre pour garder un contact avec l'exterieur. Ce contact était superficiel. Pour faire comme si. Comme si tout allait bien, comme si elle était bien ici.
Ils étaient vite arrivés tous les quatre, s'installant dans sa vie comme on s'installent dans un hôtel. Ils étaient apparus de nulle part, la laissant seule avec leurs présences. Bien sûr qu'elle en avait parlé avec les médecins, bien sûr qu'ils ne l'avaient pas cru. Elle n'était qu'une folle parmi d'autres fous. Une de plus dans ce bâtiment.
Mais tous les quatre, ils ne lui disaient pas le contraire. C'était elle le problème, pas eux. Eux ils l'aimaient. Ils avaient posé leurs valises et avaient décidé de ne plus jamais partir. Ils étaient devenus des amis. Les gens ne comprenaient pas ce que ça lui faisait de les voir. Mais elle avait fini par s'y habituer et puis c'est pas comme si sa vie était moins bien maintenant. De toute façon, ses amis étaient mieux maintenant qu'avant. Ils lui avaient répété ça sans cesse. Enfin c'est surtout qu'ils étaient de vrais amis, du genre qui restaient avec elle toute la journée même quand elle avait des choses à faire. Eux Ils ne partaient pas non, Ils restaient à ses côtés, l'observant sans cesse. Elle n'aimait pas ces huit rétines qui la suivaient jour et nuit, elle avait pourtant finit par s'y habituer. Mais Ils refusaient de partir et elle ne pouvait rien y faire. Les médecins non plus ne pouvaient rien y faire ou ne voulaient rien faire. C'est ce qu'ils lui avaient dit il y a longtemps.
C'était ça sa vie. Rester avec ses amis. Attendre. Une fête permanente ou elle n'était qu'une intrus.
La porte s'ouvrit dans un grincement a réveiller tout le bâtiment.
- C'est l'heure de manger la vieille. Oublie tes potes débiles et viens au réfectoire.
Ils le tueraient. Ils lui avaient dit la première fois qu'Ils l'avaient rencontrer. Ce n'était qu'un surveillant hautain qui niait leurs existences. Comme si il en savait quelque chose.
Elle n'était pas pour la violence, mais n'avait plus le choix. Si Ils voulaient quelque chose, elle était obligé d'accepter.
- Oh la vieille tu te bouges ?
Elle sentait leurs émotions en elle. Ils aimaient la violence, elle pas vraiment. Ils étaient en colère. Vraiment en colère.
Mais ce n'était pas encore le moment. Il ne restait plus que quelques jours à attendre.
Elle les voyait finir de ranger les restes du goûter qu'Ils avaient organisés. La fête camouflait ses plus grandes peurs. Une ambiance de soirées toute la journée pour cacher sa peine, leurs existences, leurs colères.
L'homme regarda le pilulier sur la table. Elle ne prendrait décidément jamais ces foutus médocs
Elle devait les attendre. Elle avait peur mais ne le montrait pas. La peur ne servait a rien. La tristesse non plus d'ailleurs. Seul comptait la colère. Leur colère. Elle s'installait en elle et prenait toute la place. C'était un intrus indésirable, un squatteur qui grandissait en elle sans jamais partir.
Cet intrus prenait de plus en plus de place. Elle ne l'aimait pas non plus. Elle n'aimait pas grand monde pour être honnête. Ils n'aimaient personne non plus.
L'homme soupira en la regardant. De toute façon, personne ne remarquerait son absence au réfectoire. Il referma la cellule a clefs.
Ils se retournèrent vers la porte puis vers elle. Ils la regardèrent avec cet air de pitié qu'elle ne supportait plus. Elle voyait dans leurs yeux que ce n'était pas sincère, qu'ils voulaient la voir souffrir.
- Tu vois c'est ce qu'on te dit, personne ne t'aime à part nous.
- Oui, personne ne te remarque de toute façons.
- Mais nous on te voit, nous on t'aime.
Ils se retournèrent vers leur camarade.
Lui il resta silencieux. Il ne parlait jamais. Il la faisait souffrir simplement en la regardant. Il la transperçait avec ses yeux comme des lames au plus profond d'elle. Il ouvrait des plaies qu'elle pensait avoir fait cicatriser. Les autres ne mettait que des mots sur ce que Lui ressentait. Les mots n'étaient rien face aux actes.
Ils réinstallèrent le goûter qu'ils venaient juste de débarrasser. Lentement pour lui laisser le temps de comprendre qu'elle n'avait pas le choix.
Peut-être qu'elle délivrait juste et qu'Ils ne lui voulaient pas de mal. Peut-être qu'elle n'était pas seule à les voir.
La musique se relança en fond. Ils étaient les seuls à pouvoir l'entendre. Elle tournait sans cesse dans la pièce. La même musique de kermesse qui se répétait. En boucle. Pour toujours. Sauf si elle changeait ça. Elle n'en a avait pas la force et cela ne changerait pas. Des larmes coulaient sur ses joues. Elle voulait hurler mais en était incapable. Elle accepta simplement la tasse qu'on lui tendait. Une fois de plus, Ils avaient gagné.