Dès l’après-midi, elle le traîna du quartier des étudiants à celui du parc, où tout avait commencé.
– Il ne s’agit pas, décréta-t-elle de retour dans le fiacre, de vous loger dans un palais, vous n’auriez pas les moyens.
Il était incapable de détourner son esprit de la scène qui venait de se dérouler et se contenta de hocher la tête. Elle sortit un petit miroir de sa poche et entreprit de corriger son maquillage. Quand elle rangea son bâton de rouge, il avait la gorge sèche.
– À quoi pensez-vous ? demanda-t-il d’une voix rauque.
Elle y réfléchit quelques instants, qu’il mit à profit pour reprendre son contrôle sur lui-même.
– Une pièce ou deux, bien éclairées, donnant sur une arrière-cour propre. Savez-vous cuisiner ?
– Oui.
– Très bien. Ça vous évitera d’avoir à recourir à un cuisinier, mais il faut que vous ayez de quoi faire.
Ils descendirent devant une agence de location. Elle mena toutes les négociations sans le consulter. Il lui suffit de donner son nom pour que l’agente devienne intéressée. Elle déroula son boniment avec l’habileté de la professionnelle. Madeleine décida de visiter l’un des appartements sur-le-champ.
Ils s’y rendirent à pied. Leur guide menait la voie, Madeleine se tenait juste à côté de lui, sans le toucher. Il sentait ses yeux bruns se poser régulièrement sur lui.
Ils s’arrêtèrent face à un bel immeuble récent.
– Construit il y a deux ans à peine, déclara la responsable. Toutes les commodités disponibles, gaz, chauffage et eau courante, avec concierge. Vous y seriez très bien.
Elle sonna. Ledit concierge vint leur ouvrir. La porte donnait sur un vaste hall au sol dallé, dans lequel se reflétait le large lustre doré du plafond. Une petite porte menait à la loge. Un escalier en marbre couvert d’un tapis menait aux étages, s’enroulant autour d’un ascenseur. Le concierge était responsable de son maniement. L’appartement se trouvait au troisième.
L’agente déverrouilla la porte à l’aide d’un trousseau très fourni.
– Normalement, il n’y a qu’un appartement par étage, mais celui-ci a été séparé par ses propriétaires, deux sœurs qui voulaient leur indépendance. Lorsque la première s’est mariée, elle a mis sa moitié en location.
Deux pièces seulement, un salon-salle à manger et une chambre, à laquelle attenait une salle de bain. Le robinet donnait de l’eau chaude ou froide à volonté. L’ensemble était lumineux et haut de plafond. Le parquet en chêne craquait agréablement sous les pas. De larges fenêtres donnaient sur les frondaisons de l’avenue en contrebas. Des fresques s’étalaient sur le haut des murs, copies de celles de Pompéi. Un petit autel aux Lares avait été laissé dans un coin. Les dieux seraient-ils offensés par sa présence ?
La cuisine était commune aux deux appartements. Il n’y croiserait jamais que des domestiques. Ça lui convenait parfaitement.
Madeleine était tout aussi enthousiaste. Dès leur retour à l’agence, elle s’entendit avec la gérante sur le montant du loyer. Axel se tenait dans un coin, étrangement laissé de côté dans la conversation. Quand elle revint vers lui, Madeleine ne mentionna pas le montant décidé.
– Vous pouvez emménager dès demain, lui déclara-t-elle.
Il la remercia du bout des lèvres. Elle ne s’en rendit pas compte.
Ils repartirent ensemble. Elle le laissa au pied de son immeuble, avec la promesse de revenir le lendemain soir dans son nouvel appartement, lui porter des nouvelles du journal.
Le logeur réparait quelque chose devant la porte. Axel lui parla de son futur déménagement ; il lui lança un regard entendu qui ne lui plut pas, sans se risquer à un commentaire. Axel, retrouvant les draps froissés, se prit à espérer qu’ils continueraient.