Lettre, d’Edna Ingasdottir von Sommarland à son cher frère, Axel Ingasson von Sommarland

Merci pour l’article que tu m’as envoyé. Moi qui pensais que tu n’avais aucune science agricole, je dois avouer ma surprise. Ainsi les leçons de notre mère ont fini par imprimer leur marque sur ton esprit, et ton manque d’enthousiasme n’était que de la mauvaise volonté. Mais puisque tu rends un si vibrant hommage à nos cultivatrices, je te pardonne. Sommes-nous si mal considérées par nos concitoyennes lidennoises ? Nous servons pourtant l’impératrice tout comme elles.
Je l’ai lu à Mère, qui joint ses compliments aux miens. Elle déclare ta langue parfaitement claire, sans les fioritures que les autrices se sentent obligées de rajouter et qui ne font qu’alourdir l’expression. Elle a ajouté que notre père serait fier de toi, et je crois qu’elle a raison. Es-tu allé au sanctuaire pour moi, comme tu me l’avais promis ?

L’hiver est particulièrement rude cette année. Je crains que les pommiers ne gèlent. Nous avons dû abattre l’un des poiriers, trop âgé, pour en faire du bois de chauffe. Les rennes sont descendus plus loin au sud qu’en temps normal, suivis par leurs bergères. Elles ne parlent pas lidennois et baragouinent le suédois, mais nous sommes parvenues à nous entendre. Nous avons échangé deux de leurs bêtes contre une paire de skis. Elles avaient cassé les leurs, de ce que j’ai pu comprendre. Elles sont restées ici pour la soirée, après avoir parqué leurs animaux dans le pré couvert de neige. Nous avons chanté au coin du feu et partagé un repas. Elles ont voulu raconter l’histoire de l’ourse polaire, mais leur manque de vocabulaire a rendu le récit particulièrement difficile à suivre. Le lendemain, elles sont parties dans la nuit encore noire avec leur troupeau.

J’ai mis les rennes à engraisser dans un terrain bien clôturé. Ils broutent le lichen des arbres et délaissent le foin. Ils n’auraient pas supporté de rester dans l’étable avec les vaches.

Mère transmet ses amitiés à M. Langlois. Elle a souri à ta description et s’est exclamée qu’il n’avait pas changé, après tout. Cultive tes relations, cela ne pourra t’être qu’utile, mais méfie-toi des promesses trop belles pour être vraies.

Avec toute mon affection,

Ta sœur adorée

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