Interlude

Ils sont revenus. La dernière fois qu’il a eu affaire à des hommes si tenaces, le sang a été abondant. Qu’il en soit ainsi. Il est prêt à en découdre.

Il gonfle sa poitrine et émet un grondement. Ses griffes – celles qui lui restent – sont tendues en avant pour déchirer la chair de ceux qui s’avancent vers lui. Il ne peut plus cracher du feu – le lien de cuir emprisonne toujours ses mâchoires. Mais peu importe : il charge. Il entend de nouveau le son de la flûte. Mais cette fois, aucune berceuse ne le ramènera dans son nid d’enfance.

Les hommes font bloc et leurs wyvernes résistent. Le filet l’enserre de nouveau, implacable. Tous ses muscles se tendent et ses vieilles cicatrices se rappellent à lui. Ses écailles s’étirent, les anciennes plaies le démangent. Il se souvient du champ de bataille.

L’acier a mordu ses écailles inviolables. Sa poitrine est criblée de flèches, ses ailes sont trouées. Les griffons virevoltent autour de lui, agiles et nombreux, il en fauche quelques-uns de la patte et d’autres de la queue. Mais ce n’est pas suffisant, son corps est hérissé de lances. Par-dessus le paysage aride qui s’étend sous lui, il voit les hommes agoniser sur le relief de la plaine ravagé par son amour. Leurs boyaux tâchent l’herbe de sang dont le rouge flotte aussi sur les étendards. Il entend le fracas de l’acier, les hurlements de douleur. Il a de nouveau mal. Il est revenu sur le champ de bataille.

Il perd de l’altitude, troublé par les cris d’agonie et les ordres des dresseurs, dont les réminiscences parviennent à couvrir les interjections du petit groupe qui s’attaque de nouveau à lui. Mais il se reprend. Il ne veut plus revenir sur le champ de bataille.

Aveuglé par la douleur du souvenir, il se débat de rage. L’air crépite à sa droite mais pourquoi s’en préoccuper ? L’élémancien hésitera, comme la dernière fois.

L’élémancien n’hésite pas. La douleur explose dans tout son corps, – réelle cette fois – il gronde, la foudre a tétanisé ses muscles. Il perd de l’altitude plus brusquement. Il chute, il a perdu. Et soudain, il le sent : il y a une faiblesse dans les mailles du filet. Au niveau de l’une des wyvernes, le métal est plus lâche. Sa patte se contracte, ses griffes se saisissent du filet et il tire – très fort – vers la wyverne mal attachée. Les hommes poussent des cris. Ses griffes transpercent la poitrine de l’un d’entre eux, il sent la chaleur du sang couler sur sa patte.

Il est tout proche du sol. Sa queue rencontre le corps d’un autre cavalier, qui s’écrase avec un bruit mou. Il est complètement dégagé du filet désormais. Galvanisé par sa victoire, il ouvre les mâchoires, très fort. Le lien de cuir cède. Il ne reviendra pas sur le champ de bataille.

Les hommes restants s’écartent alors qu’il reprend de nouveau de l’altitude. Il est aveuglé par la peur et par la douleur. L’obscurité du combat l’enveloppe ; au présent de l’aridité et du silence des terres se superpose le passé du fracas du fer et de l’odeur du sang. Il s’enfuit. Il a oublié ce qu’il a laissé derrière lui en venant.

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Edouard PArle
Posté le 28/01/2022
Coucou !
C'était bien parti mais finalement Finnodon semble une fois de plus avoir réussi à s'enfuir. Ce qui est bien vu avec le pdv du dragon, c'est qu'on ne sait pas qui est blessé par ses griffes et on reste dans le flou jusqu'au chapitre suivant. J'espère que les héros n'ont pas été trop durement touchés^^
Vont-ils renoncer après ce nouvel échec ? Avec leurs pertes, il semble difficile de faire une nouvelle tentative.
Je n'ai aucune idée de comment tu vas conclure cette histoire, j'ai hâte de voir !
Un plaisir,
A bientôt !
Thérèse
Posté le 28/02/2022
En effet, le but (enfin l'un des buts héhé) du point de vue du dragon c'est de rendre l'issue des confrontations totalement floue ^^
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