Interlude 1 - partie 3

48.

 

Lù a 24 ans, mais en paraît 15. Elle a perdu ses menstruations à 15 ans et possède un collier de perles qui semble beaucoup trop cher en comparaison de son mode de vie. Elle a une grande sœur, une mère et une grand-mère. Elle ne connaît pas son père, mais sa carnation de peau peut faire penser à un gitan du camp.

Son arrière-grand-père est Morrigan, dont on disait qu’il était venu d’un autre monde. Par erreur, elle a pu ouvrir un pont entre deux univers et a ensuite été capable de modifier la forme de cette faille.

Pour le moment, nous appellerons l’univers de l’autre côté de la faille : Monde n° 2 : La ville sur l’eau. De nouvelles explorations seront à effectuer. La faille a été refermée partiellement derrière nous et un poteau a été planté devant afin de la dissimuler.

 

— Toc-toc ?

Andiberry cacha son carnet sous son oreiller.

— Oui ?

Lù se glissa doucement dans la pièce, enfouie dans une énorme robe de chambre qui laissait juste dépasser son museau.

— J’ai besoin de parler.

— Ça tombe bien, j’ai besoin d’arrêter de penser.

Le retour dans la cahute avait ramené Berry à une dure réalité : la grossesse de Patie. Il fallait maintenant décider ce que ça impliquait. D’abord, Patie n’avait plus jamais montré de signes d’intérêt pour lui après l’épisode du cresson. L’avait-elle appâté dans le seul but de se faire engrosser ? Attendait-elle de lui qu’il prît ses responsabilités de père ou bien au contraire qu’il disparût au risque qu’elle lui envoyât deux sylphes aux trousses ? S’il restait, que deviendraient ses ambitions ? S’il devait partir, alors il devrait renoncer au mystère incroyable que représentait Lù !

En rentrant chez elle, la jeune fille avait délibérément ignoré sa sœur, mais elle n’avait plus vraiment l’air d’être fâchée contre Berry. Quelque chose venait d’arriver qui faisait d’elle une personne spéciale et pour le moment, cela la réjouissait suffisamment pour oublier son libertinage — ou bien saisissait-elle déjà à quel point son don serait utile pour l’accaparer ?

— Nous devons nous organiser et prendre des décisions.

Il était d’accord, cependant, il répondit avec mauvaise foi :

— Comme quoi ?

— Comme se taire. Je ne sais pas ce que peut en penser ma grand-mère, elle haïssait son père.

— Je suis prêt à parier qu’on ne peut pas vous confondre.

— Ne te moque pas. Tu ne peux pas comprendre.

Les yeux gris étaient effrayés et elle murmura :

— Héquinox disait toujours qu’il reviendrait, qu’il pouvait revenir par l’un de ses descendants. Les filles de la Famille n’ont jamais montré de signes étranges à la naissance, mais si Adêve découvrait mon pouvoir, elle pourrait croire que ma grand-mère avait raison et qu’il est revenu en moi, même si je n’avais pas présenté de signes jusque-là et que je reste physiquement moi-même ?

Tout ça n’était pas clair. Lù rajouta :

— Et je sais aussi que tu travailles pour un groupe de scientifiques bizarre, la F.T. a une réputation vraiment étrange. Je suis une ignare sur la question, mais je ne veux pas qu’on m’emmène pour me découper en rondelles.

Andiberry fit la grimace. Parler de sa découverte à tous ces vieux cons ? C’était le meilleur plan s’il voulait qu’on lui retirât le dossier. Bien sûr qu’il saurait se taire !

— Je serai muet comme une tombe. Maintenant, nous devons savoir ce que nous allons faire de cette découverte. Il y a déjà ce nouveau monde à explorer, mais il faudra être discret si nous ne voulons pas que notre secret soit dévoilé.

Lù se mit à faire les cent pas en fronçant ses sourcils sombres.

— Il faut que j’essaye de comprendre comment j’ai ouvert cette... cette ouverture ! Toutes ces années où j’étais maladroite ! C’était parce que je m’accrochais ! Il doit y avoir d’autres mondes encore. Nous pourrions chercher Valta--imhir !

— Valta--imhir ?

— La ville de mon arrière-grand-mère. Ils possèdent une technologie incroyable, ce sont des faiseurs de robots et toutes nos connaissances viennent de chez eux.

Elle s’arrêta et se mit à parler plus bas :

— C’est là que vit Mock.

Toujours installé sur son lit, Berry tiqua :

— Un dieu tangible ?

— Oui.

Elle lui asséna d’une voie orgueilleuse et triomphante :

— Héquinox le connaissait. Elle était son ingénieure en chef, mais elle a quitté son monde pour suivre mon arrière-grand-père et elle a regretté pour toujours d’avoir perdu la sagesse de Mock.

Andiberry ne répondit pas. Il ne croyait en aucun dieu ; il aimait croire que le bien devait être gratuit et pas le fait de règles édictées par une puissance supérieure, mais ce dieu vivant parmi des hommes était un nouveau mystère grisant.

— Soit. Nous chercherons Mock quand tu auras appris à ouvrir des failles et nous verrons bien s’il est vraiment le dieu omniprésent que tu crois.

 

49.

 

— Pardonne-moi mon indiscrétion, mon cher Taïriss, mais est-ce que tu as un pénis ? C’est une question qui me travaille depuis un moment.

Cette interrogation permettait au besoin de vérifier si les automates étaient capables de rougir. La remarque avait figé le robot dans un mouvement de balayage avant de le plonger dans une grande confusion.

— Pardonnez-moi, Monsieur Andiberry, mais je n’ai pas été conçu dans un but sexuel. Dans cette situation, il est normal que l’on ne m’ait pas ajouté des fonctions qui auraient dépassé mes qualifications.

Occupée à réparer un moteur, Patie se mit à pouffer de rire entre ses doigts et Adêve pinça les lèvres aigrement. Andiberry se pencha en arrière sur le canapé pour lui parler plus commodément :

— Dommage.

Le robot eut l’air d’autant plus dérouté.

— En quoi est-ce dommage ? Envisagiez-vous de faire de moi un prostitué de luxe dont vous seriez devenu le maquereau, ou bien était-ce une proposition concupiscente de votre part ?

Berry lui jeta un regard et éclata de rire. Avec son balai à la main, son tablier à carreaux et son visage éternellement mélancolique, Taïriss était extraordinaire. Il se souvint de ce jour, il y a quelques mois, dans lequel il avait fait ce rêve érotique où il faisait l’amour avec lui et Radje. S’il n’était plus question d’imaginer quoi que ce fût avec le psychopathe translucide, l’automate restait une sorte de fantasme inaccessible.

— Eh bien à vrai dire...

— Monsieur Richter, pouvez-vous laisser notre automate faire son travail correctement s’il vous plaît ?

— Pardon, chère Adêve, je ne faisais que la conversation. Pour conclure, Taïriss, j’ajouterai que j’espère que vous resterez absolument tel que vous êtes, à l’exception de ce menu détail. Si j’étais vous, j’exigerais qu’on me greffe un membre de toute beauté, car après tout, on vous doit bien ça dans cette maison.

— Je vais y réfléchir avec le plus grand sérieux, Monsieur.

Dans son coin, Patie continuait à rire sous cape et Andiberry lui jeta un regard. Elle tricotait des chaussettes pour bébé et il en eut la nausée. Elle n’avait pas cherché à lui parler. Tout se déroulait comme s’il n’était pas concerné par cet — heureux ? — événement.

Il aurait dû mettre les pieds dans le plat. Il le devrait à un moment, il n’avait pas le choix, mais pour l’instant, il ne savait pas trop quoi lui dire entre "Tu es une garce !", "Marions-nous !" ou "Enfuis-toi avec moi !". Ces quelques jours de répit étaient les bienvenus. Il profita de ce nouveau silence pour poser une autre question qui lui tenait à cœur depuis un moment :

— Au fait, j’ai remarqué que Lùshka portait un très beau collier, c’est un objet qui sort de l’ordinaire en comparaison du mode de vie que vous avez ici.

Patie releva la tête de ses aiguilles et jeta un coup d’œil à sa grand-mère qui haussa les épaules.

— Elle l’a trouvé on ne sait où, un jour. En tout cas, elle ne le lâche jamais, je crois bien qu’elle dort avec. C’est un véritable grigri.

Taïriss intervint tout en prenant soin de continuer à balayer.

— J’étais avec elle quand elle l’a trouvé. C’était il y a un peu moins de dix ans. Elle avait quinze ans à l’époque.

— Elle devait avoir l’air d’avoir dix ans alors, ironisa Berry.

— Non, Monsieur. Mademoiselle Lùshka était telle qu’elle est aujourd’hui.

Son ton était si sérieux qu’Andiberry fronça les sourcils.

— Que veux-tu dire ?

— Je dis que je compare des images de Mademoiselle à l’époque et aujourd’hui et je certifie qu’elle est restée conforme à plus de 99,9 %.

La main de Berry était dans sa poche tout contre son carnet et elle le démangeait. Ça, c’était une donnée intéressante. Si les légendes étaient vraies, Morrigan non plus ne vieillissait pas et il avait vécu très longtemps, à la différence que l’ancien maître de la Machine était un adulte. Et Lù avait trouvé le collier quand elle avait quinze ans...

— Pour revenir à ce chapelet, où l’a-t-elle dégotté ?

— Dans le bureau de l’ancienne usine d’automates, Monsieur. Il y avait là tout un bric-à-brac et il était dans un vieux carton. C’est une chance qu’elle l’ait trouvé, car il y avait une forte probabilité qu’il ait été jeté aux ordures par mégarde.

— C’est une purée de sacrée veine ! Ce collier doit valoir une petite fortune.

— Elle a dit qu’il l’attendait et elle était très bizarre. Elle ne l’a jamais quitté depuis.

— Qu’il l’attendait ?

— Oui, Monsieur, c’est ce qu’elle a dit.

Berry se rappela la sensation qu’il avait éprouvée quand Lù avait ouvert la faille : que le collier était vivant, comme un serpent lové.

— Tu es certain qu’elle ne l’a jamais quitté ?

— Je ne peux pas vous le dire catégoriquement, mais si vous me laissez faire une recherche dans ma mémoire, je peux vous le confirmer.

— Cela prendra longtemps ?

— Une petite dizaine de minutes, tout au plus.

— Eh bien, parfait ! Donne-moi donc ton balai pendant que tu fais ta recherche.

Taïriss prit un air légèrement offensé.

— Un automate tel que moi est parfaitement capable d’accomplir deux tâches en même temps.

En désespoir de cause et afin de s’occuper les mains, Andiberry se leva pour aller préparer une infusion. Le robot continua son ménage pendant quelques minutes avant d’annoncer :

— La recherche est terminée. Lù n’a quitté son collier dans aucun de mes souvenirs depuis qu’elle l’a trouvé. J’ai également une tentative de suppression de données pour une recherche similaire. Voulez-vous les consulter ?

Tous les visages se tournèrent instinctivement vers Adêve qui était en train de monter une pompe à hydrovéhiculation pour cyclopède. Elle leva un regard grave aux sourcils froncés.

— Qui a tenté d’effacer ces données ?

— Votre mère, peu avant sa mort. Je ne crois pas que ce contenu soit compromettant.

Adêve tourna ses yeux vers Andiberry avant de hocher lentement la tête ; le robot ajouta :

— Le Chapelet appartenait à Monsieur votre père. Je l’ai souvent vu à son cou par le passé et je crois que c’est Madame Héquinox qui a souhaité le jeter après son décès.

La vieille femme se détendit.

— Je vois. Il s’agit d’un mauvais souvenir, voilà tout.

De son côté, Andiberry exultait en silence. Le collier devait provenir d’un autre univers et contenir une technologie inconnue, une technologie capable de ralentir la croissance d’un être vivant et d’ouvrir des failles entre les mondes. Son cœur se mit à battre d’excitation. Il fallait absolument qu’il pût mettre son nez dessus.

 

 

 

50.

 

La brosse coulait doucement dans les longs cheveux châtains et la tendresse de ce geste était palpable tandis que Lù coiffait sa mère. Depuis l’encadrement de la porte de sa chambre, Andiberry Richter les observait ; il avait voulu parler à Lù et était tombé sur ce tableau en apparence anodin.

Bien qu'Andiberry eût passé plusieurs mois près de Sainte-Mère-des-Plumes, la mère de Lùshka et Patie était restée un vrai mystère. Peut-être était-il plus simple de dire que cette femme était simplement folle. Ses filles ne lui parlaient pas ou très peu et uniquement pour lui demander des tâches très faciles.

La plupart du temps, elle surgissait à l’improviste comme un fantôme errant aux yeux hagards.

Adêve s’était chargée d’éduquer les enfants et maintenant qu’elles étaient grandes, c’était à peine si elles traitaient leur mère comme un être vivant. Peut-être était-ce pour cela que cet instant de tendresse avait étonné Berry.

Lù croisa son regard dans le miroir et elle arrêta son geste alors que la brosse était encore enfouie dans la chevelure. Berry lui fit un signe de la tête pour lui indiquer qu’il souhaitait lui parler. La jeune fille posa un baiser sur le front de sa mère.

— Tu es très belle.

Berry l’attendit une poignée de secondes dans sa chambre avant qu’elle ne le rejoigne.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— C’est la première fois que je te vois être aussi gentille avec ta mère.

— Elle aime qu’on la brosse, ça la calme. Elle a de beaux cheveux, non ?

Lù attrapa une de ses mèches châtaigne et fit une moue maussade.

— Les miens ne poussent pas du tout.

Andiberry ne voulait pas s’embourber dans ce sujet-là.

— Ça fait longtemps qu’elle est comme ça ?

— Plusieurs années, je ne me souviens pas bien d’avant sa bizarrerie. Elle n’a pas supporté quand on a dû enterrer mes frères, ça l’a fait vriller. Maintenant, elle n’est plus vraiment là, Mock a dû lui trouver une place plus belle.

Andiberry n’aimait pas quand elle insistait avec son dieu contrefait alors il essaya à nouveau d’orienter la conversation sur un sujet qui l’intéressait :

— À propos des enfants… ils ne sont pas morts naturellement, n’est-ce pas ? Gyfu a dit quelque chose dans ce genre, qu’ils étaient différents.

Lù jeta un regard paniqué autour d’elle et posa son index sur sa bouche.

— Chut ! Il ne faut pas en parler. Gyfu n’aurait pas dû !

Non, elle n’aurait pas dû. Ça lui aurait évité d’avoir à se poser toutes ces questions. Pourquoi l’avait-elle fait d’ailleurs ? Cherchait-elle à provoquer une zizanie ? Radje désirait que la lignée se terminât, Gyfu voulait-elle les mettre en prison pour pouvoir s’échapper ? Tout ça était très bizarre. Lù continua à voix basse :

— Ce n’étaient pas des enfants, c’était un monstre. On ne pouvait pas le laisser vivre parce qu’il parasite les petits garçons.

Allons donc... Qu’est-ce que c’était que ce charabia encore ?

— Quel genre de monstre ?

— Mon arrière-grand-père. Le Changemonde qui ne peut mourir, c’est une âme qui ne connaîtra jamais le monde d’après.

— Alors c’est bien vrai ? Il faisait la même chose que toi ? Et il se réincarne dans les petits garçons qui naissent, c’est cela ?

Elle hocha la tête très fort.

— Alors vous les tuez ?

— ...

— Qui fait ça ? Adêve ?

Elle pinça les lèvres.

— Adêve a tué mes frères. Pour le premier fils de Patie, c’est moi. Mamie devait maîtriser maman.

Il la contempla avec un intense dégoût.

— Tu as tué un bébé ?

Elle le fixa avec froideur de ses grands yeux gris.

— Je ne lui ai pas fait mal et j’ai l’habitude avec les lapins. Ça va très vite.

Comme Andiberry ne répondait pas, elle dit :

— Il a traversé des tas de mondes et il sait tant de choses que c’est effrayant. C’était un cloneur. Ce qu’il a fait à la sœur d’Adêve… Tu n’as pas le droit de nous juger parce que nous avons peur d’un homme dément. Adêve est terrifiée.

— J’ai besoin de penser à tout ça.

— …

— Sais-tu que ce collier que tu portes lui appartenait ?

Aussitôt, les traits de la jeune fille se durcirent.

— Il est à moi, dit-elle d’une voix grave qu’il ne lui connaissait pas.

Sa main s’était enroulée parmi les perles et les égrainait nerveusement ; il comprit que la tâche allait être plus ardue que prévu.

— Bien sûr qu’il est à toi. Il est à toi maintenant et dans le futur, mais avant que tu le trouves, il devait appartenir à quelqu’un, non ?

Elle sembla se détendre un peu, mais ses yeux gris continuaient de le fixer d’un air féroce.

— Possible. Et je ne l’ai pas trouvé, c’est lui qui m’a trouvée.

— Vraiment ? Est-ce que tu verrais un inconvénient à ce que je jette un œil dessus ? En ta présence, évidemment.

Il avait fait attention d’accompagner ces paroles d’un air très humble.

— Pour quoi faire ?

— Je crois que ce collier a un rapport avec le fait que tu ne grandisses pas et avec ta capacité d’ouvrir les mondes. Je peux ?

Elle avait baissé les yeux et dans la pénombre de la chambre, Berry eut l’impression que les perles se serraient autour de sa gorge dans un geste muet pour se lover contre son corps. Toute la chair de la jeune fille se mit à trembler quand ses mains commencèrent à retirer les rangs successifs, mais quand il fut seulement entre ses doigts, elle se trouva incapable de juste le poser par terre ou de le donner à Berry.

À la fois inquiet et agacé, Andiberry tenta de lui prendre l’objet des mains, mais la jeune femme eut un geste compulsif pour l’empêcher d’agir et le collier vola sur le sol.

Une poignée de secondes s’écoula où rien ne se passa si ce n’est que Berry songea à fondre sur les perles, puis ses yeux s’écarquillèrent de surprise et d’horreur : le collier, la chose, bougeait vraiment. Comme un ver de terre aveugle, elle se tordait sur le sol et zigzagua de façon chaotique en direction de Lù qui s’était prostrée sur elle-même. Les perles finirent par s’immobiliser contre les semelles de ses chaussures et la jeune fille se baissa pour récupérer son collier qu’elle enroula trois fois autour de sa nuque.

— Je suis désolée, je ne crois pas que je puisse te le prêter.

Andiberry était blême.

— Oui, ça me semble peu sage.

Il avait pourtant eu l’occasion de voir la chose de près. En apparence, ce n’était rien de plus que des perles et de la ficelle. Plus tard, dans son carnet, il écrirait :

Le collier n’est pas ordinaire. Est-il lié au pouvoir de Lù ?

Si oui, est-ce le collier qui donne le pouvoir à Lù, Lù qui insuffle un don personnel au collier ou s’agit-il de la rencontre entre les deux qui crée une réaction chimique ? Les femmes de la Famille assassinent leurs nouveau-nés mâles sous prétexte que leur ancêtre s’y réincarne.

Est-ce la vérité ou bien est-ce le délire de la vieille folle qui a déjà mis beaucoup d’inepties dans la tête de ses petites-filles ? Si mon futur enfant est un garçon, que dois-je faire ?

 

51.

 

Lù s’amusait à ouvrir et à clore la faille, mais ne la fermait jamais tout à fait, de crainte de ne pas réussir à la retrouver.

Dans le monde de l’autre côté s'étalait un faux crépuscule : l’une des deux étoiles était sur l’horizon, mais l’autre était au zénith. Lùshka n’avait pas trouvé d’occasion de repasser de l’autre côté, car elle ne voulait pas y aller seule et il était délicat de disparaître avec Berry en milieu de journée, alors que le début de la cinquième saison et ses moissons demandaient toute leur attention.

— Du nouveau ?

— Pas vraiment, je n’arrive pas à ouvrir de nouvelles failles.

Il y avait de la rage dans ce dernier commentaire.

— Tu as beaucoup essayé ?

— Oh Oui ! Tous les jours !

— Tente de tomber, c’est comme ça que tu as pu le faire à la base.

Elle lui lança un regard noir.

— Tu crois que je devrais essayer d’ouvrir les dimensions avec mes pieds ?

Cela le fit rire et il en avait besoin en ce moment : cet endroit et tous ces mystères allaient le rendre chèvre, mais c’était l’occasion d'une vie.

— On devrait aller faire un tour de l’autre côté ?

— Tu crois ?

— J’ai fini mon boulot et j’ai des biscuits.

— Ceux aux noix de daims ?

— Exactement. En plus, j’ai mes chaussures montantes et toi tes bottes.

L’aventure est un excellent réconfortant face aux désordres de l’âme, alors ils enjambèrent la faille entre les dimensions et la marquèrent comme la fois précédente. Il faisait plus sombre ; l’astre au zénith devait être une étoile secondaire, autour de laquelle cette planète ne tournait pas, et sa lumière était fade sur le sable.

— Rien à l’horizon ?

— Rien du tout. Allons jeter un coup d’œil sur la plage.

Ils voulurent descendre jusqu’au rivage, mais dès qu’ils furent en vue de l’eau, ils se jetèrent à plat ventre à toute vitesse.

— Wow, ça a avancé, non ?

En effet, la ville flottante était infiniment plus proche que la dernière fois, exhibant ses innombrables tours en verre étincelant hérissés d’antennes et de coupoles transparentes. De minuscules silhouettes s’agitaient sur les multiples ponts à ciel ouvert.

— Tu crois que ce sont des humains ?

— Pas seulement, regarde par là.

Il y avait des humanoïdes sur la plage, suffisamment loin pour que Berry et Lù n’eussent pas besoin de fuir, mais assez pour qu’ils pussent distinguer des silhouettes. Ils voyaient aussi quelques humains comme ceux qui vivaient dans leur monde, mais la plupart des créatures avaient la peau beaucoup plus sombre et arboraient une longue queue basse comme celle des reptiles. Ils semblaient porter des caisses au bord de l’eau.

— Allons-nous-en, murmura Berry en reculant dans le sable.

— Pas encore, on peut se rapprocher.

— Ne sois pas idiote...

Elle ne l'écouta pas et rampa un peu plus haut sur la dune. Berry serra les fesses, mais rien ne se passa : elle revint rapidement et ils filèrent en direction de la faille.

— Je voulais voir à quoi ressemblaient leurs vêtements.

— Pour quoi faire ?

— Pour qu’on se fasse des costumes, pardi ! Ils amassaient des caisses pour la ville flottante, ils vont débarquer par ici et je veux voir ça de plus près.

— Ah ouais ?

Elle était complètement frappadingue ! Ah ! Mais il avait oublié que celui qui croit qu’il va se réincarner a moins de raison de craindre la mort. Ils retournèrent dans leur monde d'origine, Lù referma partiellement la faille derrière eux et Berry soupira de soulagement avant d’avoir un hoquet de terreur : debout dans le champ se trouvait Radje le sylphe.

Il les regardait.

 

52.

 

« Tu n’as pas le droit de parler de ce que tu as vu.

Tu n’as pas le droit d’essayer de nous piéger pour qu’une tierce personne l’apprenne.

Tu n’as pas le droit de blesser Berry ou de provoquer sa souffrance d’une façon détournée.

Tu n’as pas le droit d’essayer de passer de l’autre côté de la faille sans mon autorisation. »

 

Voilà quel fut le contenu des règles que Lù avait imposées à son familier et malgré ça, Andiberry n’était pas rassuré. Il voulait également reparler à Gyfu de l'époque où elle avait côtoyé Morrigan, mais elle était repartie vers Nassau pour glaner des informations sur il ne savait quoi.

— Sur les nouvelles technologies. La Famille est experte en mécanique et robotique, et nous devons rester au courant de ce qui se fait de nouveau dans la capitale.

Berry sursauta violemment : il avait dû parler tout haut. Radje se tenait dans sa chambre, ses yeux mauves le regardant avec attention. Il se crispa et se redressa sur la banquette qui lui servait de lit, mais se raisonna en se souvenant que cette créature ne pouvait à présent plus le blesser.

— Wow, qu’est-ce que tu veux ?

— Détendez-vous, je désire juste vous parler. C’est une chose que j’ai encore le droit de faire, il me semble.

— Je... suppose.

Comme Andiberry restait immobile, Radje lui indiqua le battant ouvert avant de chuchoter d’un air moqueur :

— Je ne peux pas fermer une porte, vous vous souvenez ?

Que se passerait-il s’il refusait ? D’une certaine façon, le sylphe était déjà son ennemi et s’il le pouvait, il n’hésiterait pas à le « détruire » comme disait Gyfu. Mais il ne le pouvait pas. Il ne le pouvait pas...

Le jeune homme se leva pour fermer soigneusement la porte et pendant ce temps, le sylphe s’assit en tailleur sur son lit. Comme il était étrange de voir cette créature mâle étaler sa nudité sur sa couverture, Andiberry préféra s’installer sur une chaise que de se retrouver trop près. Radje susurra :

— Je ne suis pas votre ennemi.

— Ah ouais ?

Le jeune homme se rendit compte que c’était la première fois que la créature s’adressait directement à lui sans l’étrangler.

— Je ne le suis plus, la situation a changé. Radicalement. Je n’ai plus de raison particulière de chercher à me séparer de cette famille.

— Parce qu’une faille a été ouverte ?

— C’est elle qui l’a fait : elle porte le Chapelet comme son arrière-grand-père. Je croyais que c’était une lubie, mais c’est une Changemonde.

— ...

— Je sais que Gyfu vous a parlé du Ki et le mien est lié à celui des Changemondes. C’est pour cette raison que j’ai engagé mon Mush avec Morrigan, mais c’était une tête de mule et je n’ai rien pu faire de lui, car il m’empêchait de réaliser les autres conditions de mon Ki. Lùshka est différente. Elle n’a pas de méfiance ni de haine envers moi.

— Pourquoi me parler de tout ça ?

— Parce que vous lui conseillerez de ne pas s’allier à moi si je ne vous convaincs pas.

Dans la pénombre de la chambre, son visage brillait étrangement. Peut-être était-ce lié à la lueur de la veilleuse qui traversait son épiderme. Andiberry pouvait le contempler de façon très précise : sous la membrane translucide de la peau, on pouvait apercevoir le dessin labyrinthique des vaisseaux sanguins et des nerfs ou ce qui y ressemblait en tout cas.

— Pourquoi aurions-nous besoin de vous ?

— J’ai vécu avec lui durant longtemps car Gyfu et moi avons exploré des mondes à ses côtés. Je peux aider Lùshka.

— De quelle façon ?

— Sait-elle correctement ouvrir les failles ?

Berry pinça les lèvres et le sylphe sourit victorieusement. Le jeune homme riposta :

— Le soutien de Gyfu n’est-il pas préférable au vôtre ?

— Vous ne savez ni quand elle reviendra, ni quels sont les chemins qu’elle parcourt pour accomplir son propre Ki.

Il fallait faire le point sur cette histoire de Ki.

— Que se passe-t-il quand un sylphe réalise son Ki ?

— Nous mourons. C’est la seule forme de mort acceptable pour un sylphe : une extase fatale.

Andiberry digéra l’information.

— Qui vous donne votre Ki ?

— Nos géniteurs. Il s’agit simplement d’un jeu ou d’une énigme.

— Un jeu qui peut vous occuper longtemps...

— Peut-être. C’est mieux de passer sa vie à jouer qu’à essayer de se faire la guerre.

— Les sylphes seraient donc plus amusants que les humains ?

Le visage pointu de Radje se fendit d’un sourire.

— De toute évidence.

— Quel est votre Ki ?

— Ça ne se demande pas car cela froisse les règles du jeu. Je dois résoudre une énigme et afin d'y parvenir, j’ai besoin d’un Changemonde et je n’ai pas le droit de vous faire de mal ni de faire du mal aux membres de la Famille. Le savoir doit être suffisant pour me rendre inoffensif à vos yeux.

— Lù devrait vous demander de ne faire de mal à personne.

— Elle le pourrait, mais ce serait dangereux. On finit toujours par faire le mal, même par accident. Je contrarierais mon Mush et me rendrais malade, peut-être fou et dangereux.

— Vous avez réponse à tout, pas vrai ? Et vous désirez juste nous donner des informations ?

— Non, je désire une compensation.

Andiberry leva les mains d’un air triomphant, mais Radje ne le laissa pas parler :

— Ça ne sera rien pour vous, je le promets.

— Eh bien ?

— Dans le premier entrepôt qui jouxte la maison, il y a une pièce au fond qui est fermée à clef.

— Je vois cette porte.

— La clef est posée avec les autres trousseaux dans la cuisine. Il est à la portée de tous et n’est pas dissimulé. Je vous demande d’aller dans cette pièce où vous trouverez de nombreux objets et en particulier quelque chose d'inhabituel.

— Vous excitez ma curiosité.

— Je veux simplement savoir si c’est vivant.

— ...

— Ne dites rien. Allez voir par vous-même et je répondrai à toutes vos questions après.

— Très bien.

— Il y a des lampes torches dans l’entrée, à côté des clefs.

Andiberry était heureux de ne pas avoir encore enlevé sa veste ni ses chaussures. Il descendit l’escalier à pas de loup et récupéra la clef ainsi que la lampe là où Radje l’avait indiqué. Il n’y avait personne au rez-de-chaussée ; tout le monde dormait. Dehors, la nuit était glaciale alors il courut jusqu’à l’entrepôt dont la porte extérieure n’était pas fermée et il n’eut aucune difficulté à ouvrir la suivante. Sa main chercha à tâtons un interrupteur et quand une ampoule faiblarde s’éclaira, il écarquilla les yeux.

La pièce était remplie à ras bord de bric-à-brac de toute sorte. Il y avait là des meubles, des sabliers, des horloges, des canards en plastique et d’étranges machines dont Berry ne connaissait pas l’utilité. Il trouva tout de suite ce que Radje voulait qu’il vît.

Un cercueil en métal et en verre occupait un pan de mur entouré d’une foule de cartons, à moitié dissimulé sous des piles de magazines écrits dans une langue inconnue. Il s’approcha en redoutant ce qu’il allait trouver.

Un sylphe. Non... une sylphide.

Il aurait difficilement pu donner un âge au corps qui reposait là. Elle avait la taille d’un sylphe adulte et pourtant son visage rond semblait plus juvénile que ceux de Radje et Gyfu. Contrairement à ce qu'il savait des sylphes, ses cheveux d’un vert laiteux étaient très longs. Des araignées avaient tissé leur toile entre la chair translucide et le verre qui la recouvrait.

Depuis combien de temps est-elle là ?

Il se rapprocha : la poitrine se soulevait légèrement, à intervalles réguliers.

C’est vivant. C’est végétatif du moins.

Il avait rempli sa part du marché et il se dépêcha de rentrer dans sa chambre, non sans penser à remettre la clef en place. Radje était debout devant la fenêtre.

— Alors ?

— Alors elle est vivante.

— C’est bien.

— Qui est-ce ?

— Siamanalasca.

— Vous plaisantez !

Le sylphe se retourna pour le fixer.

— Pas le moins du monde.

Le jeune homme avait eu l’occasion de se pencher d’un peu plus près sur la guerre qui avait opposé les sylphes et les humains, il y avait plus d’un siècle, mais nul besoin d'avoir fait des études pour connaître le nom de Siamanalasca, la seule cheffe que les sylphes eussent jamais eue pour les réunir quand ils s’étaient rebellés contre l’expansion humaine.

— Détendez-vous. Aucune rébellion n’est cachée dans les entrepôts de cette maison et son identité n’a que peu d’importance, à vrai dire. C’est ce qu’elle est qui compte plus que qui elle est.

— Que voulez-vous dire ?

— Il faut d’abord que je vous parle de cette pièce qui est le domaine réservé de Gyfu. Bien sûr, elle ne peut rien y mettre elle-même, mais Adêve s'en charge.

— Pourquoi entrepose-t-elle tout ça ?

— Spécifiquement, je ne sais pas, mais je suppose qu’il s’agit de son Ki : elle essaye de résoudre sa propre énigme de son côté.

— Et cette sylphide ?

— D’une façon ou d’une autre, Gyfu a besoin de Siamanalasca pour atteindre la mort par le Ki. Et par le plus désagréable des hasards, il se trouve que moi aussi.

53.

 

Lù essayait de toutes ses forces d’attraper quelque chose dans l’air et une personne extérieure aurait pu croire qu’elle s’était lancée dans une chasse frénétique aux insectes. Découragée, elle laissa ses mains tomber sur ses genoux. L'avant-veille, elle avait encore trébuché sur du vide, mais son pied s’était libéré avant qu’elle ne pût trouver quoi que ce fût qui ressemble à une faille entre les mondes.

Elle finit par récupérer l’ouvrage qu’elle avait entamé la veille ; elle était médiocre couturière, mais faire un pantalon large qu’elle teindrait en bleu vif était dans ses cordes.

Elle était retournée deux fois dans le monde derrière la faille sans Berry et connaissait à présent quelques mots du langage des autochtones : bonjour, au revoir, merci.

« C’est une langue mérindienne », avait-elle dit à Berry. « Ils ont les mêmes types de phrases qu’eux et leur vocabulaire se ressemble aussi ».

Ce dernier point avait fasciné le jeune homme. Il était vrai que certaines des créatures qui vivaient dans ce monde ressemblaient à s’y méprendre à des humains, mais on y trouvait aussi des espèces bizarres avec de longues queues et de grands échalas tout maigres qu’ils n’avaient pas vus la toute première fois.

Lù espérait pouvoir se mêler rapidement à eux, mais pas question de le faire tant qu’elle ne savait pas ouvrir une faille : elle en aurait besoin pour rentrer chez elle si jamais il fallait s’échapper. Elle soupira et enfonça son aiguille dans la toile du pantalon.

— Vous devriez vous reposer, Mademoiselle.

Taïriss était penché sur le livre de comptes sur lequel il écrivait scrupuleusement et elle était si bien cachée dans son coin qu’elle avait négligé de se méfier de lui. Bien sûr qu’il remarquerait ! C’était un robot après tout, pas un être vivant distrait.

— Vous avez les traits tirés et votre chambre est restée allumée tard hier, malgré le lourd travail que nous avons effectué ces derniers jours. Les humains sont fragiles.

— Je sais. Merci Taï, je vais faire attention.

— Regardez Mademoiselle ! Monsieur Radje a attrapé un fend-le-vent.

Ils se levèrent tous les deux et se postèrent à la fenêtre. Le sylphe avait agrippé un oiseau par la queue et celui-ci l’avait emporté dans les airs. Lù sourit :

— Il est souvent parmi nous en ce moment, n’est-ce pas ? C’est agréable, il était si fuyant avant. Je suis heureuse de le voir plus régulièrement.

— Ce n’est pas un humain, Mademoiselle. Cette créature n’a de désir que pour son Ki.

— Je ne suis pas stupide... Je sais qu’il ne reste pas pour nous.

— Je ne veux pas vous manquer de respect. Je dis juste que vous devez garder la tête froide. Les autres humains ne peuvent pas le voir, mais moi si. En sa présence, vos pupilles se dilatent, vos lèvres gonflent, votre cœur accélère. Comme avec Monsieur Richter.

Elle se contenta de fixer le vide par la fenêtre avant de siffler :

— Et alors ?

— Votre famille vient d’un monde où le statut des femmes est bien différent. Mais dans ce pays, on n’aime pas les femmes qui aiment trop les hommes. Je vous recommande la lucidité et la prudence.

Comme elle ne répondait pas, il continua :

— Monsieur Richter a évoqué devant moi la possibilité de me faire plus masculin que ce que mon anatomie possède. Cela est-il envisageable ?

Les yeux gris glissèrent du paysage au visage du robot. Il tendit les doigts et lui toucha la mâchoire. Elle recula et articula froidement :

— Tu me mets mal à l’aise.

La main de l’automate retomba le long de son flanc.

— Je suis désolé de vous avoir froissée. Je peux être maladroit dans mes comportements. Je ne souhaitais rien d’autre que vous servir de mon mieux.

— Tu ne peux pas combler ce genre de choses. Tu devrais finir ton travail, maintenant.

Il baissa les yeux.

— Bien, Mademoiselle.

Sans prendre la peine de ranger son ouvrage, elle se leva pour sortir : elle avait besoin de respirer. Sur le banc devant la maison, Andiberry Richter était en train de trier des graines. Elle se demanda s’il les avait entendus et en effet, le jeune chercheur avait tendu l’oreille avec intérêt.

Mais il y avait plus important : il avait décidé d’encourager Lù à accepter le marché de Radje.

 

54.

 

— J’ai trouvé le truc, en quelque sorte. 

Andiberry exulta. Pas trop tôt ! Ça faisait cinq semaines que Radje avait commencé à prodiguer ses conseils et il y avait enfin du changement, mais Lù n’avait pas l’air satisfaite. Le crépuscule descendait doucement sur le jardin et Radje les observait, accoudé contre la barrière.

— Où sont les autres ? demanda-t-elle en croisant les bras devant son torse.

Le sylphe se redressa.

— Elles doivent être dans la pièce à vivre pour commencer à cuisiner, mais je vais monter la garde pour que personne n’arrive.

Il leur passa devant avant de disparaître au coin de la baraque.

— Très bien, allons-y !

Lù retroussa les manches de son sweat-shirt délavé et entreprit d’enfoncer ses doigts dans la texture de l’univers.

— Ça n'a rien de facile... C'est comme de blesser la texture du monde. Je le déchire et il n'en a pas envie.

C’était un étrange spectacle, le voile entre les dimensions résistait comme l’aurait fait un sac plastique qu’on essaye de traverser par la force. D’abord, l’air sembla se déformer et devint moins transparent.

— Regarde, cette phase-là est importante : on peut déjà voir un peu ce qui se trouve de l’autre côté. Si l’on sent qu’on n’arrive pas au bon moment, il est encore temps de faire demi-tour. C’était la technique de l'arrière-papi, enfin, d'après Radje... Ça semble calme, je peux y aller.

Pendant qu’elle officiait, le collier reposait sagement sur sa poitrine, tel un bijou banal. Enfin, la membrane entre les univers se déchira comme un placenta qui se rompt ; la nouvelle faille ressemblait beaucoup à la précédente. Il risqua un œil à l’intérieur : sur une vaste plaine très plate, de longs filaments rosâtres montaient jusqu’au ciel.

— Je suis très impressionné. Bravo.

— Attends un peu avant de te réjouir, regarde.

Il l’observa ouvrir successivement cinq autres failles sur cinq mondes : un amas de cubes minéraux dont on ne savait pas s’ils étaient une formation naturelle ou une construction, une forêt assez proche de celle de Sicq, une ville de briques peuplée de pygmées, une cité en guerre que Lù n’avait finalement pas approchée et un espace gazeux sans terre ferme. Ils étaient à portée de main de six mondes complètement différents, sept si l’on prenait en compte la faille ouverte dans le champ.

— Combien y en a-t-il en tout ? demanda Berry en fronçant les sourcils. Combien de mondes parallèles ?

— Je ne sais pas. Je n’ai pas réussi à ouvrir deux fenêtres qui donnaient sur le même monde. Radje dit que Morrigan n’y est jamais parvenu.

Andiberry se laissa choir sur le banc de bois qui jouxtait le potager.

— Tant que ça ?

— Il appelait ça le Multivers : des milliers et des milliers de mondes parallèles.

— Je n’aurai jamais assez de temps pour voir tout ça.

C’était à son tour d’avoir l’air découragé. Pendant qu’il réfléchissait, Lùshka referma les failles qu’elle avait créées.

— Lù ?

— Oui ?

Andiberry avait autre chose en tête et il devait lui en parler :

— Patie est enceinte de quoi ? Cinq mois bientôt ?

— Cinq mois et demi et elle est déjà très grosse.

— Si c’est un garçon, tu le tueras ?

Le Mangoin s’était couché et le jardin était habillé d’ombres. Il insista :

— Radje a dit que maintenant que tu as hérité de son pouvoir, Morrigan ne peut plus se réincarner, il est définitivement parti. C'était la volonté du Chapelet de garder son Pilier en vie qui lui permettait de se reformer, mais maintenant ce Pilier, c'est toi. Donc si un enfant mâle naît, ce sera juste un petit garçon normal.

— Je ne le tuerai pas, je l’enverrai dans le prochain royaume de Mock.

Sa voix manquait d’assurance pour la première fois depuis qu’elle évoquait sa divinité. Peut-être que Mock n’aimait pas les menteurs ?

— En es-tu sûre ?

— Oui, répondit-elle du tac au tac.

— Qui a parlé de Mock si ce n’est ton arrière-grand-mère ? L’as-tu connu au moins ?

Lù hésita :

— Elle est morte quand j’avais cinq ans.

— Et si elle s’était trompée ? Tu prends leur vie à des animaux et à des humains sur les affirmations d’une unique personne que tu as mal connue ?

— Grand-mère la connaissait bien.

Néanmoins, elle paraissait troublée alors Andiberry enchaîna :

— Réfléchis bien, Lù. Si tu as raison, alors tes actions n’ont pas d’incidence, mais si jamais il y a juste une toute petite chance que Mock n’existe pas, alors tuer cet enfant fera de toi une meurtrière.

 

55.

 

Plus la naissance de l’enfant de Patie se rapprochait, plus Lù semblait nerveuse ; elle avait l’air épuisée et errait comme une âme en peine. Sa sœur, enceinte jusqu'aux dents passait la plupart de son temps sur le canapé à tricoter quand elle n’était pas en train de réparer un nouveau moteur.

Lù accomplissait sa part de travail, mais disparaissait souvent pendant de longues heures et Andiberry devinait où : pour oublier son anxiété, la cadette se jetait à corps perdu dans la découverte du monde de l'autre côté de la faille.

Comme Radje semblait très détendu à l’idée que Lù courût des univers inconnus toute seule et que Berry le lui reprochait, le sylphe répondit :

— Et s’il lui arrive quelque chose ? Eh bien quoi ? Cela fera comme son arrière-grand-père, elle se réincarnera dans le prochain nouveau-né de la Famille et ça tombe bien, on en a justement un en stock.

— Mais il lui faudra encore de nombreuses années pour grandir !

— Cela te pose un problème, mais il n’en est pas de même pour moi : j’ai tout le temps qu’il me faut.

D'accord. Si tout le monde le prenait de cette façon… la seule chose qu’il pouvait faire était d’accompagner Lù dans sa folie. Comme il lui parlait des autres univers qu’ils pourraient essayer de numéroter et de consigner par écrit, Lù répondit :

— Nous devrions nous concentrer sur le premier monde pour l’instant. Explorons-le d'abord et nous verrons par la suite. J’ai appris des tas de nouvelles choses et j’ai volé des objets aussi.

— Tu ne devrais plus y aller sans moi maintenant.

— Je suis assez grande pour ne pas avoir besoin de ton autorisation. Tu veux savoir ce que j’ai trouvé ou pas ?

— Tu sais bien que oui.

Elle sortit d’une malle plusieurs rouleaux de parchemin noirâtre sur lesquels était imprimé de façon très nette un alphabet qui ressemblait au leur, mais sans accent, ainsi que des coquillages de plusieurs tailles et un fruit violet inconnu.

— Ça, c’est leur monnaie, je crois, mais je ne sais pas bien si j’ai volé une grosse somme ou pas. C’est peut-être une énorme bêtise, mais ça pourrait aussi nous aider. Au pire, on changera de monde.

— Bonne idée, comme ça on ne rentrera jamais chez nous.

Elle ignora son ton ironique :

— Il faudra trouver une excuse pour nous éclipser quelques jours sans éveiller les soupçons, comme aller livrer des céréales dans la ville la plus proche, par exemple. À la place nous traverserons la faille et cette fois, nous nous mêlerons à la population locale.

— En admettant que la ville flottante soit toujours là.

— Elle se déplace très lentement maintenant, elle fait des escales. Nous avons encore le temps et dans le cas contraire, nous marcherons jusqu’à ce que nous trouvions quelque chose.

Elle parlait d’un ton sûr, mais son visage était émacié.

— Il faut que tu arrêtes de faire des escapades et que tu dormes plus.

Elle leva vers lui des yeux gris bouffis de fatigue.

— Je n’y arrive pas. Je mens à ma famille et je vais devoir me dénoncer, même s’il y a un risque qu’ils me tuent. Ma grand-mère pourrait s'imaginer que son père a fini par se réincarner à travers moi, malgré mon sexe.

— Ce serait une folie de leur dire la vérité ! Nous ne sommes peut-être pas obligés d’en arriver à de telles extrémités. Pourquoi ne… pourquoi ne pas kidnapper l’enfant et fuir dans le premier monde qui vient ?

Elle sembla plus pâle encore.

— En laissant tout ?

Elle secoua la tête, mais Andiberry continua :

— Ne perds pas espoir, j’ai une autre idée !

 

56.

 

Très chères grand-maman, maman et Patie,

Je suis vraiment désolée d’avoir quitté la maison sans vous dire au revoir, mais il le fallait.

Je reviendrai bientôt et j’espère que la naissance se déroulera bien en mon absence.

 

Il y a quelques mois, j’ai découvert que j’étais capable d’ouvrir des failles entre les univers, comme le faisait le géniteur de grand-maman et je n’ai pas osé vous en parler, car j’ai eu peur que vous ne pensiez que cet homme s’était réincarné en moi et que j'allais petit à petit redevenir lui.

Je ne sais pas très bien comment vous prouver que ce n’est pas le cas. J’ai toujours la sensation d’être moi, mais certaines choses sont bizarres : je ne peux pas me séparer de mon chapelet et je crois que je ne grandirai plus ni ne vieillirai.

Monsieur Richter vient aussi et il veillera sur moi.

Nous reviendrons de nuit dans trois semaines. Si vous souhaitez me recevoir telle que je suis à présent, allumez une bougie derrière la fenêtre de la cuisine. Dans le cas contraire, laissez la bougie éteinte, je comprendrai le message et je quitterai cet univers pour ne plus revenir.

Concernant l’enfant de Patie : je vous prie de lui laisser la vie sauve, peu importe son sexe, car le pouvoir de mon arrière-grand-père est à moi à présent et il ne hantera plus les autres enfants de cette famille.

Je vous aime toutes tendrement et j’espère que nous nous retrouverons bientôt.

 

Lùshka.

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Rimeko
Posté le 05/02/2017
Coucou à nouveau !
L'escargot asthmatique a pris sa ventoline :D J'ai fini l'interlude et j'ai lu un chapitre de la partie II ce matin, je vais essayer de pas traîner avec les commentaires...
 
Suggestions :
"Il se souvint de ce jour il y a quelque(s) mois où il avait fait ce rêve érotique"
"Ces quelques jours de répit étaient les bienvenues (bienvenus)."
"Maintenant, elle n’est plus vraiment là. Mock (Mokh, non ?) a dû lui trouver une place plus belle."
"Lou essayait de toutes ses force(s) d’attraper quelque chose dans l’air."
"Je vais devoir me dénoncer à ma famille même si il (s'il) y a un risque qu’ils me tuent."
 
Cette famille est quand même bien cheloue o.O Patie, elle voulait vraiment juste tomber enceinte ? Même en sachant que son enfant risquait d'être tué s'il naissait mâle ? La mère de Lou aussi me fait de la peine, je me demande s'il ne lui est pas arrivé "plus" que la perte de ses frères... (ce qui est déjà bien tragique en soi, avouons-le :P)
Ton univers me plaît toujours autant ! Que ce soit les sylphes et leur mode de fonctionnement différent, ou ce monde n°2 qu'on commence à entrevoir... ça m'intrigue ! (Et puis le travail de background que tu dois faire, mon dieu...)
Cette fin me rend un peu triste, j'espère que la bougie sera allumée quand ils rentreront ! (... S'ils rentrent.) En tous cas, ça semble la seule solution possible, c'est crédible !
GueuleDeLoup
Posté le 05/02/2017
Me revoilàààà!
Oui cette famille est chelou et oui, Pathie voulait être enceinte. Poue elle, comme tuer un garçon, c'est juste tuer une réincarnation de son père, en gros c'est pas grave. Quadn à la mère de Lù, je ne suis pas bien sûr de ce qui lui est arrivé. J'aime bien garder des zonesoù je ne sais rien, c'est reposant.
En tout cas merci. Quand à la bougie, tu connais déjà la réponse à présent ^^.
Dan Administratrice
Posté le 14/11/2016
RECOUCOU.
Aaah je me demandais si le collier était un simple objet symbolique ou s'il pouvait avoir plus d'importance que ça (en fait je me demandais jusque-là si c'était Lou qui avait « stocké » un peu de son pouvoir dans le chapelet ou l'inverse) ; je suis contente d'en apprendre plus ! Aha ben du coup je vois avec les notes de Berry qu'on se pose exactement les mêmes questions :p Mais il en a une troisième et la troisième hypothèse est intrigante aussi, hmmm…
Ah ! Et je me suis rendu compte qu'à chaque commentaire j'oubliais de parler d'un truc crucial de cet interlude : Dieu. On avait déjà mentionné l’œil mais je crois que c'est la première fois qu'un personnage évoque directement l'existence d'une entité « supérieure », même si ce n'est pas un dieu comme le nôtre et qu'il aurait une présence physique dans un monde. C'est assez intéressant parce que même si ça introduit la notion de religion dans l'histoire, ça dit rien sur l'existence ou non de l'âme ou de l'esprit, puisque Mokh serait de chair et de sang lui aussi. Du coup ça promet une quête passionnante si Lou cherche à trouver le monde où il vit ! (tu feras gaffe par contre, des fois tu l'écris Mock et des fois Mokh alors on sait plus quelle orthographe est la bonne)
« Ils voulurent descendre jusqu’au rivage, mais dès qu’ils furent en vue de l’eau, ils se jetèrent à plat ventre à toute vitesse. » j'ai pas compris cette action-là ? C'est la surprise qui les fait se jeter à plat ventre ?
« Ah mais il avait oublié : celui qui pense qu’il va se réincarner a moins de raison de craindre la mort. » Il parle de Lou ? Donc elle a déjà déduit qu'elle avait hérité de TOUT le pouvoir de Cerf ? Ça la fait pas plus baliser que ça de savoir qu'elle peut se réincarner ?
Radje, toujours au bon endroit au bon moment xD Faut qu'il arrête de troller celui-là ! Mais dis donc, il a l'air carrément métamorphosé depuis qu'il sait que Lou peut l'aider ! Il serait pas un peu bipolaire ce mec-là ? XD Plus sérieusement c'est très intéressant de voir son revirement, et de comprendre un peu plus directement comme leur vie est régie. T'arrives vraiment bien à les mettre à part des humains sans pour autant qu'on soit complètement hermétiques à leur façon d'être et à leurs motivations, chapeau !
«  Mais il suffisait d'avoir cinq ans pour connaître le nom de Siamanalasca » du coup c'est un peu dommage qu'on l'ait jamais entendu nulle part, non ? (ou alors j'ai complètement zappé ?) Mais jusque-là tu fais super attention à ce que tout soit lié et du coup une info comme ça a subitement l'air un peu catapultée ^^'
Quand Lou parle à Berry de ses découvertes sur la langue de l'autre monde, ça ne l'inquiète même pas un peu qu'elle y soit retournée sans lui ? Certes c'est pas un bébé mais jusque-là ils faisaient quand même attention à y aller ensemble en cas de pépin et je le trouve très serein subitement à l'idée qu'elle y crapahute quand il a le dos tourné… (Et du coup je trouve qu'il se réveille bien tard pour accuser Radje de la laisser vagabonder, parce que Berry lui-même a pas fait la leçon à Lou quand il a compris qu'elle y était retournée sans lui)
J'ai beaucoup aimé le petit passage entre Lou et Taïriss ; ça compromet un peu les hypothèses de grande histoire d'amour pour le moment, mais c'est que le début. Il est vraiment touchant à vouloir toujours bien faire et à s'empêtrer dans sa maladresse. Et qu'il veuille faire ça pour elle, et pas pour lui (en même temps pour un robot, ça peut se comprendre par sa programmation j'imagine). Et puis j'aime ce que tu montres de Lou et la façon dont on l'aborde « dans ce pays, on n’aime pas les femmes qui aiment trop les hommes. », c'est bien comme ça chez nous aussi et je trouve que c'est un point très important à aborder, surtout pour un personnage comme Lou dont on sait déjà qu'elle a eu plein de mecs (et normal vu sa longévité, mais ça pourrait être normal de toute façon même si elle avait vécu que 80 ans parce que zut, on a le droit d'aimer les zézettes).
«  une cité en guerre que Lou n’avait finalement pas ouverte » comme là on comprend que c'est la cité ou la guerre que Lou n'a finalement pas ouverte j'ai eu un instant de bug, peut-être reformuler pour que ce soit plus clair ?
«  -Je ne sais pas. Je n’ai pas réussi à ouvrir deux fenêtres qui donnaient sur le même monde. Radje dit que le Marionnettiste n’y est jamais parvenu.
Andiberry se laissa choir sur le banc de bois qui jouxtait le potager :
    -Tant que ça ? » là aussi y'a un peu de flottement parce que quand Lou dit que Cerf a pas réussi à ouvrir deux fenêtres sur le même monde on peut croire que c'est une règle du pouvoir (pas possible de faire deux portails simultanément vers la même destination) plutôt qu'une question de probabilité.
Y'a un truc dont je suis pas tout à fait sûre dans la chronologie : depuis quand Lou a le pouvoir de Cerf ? Depuis qu'elle a arrêté de vieillir ? Donc presque dix ans ? Ça voudrait dire que Patie était déjà enceinte y'a dix ans pour avoir eu un fils qu'il a fallu tuer pour éviter que Cerf se réincarne ?
En tout cas c'était assez fort de voir Lou se décomposer sur la fin ; à cause de la fatigue et des aventures mais aussi à la perspective qu'elle ait tué un enfant pour rien. C'est le genre de choses qui risque de la hanter longtemps et du coup je trouve sa lettre d'au-revoir vraiment touchante, sans grande envolée lyrique et larmoyante, mais juste, quoi ♥ J'ai hâte de découvrir si oui ou non elle va revenir et comment sa famille l'accueillera, même si j'ai un mauvais pressentiment là-dessus (et sur tant d'autres choses ahahaha *rire nerveux*)
Des bisous sur tes orteils et à très vite !
GueuleDeLoup
Posté le 14/11/2016
Aaah je me demandais si le collier était un simple objet symbolique ou s'il pouvait avoir plus d'importance que ça (en fait je me demandais jusque-là si c'était Lou qui avait « stocké » un peu de son pouvoir dans le chapelet ou l'inverse) ; je suis contente d'en apprendre plus ! Aha ben du coup je vois avec les notes de Berry qu'on se pose exactement les mêmes questions :p Mais il en a une troisième et la troisième hypothèse est intrigante aussi, hmmm…
A vrai dire, ça a été un vrai problème cette histoire d'objet. J'ai beaucoup hésité à l'enlever à vrai dire. Mais c'est tellement un collier que Lou se traine depuis un moment que j'avais du mal à supprimer le concept. Mais du coup ses questions sont posées et j'annonce d'avance que je n'y répondrai pas complètement. Il fait parti du pack "magie" que je n'ai pas envie de me ridiculiser à expliquer ;). Mais le chapelet a une sorte de "volonté" que je met en mot de cette façon:
"C'est le chapelet qui choisit son Pilier Mr Potter..."
Ah ! Et je me suis rendu compte qu'à chaque commentaire j'oubliais de parler d'un truc crucial de cet interlude : Dieu. On avait déjà mentionné l’œil mais je crois que c'est la première fois qu'un personnage évoque directement l'existence d'une entité « supérieure », même si ce n'est pas un dieu comme le nôtre et qu'il aurait une présence physique dans un monde. C'est assez intéressant parce que même si ça introduit la notion de religion dans l'histoire, ça dit rien sur l'existence ou non de l'âme ou de l'esprit, puisque Mokh serait de chair et de sang lui aussi. Du coup ça promet une quête passionnante si Lou cherche à trouver le monde où il vit ! (tu feras gaffe par contre, des fois tu l'écris Mock et des fois Mokh alors on sait plus quelle orthographe est la bonne)
Ah oui, je me mange toujours dans les orthographes ^^. Dans l'ensemble, je ne parlerai pas du tout de l'âme ou de l'esprit parce que ça répondrait à une question que je veux que mes lecteurs continuent à se poser: un robot peut-il être l'égal d'un humain ou non?
« Ils voulurent descendre jusqu’au rivage, mais dès qu’ils furent en vue de l’eau, ils se jetèrent à plat ventre à toute vitesse. » j'ai pas compris cette action-là ? C'est la surprise qui les fait se jeter à plat ventre ?
Je peux éclaircir ça. c'est parce qu'ils ont vu des gens au loin.
« Ah mais il avait oublié : celui qui pense qu’il va se réincarner a moins de raison de craindre la mort. » Il parle de Lou ? Donc elle a déjà déduit qu'elle avait hérité de TOUT le pouvoir de Cerf ? Ça la fait pas plus baliser que ça de savoir qu'elle peut se réincarner ?
Et bien elle ne vieillit plus comme lui et elle ouvre des faille comme lui. Donc ce serait logique. Et ça travaille Lou mais elle ne le partage juste pas avec Berry. Mais je pourrais rajouter une scène courte là-dessus, c'est vrai que c'est important.
Radje, toujours au bon endroit au bon moment xD Faut qu'il arrête de troller celui-là ! Mais dis donc, il a l'air carrément métamorphosé depuis qu'il sait que Lou peut l'aider ! Il serait pas un peu bipolaire ce mec-là ? XD Plus sérieusement c'est très intéressant de voir son revirement, et de comprendre un peu plus directement comme leur vie est régie. T'arrives vraiment bien à les mettre à part des humains sans pour autant qu'on soit complètement hermétiques à leur façon d'être et à leurs motivations, chapeau !
Bah en fait Radje a fait un pacte avec Cerf parce qu'il était ce Pilier donc maintenant que Lou a prit sa place il est content (il était pas très content quand Héquinox a tué Cerf).  
Ca a été une vraie prise de tête pour trouver un objectif aux sylphes. Mais je trouvais ça vraiment intéressant de sortir du concept très biologique sur notre planète du manger/boire/baiser/dormir/se protéger. Du coup, bah voilà XD. en plus en tre nous, c'est très pratique parce que les sylphes peuvent recevoircomme mission des choses complètement WTF donc ils sont très difficiles à manipuler. Ce ne sera pas si éviedent dans VN mais si j'écrit le préquel sur la guerre, j'ai super envie de créer des retournements de situation pour les raisons les plus farfelues XD.
«  Mais il suffisait d'avoir cinq ans pour connaître le nom de Siamanalasca » du coup c'est un peu dommage qu'on l'ait jamais entendu nulle part, non ? (ou alors j'ai complètement zappé ?) Mais jusque-là tu fais super attention à ce que tout soit lié et du coup une info comme ça a subitement l'air un peu catapultée ^^'
Oui, c'est vrai que je pourrais évoquer siam quand Andiberry raconte son gros résumé dans le chapitre 4. 
Quand Lou parle à Berry de ses découvertes sur la langue de l'autre monde, ça ne l'inquiète même pas un peu qu'elle y soit retournée sans lui ? Certes c'est pas un bébé mais jusque-là ils faisaient quand même attention à y aller ensemble en cas de pépin et je le trouve très serein subitement à l'idée qu'elle y crapahute quand il a le dos tourné… (Et du coup je trouve qu'il se réveille bien tard pour accuser Radje de la laisser vagabonder, parce que Berry lui-même a pas fait la leçon à Lou quand il a compris qu'elle y était retournée sans lui)
Je peux insister aussi là-dessus. Dans l'ensemble, Berry n'a pas vraiment d'autorité sur Lou donc elle l'enverra chier. Mais ça a du sens qu'il essaie.
J'ai beaucoup aimé le petit passage entre Lou et Taïriss ; ça compromet un peu les hypothèses de grande histoire d'amour pour le moment, mais c'est que le début. Il est vraiment touchant à vouloir toujours bien faire et à s'empêtrer dans sa maladresse. Et qu'il veuille faire ça pour elle, et pas pour lui (en même temps pour un robot, ça peut se comprendre par sa programmation j'imagine).
 Oui, 
Et puis j'aime ce que tu montres de Lou et la façon dont on l'aborde « dans ce pays, on n’aime pas les femmes qui aiment trop les hommes. », c'est bien comme ça chez nous aussi et je trouve que c'est un point très important à aborder, surtout pour un personnage comme Lou dont on sait déjà qu'elle a eu plein de mecs (et normal vu sa longévité, mais ça pourrait être normal de toute façon même si elle avait vécu que 80 ans parce que zut, on a le droit d'aimer les zézettes).
Objectivement, on peut dire que Lou aime les Zézette, même en dehors de sa longévité :p.
«  une cité en guerre que Lou n’avait finalement pas ouverte » comme là on comprend que c'est la cité ou la guerre que Lou n'a finalement pas ouverte j'ai eu un instant de bug, peut-être reformuler pour que ce soit plus clair ?
Oui, pas de soucis ^^.
«  -Je ne sais pas. Je n’ai pas réussi à ouvrir deux fenêtres qui donnaient sur le même monde. Radje dit que le Marionnettiste n’y est jamais parvenu.
Andiberry se laissa choir sur le banc de bois qui jouxtait le potager :
    -Tant que ça ? » là aussi y'a un peu de flottement parce que quand Lou dit que Cerf a pas réussi à ouvrir deux fenêtres sur le même monde on peut croire que c'est une règle du pouvoir (pas possible de faire deux portails simultanément vers la même destination) plutôt qu'une question de probabilité.
Pareil, je peux retoucher :).
Y'a un truc dont je suis pas tout à fait sûre dans la chronologie : depuis quand Lou a le pouvoir de Cerf ? Depuis qu'elle a arrêté de vieillir ? Donc presque dix ans ? Ça voudrait dire que Patie était déjà enceinte y'a dix ans pour avoir eu un fils qu'il a fallu tuer pour éviter que Cerf se réincarne ?
Lou a le pouvoir de Cerf depuis qu'elle a 15 ans, mais elle ne s'en rendait pas compte. Donc ils ont surtout tué des bébés parfaitement innocent <3. En plus c'est celui que Lou a tué <3.
En tout cas c'était assez fort de voir Lou se décomposer sur la fin ; à cause de la fatigue et des aventures mais aussi à la perspective qu'elle ait tué un enfant pour rien. C'est le genre de choses qui risque de la hanter longtemps et du coup je trouve sa lettre d'au-revoir vraiment touchante, sans grande envolée lyrique et larmoyante, mais juste, quoi ♥ J'ai hâte de découvrir si oui ou non elle va revenir et comment sa famille l'accueillera, même si j'ai un mauvais pressentiment là-dessus (et sur tant d'autres choses ahahaha *rire nerveux*)
Un mauvaispressentiment, tout de suite les grands mots! Bon ben tu as fini l'interlude donc tu sais que ce pressentiment était d'une certaine façon justifé :)
 
Merci beaucoup beaucoup pour tes commentaire et frippouillage d'orteil sur toi et ta fille Wallie <3.
Elka
Posté le 02/10/2016
COUCOU.
Oh, la lettre de Lushka m'a fait bien de la peine :( Je ne peux qu'espérer qu'elles laisseront une bougie allumées, mais je ne peux m'empêcher de penser que ce ne sera pas le cas... Adêve a l'air bien marquée par ce qu'elle a vécu et Patie est tellement... froide, en fait. Au moins, cette sombre affaire de cresson aura détournée belle et bien l'attention de Berry !
Naturellement, pour que cela arrive ou non, il faudrait que leur voyage se déroule sans encombre. Radje ne pas les accompagner ? Parce que s'il y a un problème et que leur seule solution est de fuir de mondes en mondes... Il sera bien attrapé, le nudiste !
 Ma question technique du jour sera : comment les araignées ont réussi à tisser une toile à l'intérieur du cercueil ?
En tout cas je crois que j'ai mieux saisi cette histoire de Kin. Les sylphes sont de gros drôles avec leurs enfants en fait. C'est vraiment un peuple hyper original par ses moeurs, ses motivations et sa façon de vivre ! J'adore tous ces détails que tu ajoutes sur eux, c'est vraiment prenant. Ils ont l'air si semblables à nous et pourtant... !
Et ce nouveau monde pleins de créatures, j'ai hâte de voir ce que tu y as inventé !! 
La relation entre Berry et Lou est vraiment chouette. On a beau savoir qu'elle l'aime toujours, comme on reste surtout du point de vue de Berry, on a une espèce de complicité très innocente qui se tisse. Ca fait un pallier très logique dans leur relation et l'évolution depuis le début est bien écrite !
Et puis Taïriss... Taïriss est parfait <3
C'est marrant parce que je ne le trouve pas niais comme tu le décris si bien. Il est très ailleurs et mélancolique, mais je n'ai pas encore connu sa niaiserie (mais même, je l'aime <3)
Je me rends compte que ça ne fait peut-être pas un commentaire très constructif, et je m'en excuse, mais j'aime vraiment vraiment beaucoup très fort <3
A vite !
GueuleDeLoup
Posté le 02/10/2016
Je suis siiiiiii en retaaaaaard!!!
Mwalors pour commencer je suis contente que tu ais l'air d'avoir de l'empathie pour Lushka parce que mine de rien elle est chiante cette petite et que je m'inquiétais pour son avenir X).
Et comme tu le sais à présent, ils ont laissé Radje de côté, il ne passe pas suffisament inaperçu le bougre.
Pour la question à dix dollars: la sylphe endormie respire donc elle a besoin d'air= il y a un passage où les araignées peuvent passer pour entrer dans le cercueil \\o/.
"Les sylphes sont de gros drôles avec leurs enfants en fait" en fait je crois que ce sont un peuple de drogués ;p. J'ai vachement cogité sur eux. Je voulais vraiment qu'ils aient des objectifs de vie totalement illogiques pour les humains et qui sorte totalement du cycle de mort et reproduction.
"Taïriss est parfait <3" OWI
Je dis qu'il est niais mais ce n'est pas vraiment ça. Ca ne se voit pas encore mais c'est un personnage avec plein de beau principes parce que le shumains l'ont programmé avec une morale +++. 
Des gros bisous (et à demain <3)
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