— Respirez profondément, tout va bien se passer.
Un long frisson dévale mon échine. Les lèvres de mon compagnon dans mon dos effleurent la peau nue de mon cou. À chacun de ses mots, je peux entendre le sourire dans sa voix, la délicatesse de son timbre. Pourtant, il y a aussi l’impatience, la faim tapie dans la lueur des bougies qui vacille. Habiles, ses doigts taquins défont le cordage complexe de mon corset et m’en libèrent.
Je le sens parfois un brin moqueur, quand ses ongles effleurent des zones plus sensibles de mon corps. Un soupire d’aise s’échappe de mes lèvres, et mon être se détend au rythme lent des caresses de mon amant sur ma peau. Je brûle d’envie de me tourner vers lui, pour voir son visage, me repaître de l’opalescence de sa carnation rendue plus fantasmagorique par les rayons de la lune qui viendraient caresser ses joues... mais me contente de ses jambes autour de moi.
Je ne maîtrise pas le rire qui s’élève quand il flatte ma gorge de quelques baisers aussi légers que les ailes d’un papillon. Je sais ce qu’il cherche à faire ; me délasser, imposer à mon esprit une sérénité qui lui échappe. L’appréhension reste encore sourde, et si je crois bien la maîtriser, elle s’enroule lentement autour de moi, comme un insidieux serpent. Je l’interroge du bout des lèvres :
— Est-ce douloureux ?
La lumière vacillante des flammes projette d’étranges formes sur les murs tapissés de sa chambre, rendant les saynètes plus mystérieuses. Je me perds un instant sur la représentation d’une chasse à courre avant de soupirer. Il en met du temps à répondre !
— Ne cherchez pas à me ménager ! rouspété-je.
— Vous ménager ? Pas du tout.
Jamais sa voix ne s’élève plus haut qu’un murmure délicieusement modulé, mais cette fois, même dans le silence qui règne dans la pièce, je dois tendre l’oreille pour l’entendre. Le voilà qu’il se plonge à nouveau dans ses réflexions et je hausse un sourcil, les bras croisés sur ma poitrine.
— Semblable à une piqûre… poursuit-il enfin.
Sa voix posée vibre délicieusement dans sa gorge et je souris, dans l’attente de la suite de sa phrase, qui ne vient pas. Le silence, de nouveau, nous enveloppe. Ses doigts cessent de jouer sur ma peau. Ses lèvres s’approchent de mon oreille.
— Nous pouvons tout arrêter maintenant, si vous le désirez. Je ne peux vous promettre que ce soit sans douleur, mais je peux vous faire oublier que cela ne soit jamais arrivé.
— Non ! m’exclamé-je avec une véhémence qui me surprend moi-même. Non. Oublier cet instant serait dénier ce que vous êtes et trahirait la force de mes sentiments pour vous. J’en souffrirai, tout autant que vous.
L’appréhension n’a pas sa place ici, quand bien même il s’agisse de la première fois. Je refuse qu’il exerce sur moi un tel pouvoir. Je ne suis pas une de ces ribaudes dont il se sert parfois pour assouvir ses besoins, et souhaite ardemment me rappeler chacun des instants intimes que nous partageons, sous le regard tranquille de la Lune. Elle seule a le droit de se souvenir de cet instant, en dehors de moi.
— Si tel est votre désir.
Une douce chaleur se diffuse dans mon estomac, qui se contracte. Mes cuisses se serrent et je garde sagement mes mains devant moi, tripotant le revers du veston qui recouvre mes jambes nues. Son souffle, factice, m’arrache un nouveau frisson, à l’instar de ses doigts qu’il presse sur ma peau. Si avec le temps, je devrais m’y habituer, il est des moments tels que celui-ci qui me rappellent à quel point lui et moi sommes différents. Je peux l’admettre sans rougir : il me manque parfois la chaleur d’une étreinte. Notre relation, cependant, va bien au-delà des plaisirs charnels qu’il peut m’offrir. Elle est faite de poésie et de rêve, et de cette éternité que je désire pour rester à ses côtés.
Je n’oublie pas sa proposition. Celle-ci demeure dans un coin de mon esprit, mais nous sommes patients, conscients l’un comme l’autre que rien ne peut être encore accompli tant que je n’ai pas fait mes adieux à mes parents et à ma vie. Je songe à ma mère, à qui je vais assurément briser le cœur. Mais, je ne peux rester comme eux, alors que je ne désire que le suivre où qu’il aille. Mes yeux se perdent sur les voilures blanches du lit, sur l’escabelle en merisier sur laquelle repose le livre que je lisais en attendant sa venue. Ses ongles frôlent ma peau et font glisser le velours de ma robe. Je frissonne, et mon corps à nouveau se tend.
— Avez-vous… froid ?
Son inquiétude m’amuse, et je me sens d’humeur mutine.
— Faut-il que vous m’aimiez pour vous soucier de la température de la pièce quand le seul coupable de mes frissons, c’est vous ?
— Ne vous ai-je jamais caché mes sentiments à votre égard ?
Un sourir, qu’il ne verra pas, peint mon visage de taquinerie et de malice. Mes doigts galopent sur ce bras qui m’entoure.
— Vous ne pourriez cacher plus grand secret dans la pénombre de la nuit. Je ne suis pas la première à être tombée dans vos bras, et la nuit est encore jeune. Qui sait si vous ne dispensez pas vos mots doux à toutes les femmes de la cour ?
— Quelle audace ! s’esclaffe-t-il.
— J’ai eu un bon professeur en la matière.
Son léger rire reste en suspens dans les airs, avant de s’éteindre dans le silence. Ses dents effleurent désormais la chair de mon épaule. J’inspire profondément, pour m’astreindre au courage. Je remue, pour me réinstaller correctement et ses doigts me serrent un peu plus. Son sourire fane contre ma peau.
— Cessez donc de bouger !
Sa voix a des accents plus impérieux et je me fige contre ma volonté. L’espace d’un bref instant, je me sens aussi étourdie qu’une abeille devant une fleur. J’étais prévenue, il me l’avait dit. Ses désirs plus triviaux risquaient de s’imposer à moi. L’étrange état de fascination dans lequel je me retrouve s’évapore au bout de plusieurs longues secondes, comme une brume qui se dissipe sous les rayons du soleil.
Je n’ai pas besoin de me retourner pour comprendre qu’il est en train de perdre son duel intérieur contre la Bête. Sa vraie nature écrase son humanité qu’il désire tant conserver, déchire l’homme que je connais jusqu’aux entrailles pour libérer un être terrible, assoiffé de sang. Alors qu’il approche ses canines de mon cou, je comprends désormais pourquoi il tient tant à me préserver de ce monstre, et la peur m’étreint.
Pourtant, je sais qui il est ; charmant, patient, raffiné, intelligent... philanthrope également. Il n’y a qu’à voir les gens d’ici. Contrairement à Orléans, où les indigents se cachent dans les recoins les plus sombres de la ville, ici, tous trouvent du travail, ont de quoi manger. Ils sont heureux, et Solal est bon seigneur.
Il suffit aussi de constater la prévenance de ses mots et de ses gestes à mon égard, que cela aille des présents qu’il m’offre ou au fait qu’il m’encourage sans rougir dans des loisirs d’hommes, comme la chasse à courre. Alors oui, j’abhorre déjà jusqu’à l’idée que cet homme doive se soumettre à ses besoins de manière aussi triviale. Si je suis sortie de cet état de fascination, Solal met un peu plus de temps à chasser son instinct. Il se remet à bouger, caresse doucement mes bras, avec la légèreté d’une plume. Il s’excuse, à mon oreille, m’assure que ce n’était pas volontaire. Et je le crois.
Sa main serre délicatement la mienne quand la brûlure de la morsure m’arrache un gémissement incontrôlé. Mes ongles se plantent cruellement dans sa peau, comme ses crocs dans mon cou. Ça ne serait pas plus douloureux qu’une piqûre, disait-il ! J’ai pourtant la sensation qu’on flagelle mon épaule d’une multitude de ronces sans aucun ménagement. Quelques larmes pointent au coin de mes yeux et, lentement, comme les vagues d’un océan déchaîné, l’inconfort recule. Quelques-unes de ses mèches d’albâtre glissent sur ma poitrine, mais je préfère le contact de sa peau sur la mienne. D’une pression, je lui réclame un contact plus important.
Je sens dès lors la ligne de ses muscles contre mon dos, les battements un peu plus rapides que d’ordinaire de son cœur. Je m’enorgueillis de ce léger détail et m’abandonne dans son étreinte. Sa main glisse sur ma gorge, tandis qu’il me fait pencher la tête sur le côté. Le désir, impérieux, brutal, impose sa marque sur nous. Sa prise se raffermit sur moi, ses ongles me donnent la sensation de griffes qui veulent lacérer ma peau. Son esprit s’éloigne, comme si sa fragile humanité manquait de voler en éclat à chaque gorgée qu’il prend. Le besoin de le faire revenir à moi se fait pressant alors que des stries rouges marquent mon bras. Ce n’est pas Solal, que j’appréhende, mais la Bête qu’il m’a toujours décrite comme le pire démon que la Terre ait pu porter.
— Solal ?
Des taches noires piquent mes yeux, mes oreilles vibrent douloureusement. Une peur panique s’empare de moi alors que je crains qu’il ne se maîtrise plus. Maintenue contre lui, comme un papillon piégé dans une toile d’araignée, je tente de me soustraire à son emprise, mais chaque gorgée emporte un peu plus de ma vitalité. Je peine à poser ma main sur son avant-bras, pour l’écarter de moi. Je me sens faible ; ses cheveux blancs tombent autour de moi à l’instant où un voile noir s’abat sur mes yeux.
— Sol...
Je suis profondément en panique face à la réaction de Solal et en même temps : j'aime tellement. Je t'avoue que je m'attendais à ce que ca parte en slip tout ça, mais je t'avoue que je m'y attendais pas de cette manière.
Mais j'adore. J'adore le fait qu'on montre un vampire comme un être sanguinaire : parce qu'il a beau ne pas être méchant sous Solal : et bien il reste vampire et ca le rend d'autant plus réaliste (ce qui est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle j'adore tes histoires c'est le vraisemblable du caractère et de la psychologie de tes persos)
Le début très sensuel était super bien maîtrisé, j'étais a fond dedans !
BREF. J'ADORE.
Mais ça tu le sais déjà
(Très très heureuxse de reprendre la lecture bye the way, tes histoires m'avaient manqué ;; <3)
Et oui, c'est un vampire et c'est un aspect qu'il faut pas oublier !
En tout cas, je suis contente que ça te plaise !
Ces deux personnages sont toujours aussi mystérieux, même si maintenant, on a quand même un nom et l'indice des cheveux blancs (mais est-ce un vrai indice ou bien une fausse piste, mystère mystère)
Tu verras ce qu'il en est par la suite (j'ai toujours l'impression de dire la même chose jpp XD)
Je les trouve super mignons mais la malédiction bouffe bébé Solal :sob: J'ai peur de ce qui va arriver en vrai ;-; J'espère que Solal réussira à reprendre le contrôle et à s'arrêter à temps avant de vider la narratrice de son sang.
J'ai hâte de lire la suite en tout cas !
Oui vous savez qui oui
Après je te rassure, là, ça va ! Bébé Solal a été plus fort ! (oui je peux le dire c'est en off haha)
J'suis tellement contente que tu aimes encore ;-;