— Respire profondément, ça va aller !
La différence entre les d’Argant et la famille Pelletier, c’est la façon qu’ils ont de s’adresser à moi. Enfin, Hyacinthe use du vouvoiement, mais il n’en est pas de même pour son époux ou même leurs enfants. Cette réflexion bien cocasse me saisit entre deux nausées, tandis que mes doigts cherchent à s’enfoncer dans le métal de la rambarde de sécurité du pont.
Rose Pelletier, la fille aînée de la famille, me considère avec un certain amusement. Ou alors, ce n’est pas Rose, mais sa jumelle, Iris ? Je cligne des yeux, mais ma tentative de les différencier se révèle vaine : un puissant haut-le-cœur soulève mon estomac.
— Surveille-la, Iris, je vais chercher Narcisse.
« Perdu. La prochaine fois sera la bonne ! » La voix d’Edouard me paraît si distordue, si lointaine. Les vagues s’écrasent contre la coque du bateau et le vent charrie la vapeur du vaisseau, qui me revient en plein visage. Je ne vois même pas le départ du père de famille à travers le voile brumeux de mon regard et reste désespérément penchée au-dessus de la rambarde.
La demoiselle, de deux ans ma cadette, s’appuie contre la rampe, les bras croisés. Ses longs cheveux sont malmenés par le vent et accentuent l’effet de balancier qui me rend malade. Des sueurs froides souillent mon chemisier, en même temps qu’une intense bouffée de chaleur monte à mes joues. Des taches noirs piquent ma vision, et je dois réunir le peu d’énergie qu’il me reste pour rester sur mes deux jambes. Je pose ma main sur mes lèvres. Ma salive, chaude et plus abondante que d’ordinaire, a un goût salé. Ou alors c’est mon nez qui est totalement obstrué par l’odeur de l’océan ? Mes doigts se crispent un peu plus sur le bastingage quand Iris, aussi brune que sa mère, se penche vers moi :
— Vomir, ça aide à se sentir mieux. Et puis, il paraît que le mal de mer passe avec le temps. Tu veux que je te montre ?
— Me montrer… quoi ?
Le sourire mutin qui étire ses lèvres rosées me provoque une brûlure désagréable et un nouveau spasme agite mon corps. Pour l’heure, je demeure maîtresse de mon estomac et parviens à conserver le maigre repas que j’ai mangé là où il est – sur les conseils de mes employeurs. Iris réprime un petit rire moqueur, mais un raclement de gorge s’élève.
— Ne t’avise pas de te moquer, j’aimerais t’y voir ! avertit la voix d’un homme.
Profond et chaleureux, le timbre m’arrache un furieux frisson qui soulève le moindre poils de mes avant-bras. Si je n’étais pas déjà suffisamment pâle, je dois être pire qu’un linge délavé désormais. J’entends à peine ce que dit Iris, mes oreilles sifflant trop pour me permettre de comprendre. Une main tiède se pose dans mon dos.
— Il est mieux d’être au centre du bateau pour contrer cet inconfort, m’informe Narcisse.
Comment dois-je réagir alors que son bras se glisse sous mes jambes pour me soulever du sol ? Je me sens si honteuse et sale que je détourne le visage, ignorant de fait le sourire aimable du jeune homme. Il protège ma tête, lors de sa marche, et la sensation de n’être qu’une enfant me frappe de plein fouet. Hélas, la petite lionne que je suis se débat avec son estomac plutôt qu’avec sa fierté.
— Il n’y a aucune honte à avoir, nous ne sommes pas tous égaux face à la puissance de l’océan.
— Vos parents doivent songer avoir parié sur le mauvais cheval.
Un petit rire s’échappe de la gorge de Narcisse. La lumière du soleil se soustrait à mes yeux fatigués et je suis accueillie par la fraîcheur d’une cabine.
— Ne t’inquiète pas pour ça. Mère n’a guère eu besoin d’être convaincue par tes employeurs pour te choisir ; elle est un bon juge de l’âme humaine. Ne crains pas de la décevoir.
— Mais, je devais m’occuper de votre frère ! protesté-je d’une voix rauque.
Je m’accroche à sa chemise, mais ma poigne est faible et la nausée me submerge de nouveau. Je crains de salir le coton blanc du tissu et de couvrir Narcisse de honte et de vomissure. alors qu’il m’allonge sur un matelas peu confortable. Mais au moins, les draps sont frais et ça m’aide déjà à me sentir un peu mieux ! Je roule sur le côté, toujours aussi pâle. Narcisse s’installe sur une chaise près de la couchette et pose une main froide sur mon front. Ou alors, j’ai beaucoup de fièvre. Un petit sourire étire ses lèvres fines.
— Mes sœurs sauront s’occuper de Laurent le temps de la traversée. Tu dois d’abord te rétablir. Ça sera rapide une fois que tu auras retrouvé la terre ferme. De toute façon, on n’est jamais mieux sur terre que sur l’océan. Alors, cesse donc de te fustiger pour ça, personne ne t’en veux.
— C’est insupportable… J’ai l’impression… que ça bouge, dans tous les sens… Ça tangue tout le temps.
— Essaie de penser à autre chose, ça aidera à atténuer ton mal. À force d’imaginer des roulis, tu vas…
Je ne sais pas s’il a deviné. Je ne sais pas si quelque chose sur mon visage lui a lancé un signal suffisamment clair. Mais à peine eut-il coupé sa phrase que je me retrouvais le nez au-dessus d’un bac, à rendre ce que mon pauvre estomac ne pouvait finalement pas garder. Sa main dans mes cheveux, Narcisse retient mes longueurs pour éviter que je me souille plus encore.
La honte m’assaille sans vergogne et baisser mon regard n’est pas suffisant pour me soustraire à l’indignité qui m’assaille, ce n’est pas suffisant pour m’invisibiliser. Quelle honte d’être ainsi devant le fils aîné de mes nouveaux employeurs ! Un gémissement plaintif s’échappe de mes lèvres et je détourne le regard.
— Je reviens dans un court instant. Ne bouge pas !
— Vu mon état, je risque pas d’aller bien loin...
Il me lance un sourire amusé, mais ne répond rien. Il se lève et quitte la cabine, me laissant seule à mon mal-être. Je tente de retirer mon corset, mais mes bras pèsent une tonne. Chaque mouvement est compliqué et j’abandonne ma tâche ; l’élargir sera déjà plus agréable. J’ai tout juste la force de retirer mes chaussures et mes bas, avant de me glisser sous le drap. J’oscille entre les nausées et l’envie de dormir, même si c’est beaucoup moins intense que lorsque j’étais sur le pont principal du navire. Le retour de Narcisse dans la pièce m’empêche de sombrer.
— Nous n’arriverons que dans une demi-heure au port, en attendant, j’ai dit à Mère que je prendrai soin de toi.
En temps normal, j’aurai haussé un sourcil, mais là, je n’en ai même pas la force. Roulée en boule sous le drap, il dépose une couverture de plus.
— Tu ne dois pas attraper froid.
— Pourquoi vous voulez prendre soin de moi ? Ce n’est pas la première fois que je suis malade, je peux m’occuper de moi-même...
Narcisse me dévisage un instant, comme si je venais de dire la pire idiotie du monde. Une bien étrange expression passe dans ses iris sombres et ses lèvres s’entrouvrent. Il veut parler, mais semble se raviser. Ses mains plongent dans un bac d’eau qu’il a rapporté. Il y mouille un linge, qu’il essore, avant de le poser sur mon front.
— Je suis le plus à même ici à pouvoir prendre soin de toi, tu peux me faire confiance !
Même si je ne le voulais pas, je n’ai pas tellement le choix. Nous ne parlons pas. Entre moi qui suis malade et lui qui… qui quoi, d’ailleurs ? Je l’observe parfois, à la dérobée, mais je suis dans l’incapacité de déchiffrer les expressions dans son regard. Il écrit dans un carnet, me jette parfois un regard et vérifie ma température. Allongée, je me sens mieux. La sensation d’être ballotée de tous les côtés se calme, mes nausées s’amenuisent, mais mes paupières restent lourdes.
Narcisse n'a de cesse de m'observer du coin de l'œil, pose encore parfois sa main sur mon front.
— Comment te sens-tu ?
— J’ai l’impression que les vagues sont moins intenses. On arrive bientôt ?
Il hoche la tête, ses grands yeux noirs disparaissant derrière quelques mèches qui tombent sur son front. Je dois me rhabiller, mais n’oserai le faire tant qu’il reste dans la cabine. Mes joues chauffent, mes yeux fuient les siens et je joue avec l’ourlet de la couverture, tirant sur un fil comme s’il s’agissait de la chose la plus extraordinaire du monde. Je ne sais pas si, à mon silence, il comprend, mais Narcisse se lève et m’annonce dans un sourire :
— Je t’attendrai à l’extérieur de la cabine pour t’aider à traverser le bateau. Il serait dommage que tu tombes et que tu te blesses alors que nous sommes arrivés.
Et il referme la porte derrière lui, coupant net la salve d’embruns maritime qui a manqué de me donner de nouveau la nausée. Je regarde mes bas lâchement jetés au sol et si je parviens à me redresser, les attraper me semblent déjà plus compliqué. Un léger soupira passer la barrière de mes lèvres. Mes forces ne me sont pas tout à fait revenues, et je préfère m’économiser. Alors, je les fourre distraitement dans une poche de mon manteau, et bascule lentement hors du lit. Mes chaussures remises, je sors de la chambre à mon tour.
Narcisse, que je m’attendais à voir juste à côté de la porte, m’attends un peu plus loin, en grande discussion avec sa mère. Son visage est fermé et il frotte nerveusement une zone de son ventre, sous l’air courroucé de Hyacinthe. Les yeux plissés, elle lui parle à voix basse. Je m’avance dans leur direction, discrète, mais Hyacinthe me remarque très vite. Un large sourire étire ses lèvres :
— J’espère que vous allez mieux, Léonie ! Vous étiez blanche comme un linge.
— Oui, tout va bien, madame, la rassuré-je. Votre fils m’a prodigué les soins nécessaires et....
Hyacinthe ne se départit pas du sourire qui illumine son visage, mais je décèle un vague éclat de froideur dans son regard.
— Il n’a pas été assez rigoureux, me coupe-t-elle poliment. Prendre soin des autres est une tâche qui demande beaucoup de dévouement, vous en conviendrez.
Impossible de comprendre le regard qu’elle lance à son fils, qui relève le nez. Il soutient l’air étrange de sa mère, sans broncher un seul instant. Gênée, je peine à trouver ma place dans ce duel et baisse la tête, me faufilant entre les deux individus. Un bras, cependant, me rattrape. Quand bien même il ne me regarde pas, je sens tout le sérieux chez Narcisse rien qu’à sa poigne. Je déglutis, difficilement, alors qu’il m’entraîne finalement à sa suite. Je n’entends que la voix de sa mère s’élever :
— Nous reparlerons de tout ça plus tard, Narcisse. Quant à vous, Léonie, prenez congé pour ce jour. Je vous montrerai vos tâches dès demain matin.
Je me fige, forçant de fait Narcisse à s’arrêter. Ne travailler que demain ? Une grimace crispe mon visage et je glisse ma main libre sur ma blouse. Je fais volte-face trop rapidement, entraînant Narcisse qui s’exclame de surprise dans mon tournoiement. Son épaule percute la mienne et je manque de me retrouver contre le mur, mais je ne bronche pas. Non, je suis Une exclamation s’échappe de sa gorge et son épaule percute la mienne, mais je ne bronche pas. Je pense avant tout à mon salaire !
— Madame Pelletier… commencé-je d’une voix percluse d’inquiétude.
— Ne vous inquiétez pas pour votre journée de salaire, me sourit-elle. Il serait cruel de vous priver de votre paie sous prétexte que vous avez subi les aléas des trajets en mer.
Un soupir s’échappe de mes lèvres, mais Narcisse ne compte pas rester en place bien longtemps. Nous repartons, cahin-caha, et le jeune homme garde bien précieusement ma main dans la sienne. Il caresse mes phalanges, sans que je ne sache si c’est conscient ou pas. Cherche-t-il à me rassurer ? La fugace colère de sa mère n’était en aucun cas dirigée vers moi, quand bien même je ne comprend pas les raisons d’un tel emportement.
De retour sur le pont, un vague malaise me prend de nouveau, mais c’est bien plus supportable. Le fils aîné des Pelletier lâche finalement ma main, ce qui me permet de me tenir au bastingage. Puis, il tend le bras en direction de la côte et me montre une zone en particulier, près du port. Derrière les côtes fortifiées, me dit-il, se trouvent leur domaine. La proximité avec l’océan facilite grandement le commerce de ses parents et il s’agissait du meilleur endroit pour s’installer.
Je parviens à relever le visage, même si une petit bourrasque me ramène la vapeur en plein visage, nous faisant un instant tousser. Quand ma vision redevient plus claire, mes yeux vagabondent un peu partout. Je suis les courbes de la côte, détaillent les fortifications maritimes, analysent et enregistrent les premiers sentiers qu’ils repèrent et qui partent du port pour aller vers ledit domaine.
— Mes parents ont acheté ce domaine à la mort du précédent propriétaire. Iris et Rose auraient préféré vivre à Saint-Pierre d’Oléron, mais…
Il se penche un peu plus vers moi et son doigt dessine sous mes yeux les chemins que j’avais déjà remarqué. Je l’écoute, avec ravissement, rangeant précieusement chaque information dans une boîte.
— Ce sont des chemins d’usure, reprend-il. Les gens d’ici ont pris l’habitude de toujours emprunter les mêmes sentiers pour rallier le port, parce qu’ils pensaient que c’était plus rapide que la route principale.
— Et c’est vrai ?
Narcisse éclate de rire.
— Je n’en ai aucune idée, on pourra essayer si tu le souhaites. Tu prendras un chemin d’usure et moi, la route principale. En tout cas, ces routes permettent d’éviter que les marchandises soient bloquées trop longtemps au port. Parce que mes parents ont beau dire qu’ils ont choisi Oléron pour le panorama, mais c’est faux.
— C’est… à cause du port ? demandé-je peu certaine.
— Le domaine est magnifique, selon leurs dires, et ça a joué dans leurs décision. Mais, oui, c’est stratégique. Oléron est plus proche d’Alensir que Paris, tu sais ?
Mes lèvres s’entrouvrent. J’allais répéter le nom qui m’est inconnu, mais le sourire taquin qui flotte sur son visage me renfrogne un instant. Il me donne un petit coup de coude dans le bras, et je finis par sourire. Narcisse est mutin, mais il est difficile de lui en vouloir trop longtemps.
— J’imagine que tu n’as jamais entendu parler d’Alensir.
— Comme vous l’avez si bien fait remarquer, mes connaissances se limitent à Paris et sa région...
Il relève un peu le nez et m’observe. Je trouve un peu de force pour lui offrir un petit sourire fier ; oui, je suis fière de lui avoir rendue sa pique. Hélas ! une nouvelle bouffée de chaleur me monte aux joues et je me penche de nouveau par-dessus de le bastingage. « C’est horrible, par tous les Saints ! Faite que ça se finisse ! » Et sa prise sur moi se raffermit quand le bateau subit un roulis plus intense que les autres.
— C’est une île, à plusieurs centaines de kilomètres d’ici, une véritable pépite en terme de ressources : cuivre, charbon, laiton, entre autre. De nombreuses entreprises y sont installées, même s’il y en a une qui domine les autres.
Il me lance une œillade amusée et se penche vers moi.
— De Beaugency & fils. Retiens bien ce nom, tu vas en entendre parler souvent. C’est l’un des principaux interlocuteurs de mes parents.
— Je ne suis que gouvernante, je n’ai que faire…
Diantre ! Le simple fait d'ouvrir la bouche, à l'instant même où le bateau subit les affres d'un roulis plus important, en plus de la vapeur, me donne de nouveau envie de vomir.
Narcisse pose une main sur mon dos, et au passage de ses doigts sur ma colonne, je m'aperçois que la blouse est de nouveau trempée.
— Tu es en tout cas une gouvernante qui ne supporte pas la mer, se moque-t-il doucement.
Je bombe le torse fièrement. Moquerie ou pas, je reste une fière gouvernante. Enfin, ça, c’est jusqu’à ce qu’une nouvelle nausée me soulève l’estomac. J’admets ne pas être au mieux de ma forme. Moi qui me croyais être une jeune fille robuste… L'aîné des Pelletier se penche vers moi, alors que le navire ralentit.
— Retenir ce nom, c’est en apprendre un peu plus sur ce qu’il se passe autour de toi. Tu… Ne le prends pas mal ! Mais, tu poses beaucoup de questions, ça dénote d’une volonté d’en savoir plus ! Je n’ai fait que le déduire.
— Je suis curieuse. Je ne sais pas si j’aime apprendre, en fait.
— Je ne parlais pas au sens pur du terme. Mais, tu aimes comprendre les choses.
Je pince mes lèvres. Le sang monte à mes joues et je me détourne brusquement vers le port, qui s’allonge sous mes yeux, pour cacher mon trouble : de nombreux petits vaisseaux blancs, bleus, ocre, remuent paisiblement au rythme des vague – ce qui ne manque pas de me redonner la nausée. Sur les pontons grignotés par le sel de l’océan, des femmes aux robes élégantes et des hommes en queue-de-pie vont et viennent. Certains quittent leur bâteau, d’autres les rejoignent. Les ombrelles tournoient dans une valse coloré que je n’ai jamais eu l’occasion de vraiment voir à Paris. La couleur qui prédomine la capitale, reste le beige et la dureté du métal.
Repenser à Paris me renvoie brutalement le souvenir des larmes de Marie-Ange. Ce rappel est si intense que mon cœur se serre. Je ne les reverrai pas de suite, je le sais, mais quand je pourrais bénéficier de quelques jours de repos, je retournerai à Paris ! Au moins pour avoir le plaisir de voir ma petite-sœur grandir un peu de temps en temps.
La main de Narcisse, toujours posée dans mon dos, exerce une légère pression. Le bateau cesse de ralentir, désormais à quai, et le jeune homme me fait signe de le suivre. Alors que nous sommes sur le point de quitter le navire, une des jumelles s’accroche à mon bras.
— Tu es encore bien pâle.
Je ne saurai dire s’il s’agit de Rose ou d’Iris. Je dirai plutôt… Rose ! Iris me semblait moins provocante dans son attitude. Elle souffle du nez, dédaigneuse, avant d’aller s’accrocher au bras de son frère, me jetant un regard désinvolte comme si j’étais la pire chose du monde.
— Dis, Jonquille, tu crois qu’elle pourra vraiment s’occuper de Laurent ? Elle n’arrive même plus à tenir sur ses deux jambes !
La mâchoire de Narcisse se contracte et il décoche un regard sombre à sa cadette, qui continue sa provocation par le large sourire qu’elle lui envoie.
— Elle reste en repos pour aujourd’hui, mais je suis certain que tu sauras t’en occuper.
— Pardon ? s’offusque la jeune fille. Tu crois que je n’ai que ça à faire que de m’occuper d’un bébé qui bave ?
Un sourire mesquin étire les lèvres de Narcisse.
— Bien sûr ! Ca t’apprendra à m’appeler Jonquille, Rosie.
La froideur dans la voix du jeune homme m’arrache un long frisson. Quelque chose, dans son attitude soudaine, me semble bien loin de la douceur et de la prévenance dont il a fait preuve à mon égard, il y a encore quelques instants. Pourtant, sa main est toujours dans la mienne, ses doigts délicatement entrelacés aux miens sans qu’aucune tension ou crispation ne vienne trahir sa douceur à mon égard.
Non, juste une voix terriblement plus froide. Je baisse le nez, évite le regard sombre du jeune homme, qui m’entraîne à sa suite. Les autres domestiques chargent nos affaires dans des véhicules, dont certains crachent une vapeur aussi noire qu’une nuit sans lune. Narcisse serre toujours mes doigts et me fait grimper à l’arrière d’une voiture. Il s’appuis contre la portière, un sourire quelque peu amusé aux lèvres.
— Est-ce que tu es prête pour ta nouvelle vie, Léonie ?
La question, incongrue au possible, me fait réfléchir ! Cette nouvelle vie, comme il le dit, il la dépeint comme l’accomplissement de toute une vie. Or, la mienne ne fait que commencer et je me retrouve face à des réflexions que je n’avais jamais eu auparavant. Perturbée, je préfère ne pas me concentrer sur toutes ces questions qui se bousculent dans mon esprit et me concentrer sur la vraie interrogation.
Je regarde le paysage à l’extérieur, les embruns marins s’invitent dans l’habitacle. Les goélands s’époumonent. Outre l’odeur de la mer, le vent charrie une senteur plus épicée, qui s’immisce dans l’espace clos. Je reporte mon attention vers Narcisse, et lui souris :
— Oui. Oui, je suis prête !
C’est un renouveau. Un changement drastique autant pour ma famille que pour moi. Le jeune homme monte dans la voiture et à peine eut-il fermé la porte que je ne peux m’empêcher de l’interroger :
— Votre mère semblait furieuse contre vous. J’espère que ce n’était pas à cause de moi.
Je sais que ce n’était pas le cas, mais mon frère aîné m’a appris à prêcher le faux pour savoir le vrai. Narcisse paraît songeur, comme si son esprit s’éloignait de moi et je n’ose même plus remuer. Je continue de l’observer, du coin de l’œil ; je détaille son nez droit, l’angle net de sa mâchoire dont le muscle se contracte parfois. Je cherche sa main, comme pour le rassurer et déjà, son regard pétille quand son visage se tourne vers moi :
— Non. Non, rassures-toi, ce n’était pas ta faute. Mais…
Il hésite et fuis mon regard, comme s’il craignait un quelconque jugement. Mais qui suis-je, moi, pour le juger de quelque façon que ce soit ?. Nous sommes pourtant seuls, dans cette voiture. Je prends le temps de le détailler un peu plus. Narcisse ne doit pas être bien plus âgé que moi, un ou deux ans de plus. Il ressemble bien plus à sa mère qu'à son père, dont il ne tire que le petit nez en trompette. Il est agréable à regarder.
— Narcisse, vous pouvez me parler, vous savez ? lui assuré-je en pressant un peu plus sa main.
Le coin de ses lèvres s'étirent en un sourire taquin et ses yeux noirs pétillent d'un éclat que je ne saurais définir.
— Mère est quelqu'un de sévère, mais juste. Et je suis l'héritier de ma famille. C'est parfois difficile à porter.
— Reprendre l'entreprise de vos parents ? m'étonné-je. C'est peut-être un peu tôt, non ?
Narcisse se soustraire à nouveau à mon regard.
— Pas que l'entreprise. Peut-être te le dirais-je un jour.
— Et pourquoi pas maintenant ?
— Ah ! Regarde ! me coupe-t-il. Nous arrivons bientôt ! Tu veux faire le reste du chemin à pied ? Marcher un peu et prendre l’air pourrait te faire du bien !
Je comprends vite que le sujet amené ne me concerne pas tant que ça et j’accepte volontiers sa proposition. À l’extérieur, nos mains se quittent et j’observe un instant ma paume, les sourcils vaguement froncés. Je jette un coup d’œil discret à Narcisse qui s’étire. Cette fois, et comme nous sommes en public et à terre, je reste quelque peu éloignée de lui, mes mains repliées contre moi. J’en profite ainsi pour découvrir le domaine qui se dresse au loin.
Les lourdes grilles en fer forgé s'ouvrent, dévoilant un terrain plat parfaitement entretenu. Au loin, au fond de l'allée, se dresse un manoir fait de pierre blanche et une exclamation de surprise s'échappe de mes lèvres. Si j'avais toujours été admirative de la superbe maison de la famille d'Argant, je ne peux en aucun cas la comparer avec la villégiature des Pelletier. Iris – ou Rose, je ne saurais le dire – nous rattrape en courant et se jette au cou de Narcisse, qui ronchonne.
— Tu verras, Léonie ! Ca va être trop bien de travailler ici ! Peut-être même qu’avec le temps on sera comme une seconde famille pour toi !
Ce n’est pas Rose, c’est bien Iris. Je retrouve un peu plus de douceur dans sa voix, que de moquerie dans celle de sa jumelle. Je hoche la tête. Jamais aucune famille ne remplacera la mienne, mais j’apprécie l’intention. Narcisse, qui peine à se débarrasser de sa sœur, me lance un large sourire. Je rougis, de nouveau, et me détourne. Je suis surtout prête pour une nouvelle vie !
Comme dans le chapitre précédent avec Léonie, je ne sais pas trop quoi penser de cette drôle de famille, qui ont l'air trop lisses pour être honnêtes. J'ai hâte d'en apprendre un peu plus sur eux pour voir si mes impressions se confirment ou non.
ROSE ET IRIS, BONJOUUUUR
Je suis contente de voir qu'on est entrés dans le vif du sujet. L'ellipse passe super bien sans même avoir eu besoin de la mentionner et on comprend qu'iels sont en route pour Oléron (enfin j'imagine x) )
Ben dis donc, bonjour à toi aussi Narcisse :eyes: Il est très charmant
Des potites erreurs (que t'es pas obligée de prendre en compte x) ) :
"Un léger soupira passer la barrière de mes lèvres." > Il y a une petite erreur, peut-être que tu voulais écrire "un léger soupir passa la barrière…" ?
"Non, je suis Une exclamation s’échappe de sa gorge et son épaule percute la mienne, mais je ne bronche pas." Y a une potite inattention ici <3
Narcisse voulait la draguer le petit con
"R o s i e"
Je vois enfin nos points communs Aisha hihi
De BEAUGENCY OULALALAH
Narcisse est chelou, je l'aime de moins en moins >:(
Voilà ! J'aime beaucoup bébé Léonie, la pauvre qui a le mal de mer ;-; J'aime bien Iris, Rose est jalouse, Narcisse je l'aime pas >:( Hyacinthe je l'aime bcp bcp bcp par contre !!
J'adore Narcisse ! Bon évidemment, EVIDEMMENT, y a un truc louche de ouf, mais bon, j'ai hâte d'en découvrir plus ~
Et je sens que Léonie n'est pas au bout de ses surprises là, pfiou ...
ROSE EST MÉCHANTE ! Heursement qu'iris est un peu plus douce ;; <3
SINON ! tu le sais déjà mais tu as décrit avec force le passage des nausées et du mal de mer, je ne suis pas malade en voiture mais j'ai le ventre assez sensible et j'ai du arrêter ma lecture au milieu pour ne pas avoir à mon tour envie de vomir : c'est fou, c'est incroyable
Je suis très emphatique donc je ressens souvent ce que ressente les personnages, mais tu es la première a réussir à me donner la nausée T-T <3 (C'est un compliment même si ca sonne étrangement xD)
Je te relève juste une petite coquille que j'ai vu !
— « Non, je suis Une exclamation s’échappe de sa gorge et son épaule percute la mienne, mais je ne bronche pas. Je pense avant tout à mon salaire ! »
Bref ! Tellement hâte de lire la suite ;;
En tout cas, je vais noter la coquille et aller la traquer après mon cours ♥ Je suis contente que ça t'ait plu et que tu aies ressenti les émotions de Léobébé (parce qu'elle douille la pauvre)
J'espère que la suite te plaira toujours autant ♥