Il y avait eu la chaleur qui donne soif, et la faim qui affaiblit, et la peur qui prend au ventre. Il y avait eu le mal aux jambes alors qu'il devait encore avancer, la fatigue qui le faisait trembler, la fièvre qui lui faisait voir des monstres à la place des arbres. Même bien après que les aboiements se soient tus, il avait continué à courir, traversant des rivières qui lui gelaient les pieds pour qu'on ne retrouve pas sa trace. Disparaître. C'était tout ce qu'il voulait.
Il ignorait encore comment est-ce qu'il avait pu s'échapper. Peut-être que les gardiens avaient relâchés leur vigilance deux secondes de trop. Suffisant pour qu'il prenne la fuite. Il n'avait rien préparé. Il savait juste qu'il devait partir. Qu'il ne pouvait pas rester ici. Pourquoi attendre ? Il était trop vieux pour être adopté et il en avait conscience. Il ne voulait pas attendre ses seize ans en se faisant battre parce qu'il avait renversé de l'encre. Il ne voulait pas être vendu – oui, vendu, même si eux appelaient ça du remboursement de dettes – à un paysan riche qui l'emploierait à nettoyer l'étable. Il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait, mais il savait ce qu'il ne voulait pas, et il ne voulait pas de cette vie qu'on semblait lui réserver. Soit reconnaissant envers notre Très Glorieuse Majesté. Remercie les dieux. Respecte les adultes.
Seulement, l'inconvénient des évasions mal préparées, c'est que ça risquait de tourner mal à n'importe quelle occasion. Il commençait à réaliser qu'il était coupable de haute trahison. Autrement dit, il serait fusillé sans sommations et sans procès si on le débusquait. Autrement dit, il avait tout intérêt à ne pas se faire débusquer. Plus facile à dire qu'à faire quand des taches noires dansaient devant vos yeux. Il devait trouver à manger. Donc se rapprocher de la ville. Donc se jeter dans les ennuis. Cette dernière pensée le fit sourire. Il était déjà dans les ennuis. Jusqu'au cou, mon vieux.
La survie, c'était de l'instinct. Il apprenait sur le tas. En dernier repas, des framboises. Encore avant, des pissenlits. Il ne savait ni chasser ni allumer des feux. Il savait écrire, compter, lire, calculer. Il connaissait l'histoire et la mythologie, il connaissait des poésies et des prières. Tout ça ne lui servait à rien. Pourquoi est-ce qu'on n'apprenait pas aux orphelins à survivre ? La réponse était évidente. Sinon, personne ne resterait.
Là-bas, ils avaient à manger deux fois par jour, même si c'était souvent une soupe très claire et pas un ragoût bien nourrissant. Là-bas, ils avaient des lits et des couvertures, même s'ils devaient se les partager et qu'elles étaient pleines de mites. Pas de poux. On leur rasait la tête au moindre grattement suspect. Pour les inspecteurs qui débarquaient à des jours prévus à l'avance, on rangeait les fouets, on leur distribuait de nouveaux uniformes et on leur servait des fruits à quatre heures. De loin les meilleurs jours de l'année. Pourtant, ils auraient tous aimé qu'un jour, le directeur ne soit pas prévenu de l'arrivée des fonctionnaires. Qu'une fois au moins, on fasse à l'impératrice un rapport véridique sur la situation. Peut-être qu'alors ils seraient mieux traités.
Toutes ces pensées ne lui servaient à rien en ce moment. Il cherchait de l'eau depuis le début de la matinée. Il savait que l'on ne pouvait vivre longtemps sans eau. L'une des seules choses utiles qu'il ait jamais apprises. Il commençait à atteindre ses limites. Non sans ironie, il songea qu'il allait mourir de soif dans une forêt, et que les soldats impériaux n'auraient même pas à tirer. Est-ce qu'on accrocherait son corps sur la place centrale, pour montrer ce qui arrivait aux traîtres et aux fuyards ? Abandonné aux corbeaux qui viendrait lui manger les yeux.
Il frissonna, bien qu'il fît déjà chaud. S'il ne trouvait pas d'eau rapidement, il savait qu'il allait commencer à divaguer et se perdre. Enfin, se perdre encore plus que maintenant.
Je passe à la suite !
Un gros courage pour la suite :)
J'ai hâte de savoir comment ce passage va se relier au reste de l'aventure. En tout cas, on en apprend un peu plus sur l'univers... Et ça ne donne toujours pas envie d'y aller ^^°
Bon, je poursuis la lecture !
"Vendre" est un terme un peu fort et réducteur qu'il emploie, dans ma tête c'était un "retour sur investissement" (j'ai rajouté un bout de phrase pour l'expliciter à ce moment, les lecteurs ne sont pas dans ma tête)
Ce sont bien les couvertures, merci, ça a été corrigé ! (les mites ne colonisent pas les êtres humains, ce sont des papillons de nuit)
Merci pour ton passage et à la prochaine !
Ma foi très sympa cet interlude ! Je suis impressionnée de ta concision : le texte n'est pas long mais on apprends plein de choses sur sa situation actuelle, celle qu'il vient de quitter et sur ce qui va possiblement lui arriver. Je me demande par contre pourquoi c'est un interlude justement...c'est en italique et tout mais je ne trouve pas la narration très différente du chapitre précédent...
Je ne comprends pas trop le titre aussi : "où l'on continue les rencontres"...parce qu'il ne rencontre personne, il m'a même l'air sacrément seul, non? A moins que tu parles de la rencontre du lecteur avec un nouveau personnage...
Petites remarques :
- cette vie qu'on semblait lui promettre. : lui promettre ? ça sonne un peu trop positif pour moi, peut-être plus quelque chose comme "lui réserver", et peut-être même "sort" à la place de vie. Ou un adjectif à "vie"
- "Respecte les adultes." : Je trouve que le mot "adulte"
- "c'est que ça risque de tourner mal" : je crois qu'il faut conjuguer "risque" au passé pour la concordance des temps, ça ferait "risquait" , en ajoutant peut-être "risquait toujours" si tu veux en faire une espèce de vérité générale
- Pourquoi est-ce qu'on n'apprenait pas aux garçons à survivre ? : Pourquoi cette réduction aux garçons? Est-ce qu'il n'y a que des garçons dans son orphelinat d'origine ? Et quand bien même, sauf si la société de l'histoire réserve un sort bien différent aux filles et garçons, "enfants" seraient peut-être mieux puisque tu as l'air de penser à "de manière générale". Dans le cas contraire, ajouter "aux garçons de l'orphelinat"
- "Il savait – l'une des seules choses utiles qu'il ait jamais apprises – que l'on ne pouvait vivre longtemps sans eau." : je trouve que l'incise est mal placée, ou en tout cas elle est peut-être trop longue et du coup l'écart est trop grand entre le verbe introducteur et sa subordonnée.
- Abandonnés aux corbeaux qui venaient vous manger les yeux. : j'ai bugé un peu sur le pluriel, cette relative sans principale me laissait penser que le petit héros imaginait son sort, comme un flash, une image, d'où le type de phrase. Indifféremment de ça, le "vous" détonne un peu sur le récit je trouve. Un "leur" serait peut-être plus opportun.
PS : J'aime bien les répétitions très proches (autrement dit / donc / là-bas), tu n'en abuses pas donc ça porte à sourire.
Hâte de voir le trio se former ;)
La note de début chapitre était pour rebondir sur la précédente, mais pareille, si elle gêne la compréhension, je peux aussi la modifier.
- cette vie qu'on semblait lui promettre. : lui promettre ? ça sonne un peu trop positif pour moi, peut-être plus quelque chose comme "lui réserver", et peut-être même "sort" à la place de vie. Ou un adjectif à "vie" → corrigé en « cette vie qu'on semblait lui réserver, merci !
- "Respecte les adultes." : Je trouve que le mot "adulte" → et on saura jamais ce qu'il y a de problématique à « adulte »xD
- "c'est que ça risque de tourner mal" : je crois qu'il faut conjuguer "risque" au passé pour la concordance des temps, ça ferait "risquait" , en ajoutant peut-être "risquait toujours" si tu veux en faire une espèce de vérité générale → pas faux, pas faux... par contre, « toujours » serait redondant avec la suite, donc pas rajouté.
- Pourquoi est-ce qu'on n'apprenait pas aux garçons à survivre ? : Pourquoi cette réduction aux garçons? Est-ce qu'il n'y a que des garçons dans son orphelinat d'origine ? Et quand bien même, sauf si la société de l'histoire réserve un sort bien différent aux filles et garçons, "enfants" seraient peut-être mieux puisque tu as l'air de penser à "de manière générale". Dans le cas contraire, ajouter "aux garçons de l'orphelinat" → Remplacé par « les orphelins », pour ne pas alourdir la formulation.Il faudrait en fait un poil plus d'explication, mais ça alourdirait le texte et ce n'est pas vraiment ce que je veux faire ici... donc tant pis, on en parlera plus en détails plus tard.
- "Il savait – l'une des seules choses utiles qu'il ait jamais apprises – que l'on ne pouvait vivre longtemps sans eau." : je trouve que l'incise est mal placée, ou en tout cas elle est peut-être trop longue et du coup l'écart est trop grand entre le verbe introducteur et sa subordonnée. → Mis à la fin de la phrase, et effectivement, ça sonne mieux !
- Abandonnés aux corbeaux qui venaient vous manger les yeux. : j'ai bugé un peu sur le pluriel, cette relative sans principale me laissait penser que le petit héros imaginait son sort, comme un flash, une image, d'où le type de phrase. Indifféremment de ça, le "vous" détonne un peu sur le récit je trouve. Un "leur" serait peut-être plus opportun. → Modifié pour faire ressortir le côté « image mentale » qui est ce que je voulais créer.
PS : J'aime bien les répétitions très proches (autrement dit / donc / là-bas), tu n'en abuses pas donc ça porte à sourire. → Argh ! Si tu savais combien j'en vire des répétitions ! (à croire que j'ai 500 mots de vocabulaire qu'il faut que je place à tout prix) Mais bon, tant mieux si tu trouves ça mignon...
Merci encore pour ton passage !