Il reprend doucement conscience, l’esprit encore embrumé par la mélodie qui l’a bercé, et se rend compte qu’il est enfermé. Ses ailes n’ont pas la place de s’étendre, il n’a pas la place de se lever et peut à peine redresser le cou. L’obscurité est opaque, oppressante. Il a appris à se battre contre ses instincts qui lui hurlent de s’agiter, de paniquer, de chercher une échappatoire – à tout prix – dans ces moments-là. Il sait que s’il se laisse aller, c’est la douleur qui suit.
Alors il inspire, expire, et son souffle ardent dessine une volute de flammes qui éclaire brièvement l’endroit où il se trouve avant de se dissiper. Sa prison. Mais une prison dont l’atmosphère est semblable à celle de son nid, avec sa paille sur le sol et son odeur métallique dans l’air. S’il garde les yeux fermés, s’il ignore les parois légèrement trop proches de son corps, alors il est presque bien.
Il y a une autre chose qui l’empêche de paniquer, bien sûr. Avant l’odeur de chez lui – mais peut-être pas avant la douleur. La présence de ceux qu’il aime à ses côtés. Il referme les yeux et déploie sa conscience qui se jette avec bonheur hors de son corps. Elle est là, tout près, enfermée comme lui, pas encore tout à fait réveillée. Elle s’agite dans un demi-sommeil et lorsqu’elle en émerge, il lance son esprit à la rencontre du sien et étouffe sa panique avant qu’elle ne vienne. Il sait qu’elle se repose sur les mêmes piliers que lui pour ne pas lâcher prise – la douleur, l’amour, le nid. Il sent son corps se réchauffer alors que leurs esprits à tous les deux se tournent autour et s’aventurent plus loin. Trop loin.
Et tout bascule.
Une terreur sourde les saisit et ils regagnent leurs corps respectifs en urgence. Leurs cœurs battent plus vite, plus fort. Elle s’agite davantage que lui dans sa cage, avec une précipitation désespérée – il l’entend depuis l’extérieur. Ils sont menacés, plus menacés qu’ils ne l’ont jamais été. Bien sûr, ils ont déjà combattu. Mais cette fois est différente.
Le fracas lointain des combats se heurtent à des souvenirs sanglants qui remontent et les submerge, ils sont entourés d’âmes qui se meurent ici, là-bas, hier ou aujourd’hui. Ils savent ce qui les attend mais cette fois est différente et rien – pas même la douleur – ne saura les empêcher de céder à leur instinct.
Elle se libère en premier et lorsqu’elle s’envole loin de lui, il a le sentiment que c’est une moitié de son être qui part avec elle.