Interlude — Le Sang des Mots

Notes de l’auteur : Dans cet interlude nous descendons toujours plus profond dans l'horreur du chateau du comte de Rauk !
Dans les catacombes, oubliée de tous, nous faisons la connaissance de Sylla. Elle n'a connu depuis des années, que la souffrance et la faim.
Mais pourquoi ?

Attention certaines descriptions peuvent heurter un public non averti !

Dans les entrailles de la vieille tour effondrée, sous les pierres gorgées d’humidité et les racines gangrenées, s’étendaient les catacombes du comte Aldemir de Rauk.

L’air y était visqueux. Une buée chaude, presque animale, rampait dans les couloirs de pierre suintante. Les murs pleuraient. Des gouttes épaisses tombaient avec un son creux, régulier comme une prière maudite.
Dans ces profondeurs, où nul homme ne descendait sans en devenir un autre, Rauk lisait.

Courbé sur une table taillée dans le granit noir, ses doigts couverts de sang caressaient le cuir sec et craquelé du grimoire d’Elyas. Les lettres anciennes brillaient à la lueur tremblante des cierges. Le comte psalmodiait. Il lisait les incantations, les séquences, les glyphes. Il y avait là une langue ancienne, une langue de feu, de chair, de vie renversée.
Il lisait dans le sang.

Autour de lui, des crochets pendaient. Certains portaient encore des fragments de membres. Des rats faméliques grimpaient sur les cordes, se repaissant de lambeaux putréfiés. Le sol était collant, noir, comme enduit de poix. Des bassines pleines de viscères fumaient lentement, exhalant une vapeur fétide.

Rauk parlait à voix basse, une main posée sur une page ouverte.

Ce qui fut sculpté dans le fluide… peut être brisé par le fluide …

Il se redressa, ses yeux injectés de rouge, et sourit. Un rictus de fièvre et d’abandon.

Mais le flux ne parle qu’au sang. Il faut plus de sang. Du sang lié à la Source…

Il se tourna vers le fond de la salle.
Un escalier étroit descendait encore, plus bas que les égouts, plus bas que la honte.

Dans la cellule, il n’y avait ni jour, ni nuit. Juste le froid, la boue, l’humidité. Et la peur.
Sylla n’avait plus de larmes. Elle était recroquevillée, nue, maigre, la peau zébrée de bleus et de griffures.
Ses yeux furetaient dans le noir, espérant parfois qu’un rat ne grimpe pas sur elle pendant son sommeil. Elle ne dormait plus. Elle somnolait par à-coups, entre deux spasmes de terreur.

Elle ignorait où elle était.
Elle ignorait pourquoi on la gardait vivante.
Elle ignorait qu’elle avait une sœur.

Elle ne connaissait pas Myra.
Elles avaient été séparées à la naissance, confiées à des chemins divergents. L’une portait le don du fluide, l’autre rien que le sang.
Mais Rauk savait. Ou plutôt, il pressentait. Il avait vu dans ses visions, dans les lignes du grimoire, dans les cendres d’anciens textes, qu’il y aurait un jour une gémellité possible.


Et si le don de l’une pouvait guérir et tuer, le sang de l’autre pouvait Tout ? 

Il y avait tant à découvrir ! Rauk en avait presque le vertige ! Cette idée le fit sourire, d’un air profondément malsain.

C’est pour cela qu’il la gardait.

Pas par pitié. Non !
Par curiosité. Par calcul. Par faim.

Il la nourrissait à peine.
Juste assez pour qu’elle vive. Pour qu’elle saigne.

Ce n’est pas elle… murmura-t-il en trempant la plume dans une petite fiole écarlate. Mais elle y conduit…Elle guidera, quand il le faudra, elle sera utile et puis…. Ne le sera plus !

Il traçait des signes sur une peau tannée. Les caractères vibraient doucement. Le grimoire réagissait, une page tournant toute seule, dans un souffle de cendres.

Le sang partage la mémoire. Par le sang, la sœur guidera…

Oui… oui, je te vois, enfant des bois…

Dans la lumière glauque, les crocs d’un rat brillaient en rongeant un crâne vide. Le comte se redressa.
Son ombre immense s'étira sur les murs.
Sylla gémit, seule, sale, oubliée du monde.

Au-dessus de sa tête, les glyphes brillaient comme des veines à vif.

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Talharr
Posté le 28/07/2025
Ah oui Monsieur Rauk il rigole pas. Quel endroit horrible !
Et la révélation que Myra a une soeur et qu'elle est entre les mains de ce fou... la pauvre...
J'espère, sans y croire, à une future libération :)

Juste cette phrase je sais pas si c'est voulu ? "Et si le don de l’une pouvait tuer, le sang de l’autre pouvait Tout." J'ai pas compris mais peut-être que j'ai raté quelque chose aha
Brutus Valnuit
Posté le 28/07/2025
"Et si le don de l’une pouvait tuer, le sang de l’autre pouvait Tout."

J'ai voulu accentuer le mystère du don des deux sœurs et montrer au lecteur que Rauk ne sait pas tout au sujet de leur don.
C'est une des nombreuses suppositions qu'il fait sur leur pouvoir.
Ce sera plus clair si je rajoute un point d'interrogation à la fin de la phrase.
Pour la libération, il faudra continuer à lire :))
Talharr
Posté le 28/07/2025
Haaa d'accord, merci pour l'explication !
Ahaa ça donne envie de continuer :) ce qui était déjà prévu ;)
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