Richard travaillait méticuleusement sur son bricolage dans le garage de sa maison, profitant de la tranquillité des lieux : sa femme était partie travailler une heure plus tôt en emportant leurs deux gosses avec elle, leur école étant sur le chemin du salon de coiffure où elle travaillait. Comme lui était en congés aujourd'hui, il avait décidé d'utiliser son temps judicieusement en s'occupant du problème de rongeurs qui commençait à l'alarmer : le garage était son sanctuaire, un lieu de retraite qui lui permettait de se ressourcer à l'écart de tous les problèmes du quotidien en travaillant tranquillement sur ses divers projets ; malheureusement, Oh sacrilège, Oh affront blasphématoire, il avait depuis plusieurs jours repéré de petites crottes sèches sous son établi, et la veille, il avait même vu une souris traverser son espace personnel en courant, le narguant avec sa démarche en zigzag et ses petits cris aigus. Comme c'était son repaire à lui et personne d'autre - sa femme Christine n'y entrait même pas et préférait garer sa voiture dans leur allée - il était allé faire un tour au magasin de bricolage en ce bon matin et avait acheté un piège à colle pour se débarrasser des nuisibles. Appliqué et rigoureux, il terminait de fixer son tapis gluant avec des poids en plomb, perdu dans ses pensées, une odeur sucrée de fraise émanant de l'appât pour rongeur.
Il passait énormément de temps perdu dans ses pensées secrètes, rêvant de jour comme de nuit, Christine sachant très bien après quatorze ans de mariage que lorsqu'il prenait son air songeur, ce n'était même pas la peine d'essayer de lui parler. Après quatorze ans de mariage, ils semblaient se connaître l'un l'autre à la perfection, tombant dans la routine que leur avait amené la naissance de leurs deux enfants, n'ayant même pas couchés ensemble depuis plus d'un an. De temps à autre, Christine avait essayé de l'encourager, passant une main dans son pantalon quand ils étaient seuls dans la chambre, s'invitant dans la salle de bain pendant qu'il prenait sa douche, mais Richard, ou plutôt son entrejambe, avait énormément de mal à réagir. Elle avait même acheté une tenue affriolante qu'elle essaya de lui faire retirer, mais sa vaine tentative lui avait fait réaliser quelque chose : à quarante-deux ans et deux accouchements, il ne la désirait tout simplement plus. Après ce coup de massue, elle avait pleuré pendant plusieurs semaines, toute seule aux toilettes ou dans sa voiture comme une idiote, puis s'était lentement fait une raison et vivait maintenant pour maintenir sa vie de famille et élever ses enfants.
Richard termina d'installer le piège à glue sous son établi et observa son œuvre : le prochain rongeur qui oserait déranger son lieu de pèlerinage en paierai de sa vie. Il sortit ensuite de son garage, s'assurant que tous ses outils étaient nettoyés, rangés à leur juste place, et referma la lourde porte avec le gros cadenas dont il était le seul à en avoir la clé. Il allait pour retourner dans la maison, sifflotant gaiement et toujours perdu dans ses rêves, lorsque son téléphone sonna : pas son téléphone personnel, mais le professionnel. Il décrocha son téléphone à touches de sa ceinture et répondit :
— Dagard constructions, j'écoute.
— Salut Richard, fit une voix à l'autre bout du fil, on a un problème avec le douze rue des tilleuls : l'électricien a dû chambouler son planning à cause d'un problème avec un gros client, et au lieu de se pointer la semaine prochaine pour tirer les câbles, il va devoir venir dans deux jours, c'est son seul créneau. Nous dans deux jours on aura jamais terminé le gros œuvre, il reste encore la dalle à défoncer.
— Pas de problème, répondit-il, je vais décaler d'une semaine le chantier du trente-deux, te filer Anthony pour deux jours, et j'arrive avec la défonceuse dans une heure. Si ça ne te dérange pas de faire des heures supplémentaires ce soir, je te paierai le taux de cent-cinquante pourcents de l'heure, plus cinquante pourcents sous la table.
— Ça marche patron, à tout à l'heure, répondit la voix avant de raccrocher.
Richard partit du côté de l'allée et rejoignit son pick-up, qui avait la défonceuse du trente-deux sur son plateau, attendant gentiment d'être utilisée. Il monta dans le véhicule et tourna le contact pour se lancer dans les rues vides et tranquilles de son quartier résidentiel.
Sur les cinquante-cinq minutes de trajet qui le séparait du chantier en urgence, il en passa dix au téléphone à réorganiser son personnel, ses équipements et ses fournisseurs pour retomber sur ses pattes - il s'avérait qu'il était très doué pour ça - et s'autorisa à laisser son esprit divaguer durant le reste : être aussi penseur lui arrivait de temps à autre, et c’était signe qu'il fallait qu'il s'attelle bientôt à un nouveau projet dans son garage pour s'occuper les mains et l'esprit.
Lorsqu'il arriva sur le chantier de la maison, il fut accueilli par deux employés paniqués et un client remonté qui avait peur qu'on bâcle les travaux à la va-vite pour accueillir l'électricien en temps et en heure. Lorsqu'il descendit de la voiture, il dicta ses ordres et détailla le planning des deux prochains jours à ses employés, qui furent rassurés d'avoir un patron si méthodique et organisé. Puis, il se dirigea vers le client : il lui expliqua la situation avec une telle simplicité et fluidité que ses traits se tiraient vers le haut à vue d'œil. Il lui promit une intervention de qualité avec les outils et renforts qu'il avait amené, discuta avec lui de ses plans pour l'intérieur de sa maison et sortit même une blague qui le fit éclater de rire. Une heure de discussion et deux cafés plus tard, Richard repartit avec une poignée de main amicale et une tape sur l'épaule complice : il se mit au volant de son pick-up au plateau maintenant vide, fit un signe de mains à ses employés qui allaient trimer pendant deux jours, et disparut sur la route tranquille.
Sur le chemin du retour, il fit des courses pour préparer le repas familial de la soirée - spaghettis bolognaise - acheta divers outils dont il avait besoin pour des chantiers, une carte mémoire pour son appareil photo numérique et rentra enfin chez lui pour midi. Il rangea les courses dans le frigo, prit ses nouveaux outils et se rendit dans son garage, déverrouillant habilement de cadenas de sa main libre. En entrant, il sentit un courant d'air frais et repéra la petite fenêtre qu'il avait laissé ouverte par mégarde.
« Comment j'ai pu oublier de fermer cette fenêtre ? se réprimanda-t-il à voix haute. »
En allant pour la refermer, il se rendit compte que certains pinceaux, qui devraient normalement être parfaitement triés et alignés dans un seau juste sous la fenêtre, étaient tombés en s’éparpillant sur le sol. Autour, il vit quelques petites traces de boue, comme des traces de pas minuscules. Au même moment, il entendit un bruit derrière lui : il se retourna en un sursaut, mais la pièce vide ne semblait pas cacher de cambrioleur. Le bruit reprit néanmoins, une espèce de plainte d'agonie, et Richard se rendit compte que le son venait de sous son établi. Il s'approcha lentement et s'accroupit pour observer la scène : son piège avait fonctionné, mais pas sur la bonne cible. Miaulant d'un air terrifié, un chat s'était coincé les deux pattes dans la glue et essayait de se libérer en vain, n'arrivant pas à faire bouger le plateau maintenu avec des poids en plomb. Le pauvre félin était de couleur noire et portait un collier vert émeraude : Richard reconnut le chat de compagnie d'une de ses voisines, Myrtille, qui avait l'habitude d'explorer le quartier, sa fille lui laissant même quelques restes de jambon dans le jardin pour l'attirer et le câliner. Mais cette fois ci, le chat avait repéré la fenêtre du garage laissée ouverte - une première, Richard devait l'avouer - et avait été attiré par quelque chose, et l'homme pensait savoir de quoi il s'agissait : de l'autre côté du piège, dans un coin, était collé un petit objet rose. En s'approchant, Richard comprit qu'il s'agissait d'une patte de souris. La victime avait été attirée dans le piège grâce aux arômes sucrés et s'était coincé la patte. Un peu après, le chat avait dû entendre de petits couinements depuis l'extérieur, et avait décidé qu'il était temps de prendre son quatre-heures. Cet idiot s'était alors approché de la souris et s'était lui-même embourbé, pris dans le piège d'un plus gros prédateur. Richard imagina la souris tellement paniquer, coincée à quelques centimètres près de son plus grand chasseur, qu'elle grignota sa patte pour s'échapper.
Sordide.
Le chat continuait ses miaulements désespérés, s'agitant dans tous les sens : il n'arriverait pas à s'échapper avant que Richard lui verse sur les pattes la solution de térébenthine distribuée avec les pièges pour dissoudre la colle.
« Bouge pas, mon minou, dit-il tendrement en essayant de lui caresser le dos. Sinon, tu vas avoir mal. »
Il tenta de le caresser davantage pour le calmer, puis dirigea petit à petit sa main vers sa tête. Il l'entoura autour d'elle, recouvrant complètement son cou, et serra fermement. Le chat fut pris de panique, essaya de se débattre, mais l'homme serrait de plus en plus fort, l'œil vide. Il cracha, siffla, se tordit pour tenter d'attraper de l'air, mais ses mouvements se firent plus lents, plus faibles, se transformant en sursauts jusqu'à ce qu'ils cessent complètement. Richard relâcha son étreinte et le chat mort s'écroula par terre. L'homme se releva, à bout de souffle, et tira sur son pantalon pour ôter une gêne dans le tissu : il avait une érection.
Et, au sujet de I-ko, ne prends pas en compte ses commentaire : ......................
Il/Elle me l'a fait aussi le coup de petits points comme commentaires pour chaque chapitre sur mon histoire (sans parents) et également sur celle de blairelle (comme chien et chat), n'y fait pas attention, il/elle fait ça pour ajouter plus de chapitres à ses livres, de plus, blairelle et moi l'avons signalé-e.
Mayaper