— Invasion —

Par Flo_M

 

Alicia fonça jusqu’à l’armoire de sécurité du niveau où elles se trouvaient. En arrivant, elle avait déposé son arme de service au technicien chargé de la maintenance et maintenant elle se trouvait dépourvue. Chaque niveau possédait cependant une armoire contenant de quoi faire face à une attaque. Et il en s’agissait manifestement d’une. Elle posa son pouce sur le lecteur d’empreintes digitales et la porte du placard s’ouvrit avec un « bip ».

Alicia ne savait pas à quoi ils avaient affaire exactement, mais elle opta pour un fusil mitrailleur tactique, plutôt qu’une arme de poing d’un calibre inférieur. Elle bascula le mode de tir sur « coup par coup » et vérifia que la lunette de visée était bien calibrée. Avec ça, je devrais m’en sortir, décida-t-elle. Elle s’équipa aussi d’une oreillette com et referma l’armoire pour réfléchir à la situation. Elle se trouvait au niveau -2. En toute logique, les assaillants ne devaient pas encore avoir atteint ce stade, mais tout dépendait de leur objectif. Elle repensa à Claire et surtout à ce qu’ils convoitaient : son carnet. Si son amie était ici, en relative sécurité, le carnet, lui se trouvait avec la directrice adjointe Millar. Alicia alluma l’oreillette et bascula la fréquence sur le réseau interne d’urgence.

— Contrôle, ici l’agent Cara.

— Agent Cara, lui répondit la voix d’une opératrice. Ici Op-Omega.

Malgré l’urgence de la situation, Alicia ressentit une pointe de soulagement et sourit pour elle-même. Op-Omega était le nom de code de son opératrice habituelle. Celle avec qui elle avait effectué la plupart de ses missions

— Contente de vous entendre, Op-Omega. Quelle est la situation ?

— Moi aussi, CR02, lui répondit-elle en utilisant son nom de code habituel. Mais la situation est critique. Des assaillants ont ouvert une brèche dans la sécurité du niveau 1 et se dirigent à présent vers le niveau -1…

— Où se trouve la directrice adjointe ? la coupa Alicia.

— Au niveau -2, nous n’avons pas eu de ses nouvelles depuis le début de l’assaut.

— Bon sang, souffla Alicia. Je me trouve au niveau -2, je vais essayer de la retrouver. Je pense que c’est elle leur objectif.

« Et envoyez aussi quelqu’un à la chambre d’hôte n°05, notre invitée risque d’avoir besoin de protection.

— Bien reçu, agent Cara. Nous vous envoyons des renforts dès que possible.

 

Alicia n’avait pas attendu la fin de la communication pour s’élancer vers le couloir suivant. Les différents niveaux étaient assez vastes, mais il n’y avait pas cinquante endroits où pouvait se trouver la directrice adjointe. Elle devait être en plein débriefing avec ses supérieurs au moment de l’attaque. La salle de vidéoconférences sécurisée était le meilleur endroit où la chercher.

L’oreillette se mit à grésiller.

— Agent Cara ?

— Je vous écoute.

— Les assaillants se concentrent actuellement sur l’arsenal du niveau -1. Nous ne serons pas en mesure de vous envoyer des renforts. Êtes-vous bien sûre que la directrice adjointe est leur cible ?

Alicia jura à nouveau.

— C’est sûrement une diversion, je vais me débrouiller avec ce que j’ai ici.

Elle termina cette phrase en croisant la route d’une nouvelle recrue, un jeune Canadien, qui semblait aussi perdu qu’un oisillon sans sa mère. Elle se rappela qu’il était spécialisé dans les communications, et son nom était…

— Agent…

Elle fit un effort pour se le remémorer – en vain.

— Jeunot, termina-t-il à sa place.

Adam Jeunot, se rappela Alicia. Un nom bien à propos.

— Agent Jeunot, vous allez venir avec moi. Nous avons une brèche dans la sécurité et j’ai des raisons de croire que la directrice adjointe est en danger.

Tout en disant ça, elle avait à peine ralenti l’allure et attrapé le jeune agent par le bras.

— Bien Madame, lui répondit-il, manifestement soulagé de trouver des ordres auxquels se raccrocher.

Il emboita le pas à Alicia et la suivit d’un air décidé et professionnel qui rassura la jeune femme. Ils étaient à présent à quelques mètres de la salle de conférence et bien que les couloirs grisâtres se ressemblaient tous, Alicia avait appris à se repérer dès leur arrivée dans le bâtiment. En général, l’Agence ne restait pas plus de quelques mois dans les bases satellites qu’elle investissait, mais Alicia avait pris pour habitude de toujours en mémoriser les plans peu de temps après leur arrivée. Elle savait que ça pouvait servir en cas d’urgence et la situation actuelle ne faisait que la conforter dans cette décision.

Elle prit place à gauche de la porte et fit signe à l’agent Jeunot de se positionner en face. Il connaissait la procédure : il allait devoir ouvrir la porte puis couvrir Alicia pendant qu’elle pénétrait dans la pièce. Bien sûr, d’où ils étaient, ils n’entendaient aucun son en provenance de la pièce. La salle de conférence était insonorisée, de sorte qu’aucune information confidentielle ne puisse en sortir.

Alicia fit signe à Jeunot d’ouvrir la porte et tout se déroula très vite. Elle déboula dans la pièce, fusil au poing pour découvrir un homme en noir au-dessus du corps de la directrice adjointe. Malgré le choc de voir cette femme qu’elle appréciait, morte devant elle, elle resta professionnelle et fit feu. Elle ne voulait pas tuer, il fallait que cet homme parle. Elle visa son épaule droite pour le désarmer, puis sa rotule gauche qui explosa avant même qu’il n’ait le temps de réagir. Dans la main, il tenait le carnet de Claire qu’il lâcha en poussant un cri de douleur. Derrière lui se trouvait un trou béant encore fumant. C’était par là que l’homme avait pénétré dans la salle de conférence. Il connaissait manifestement l’emplacement de sa cible et comment y accéder.

Alicia se précipita auprès de Millar, ce qui ne fit que confirmer ce qu’elle avait déjà compris. Son assassin ne lui avait laissé aucune chance. Mais quelque chose clochait : Millar avait la gorge tranchée, alors que l’homme qui gémissait à ses pieds n’était armé que d’un fusil automatique. Elle ferma les yeux de la femme et déposa son corps doucement sur le sol. À cet instant, elle entendit un cri d’alerte. C’était Jeunot qui la prévenait qu’ils n’étaient pas seuls. Une ombre se laissa tomber du plafond, juste dans son dos. Elle eut à peine le temps de faire une roulade, qu’une lame fendit l’air où elle se trouvait un instant auparavant.

Elle se releva pour faire face au nouvel arrivant. L’agent Jeunot cria à l’homme de se rendre. Ou plutôt la femme, se dit Alicia en la regardant plus attentivement. Blonde, de longs cheveux attachés en queue de cheval, elle portait un foulard sur le bas du visage et une combinaison de combat, près du corps. Un corps grand et musclé manifestement bien entrainé. Quelque chose de familier dans le regard de la femme attira l’attention d’Alicia, mais elle n’avait pas le temps de s’en préoccuper. La femme n’avait aucunement l’intention d’obtempérer. Dans la main droite, elle tenait un long couteau, ou plutôt une espèce de sabre, corrigea mentalement Alicia, encore luisant de sang, et dans la gauche, une arme à feu avec laquelle elle tira sur Jeunot qui n’eut pas le temps de se mettre à couvert. Il s’effondra en gémissant de douleur derrière un bureau et Alicia n’arriva pas déterminer si la blessure était grave. Il fallait qu’elle détourne l’attention de cette femme.

— Hé ! l’interpella-t-elle. Si tu veux affronter quelqu’un, je t’attends.

Elle était désarmée, son fusil resté auprès du corps de Millar. Enfin, c’était ce qu’elle voulait laisser croire. Elle avait encore un couteau de combat, glissé dans un étui situé dans son dos. Comptant sur l’effet de surprise elle avança doucement en direction de l’assaillante, les deux mains levées. Malgré le foulard, Alicia vit que la femme souriait et elle aperçut dans ses yeux verts l’envie de tuer. Alicia prenait le risque de se faire abattre froidement par l’arme qui avait blessé Adam, mais elle connaissait ce genre de personnes. Si elle possédait une lame comme celle-ci, c’était pour ressentir la mort de ses cibles d’une façon presque intime. L’arme à feu n’était qu’un outil pour les gens comme elle, alors que le sabre était le prolongement de leur main. Tuer avec revenait à arracher soi-même la vie à ses victimes. Alicia se mit en posture de combat, les poings serrés en direction de son nouvel adversaire. Comme elle s’y attendait, la femme jeta son arme à feu et mit sa lame en position de garde. Alicia attendit. Elle savait que la tueuse, poussée par sa soif de sang, ne tarderait pas à passer à l’attaque. Elle ne fut pas déçue. La femme ne mit que quelques secondes avant de se décider à fondre sur sa proie. Comme Alicia s’y attendait, vu la position de ses jambes, elle frappa en direction de la tête. Alicia se laissa tomber sur un genou, pivota et sortit son couteau de combat de son étui. Elle lacéra la jambe gauche de la femme et se releva dans le même mouvement. La tueuse poussa un grognement de surprise mâtiné de douleur et leva sa lame au-dessus de la tête. Elle était prête à repartir à l’assaut et Alicia n’avait plus l’effet de surprise de son côté. Juste un petit couteau contre une grande épée.

La passe d’armes dura ainsi plusieurs minutes. La femme frappait, et Alicia contrait ou esquivait. Sa courte lame ne lui permettait pas d’attaquer sans ouvrir sa garde et elle savait que si le combat durait encore longtemps, elle finirait par y laisser la vie. Elle n’avait jamais aimé les armes blanches et encore moins les épées. Si pour certains il s’agissait d’armes nobles d’une époque plus civilisée, pour elle, ce n’était rien de plus que des armes archaïques et dépassées. Rien ne valait un bon 9mm… en pensant cela, elle mit le pied sur un objet qui faillit la faire trébucher. Elle posa discrètement les yeux dessus et vit le pistolet que la tueuse avait lâché quelques minutes auparavant. Sûre d’elle, la combattante revint à l’assaut. Alicia se dit que cette femme comptait trop sur la peur qu’insufflait une arme si incongrue. Sa technique était brouillonne et trop agressive. Ce style de combat lui disait quelque chose, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Quoi qu’il en soit, dans un véritable combat à l’épée, elle aurait très vite été dépassée par un combattant plus expérimenté. Mais Alicia n’avait pas l’expérience de ce genre d’armes, en revanche elle s’y connaissait en armes à feu. Elle attendit que la lame s’approche assez pour reproduire la même tactique que précédemment. Mais cette fois, elle ne s’empara pas d’un couteau caché dans son dos, mais du pistolet qui trainait à ses pieds. Elle ne prit pas le temps de viser, Adam était peut-être en train de se vider de son sang. Les gémissements qu’il produisait régulièrement lui indiquaient qu’il était encore en vie, mais cela risquait de ne pas durer. Elle pose le canon de son arme sur le flanc de son adversaire et fit feu. Pour faire bonne mesure, elle vida le chargeur et la tueuse s’effondra avec un râle.

Alicia se releva sans prendre le temps de reprendre son souffle et se précipita vers Adam. S’attendant à le retrouver dans une mare de sang, elle se prépara au pire. Elle dépassa le bureau et retrouva Jeunot les mains pressées sur… son gilet pare-balles.

— Aaah, gémit-il. Je crois que j’ai les côtes cassées.

Alicia se laissa glisser le long du bureau et ne put s’empêcher de laisser éclater un rire de soulagement.

— Vous m’avez sauvé la vie, Jeunot. Merci.

— Pas de quoi, M’dame, articula-t-il.

 

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