— L’Agence —

Par Flo_M

Claire avait gardé le silence durant les cinq premiers kilomètres. Elle avait eu l’intention de faire ressentir à Alicia toute l’amertume qu’elle éprouvait à travers son mutisme, mais cette décision n’avait pas survécu à l’envie de connaître la vérité qui la tiraillait depuis bien trop longtemps. Elle serra les dents une dernière fois et regarda sa détermination s’envoler en posant la question qui lui brûlait les lèvres :

— Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel, Al ? Maintenant qu’on est sorties de ce merdier, tu as intérêt à tout me raconter !

Elle n’avait pas eu l’intention de se montrer si brusque, mais la tension de la journée avait besoin de s’extirper et la vulgarité était la meilleure des catharsis. Elle expira suite à cette tirade, comme si ces mots avaient suffi à la soulager.

— Je ne vais pas te mentir, lui assura Alicia après une minute de réflexion. Cette journée est déjà bien assez difficile pour toi, sans que tu penses que je ne te dis pas la vérité.

Claire acquiesça. Bien que son regard soit braqué sur la route, Alicia continua comme si elle avait vu la réponse de son amie.

— Comme je te l’ai dit, je fais partie d’une agence. Le DEDALS (la Division Externe pour la Détection, l’Acquisition et la Localisation des Savoirs). Mais c’est un nom un peu compliqué et beaucoup de gens nous confondent avec Dédale de la mythologie. Entre nous on préfère l’appeler l’Agence ou l’Inquisitorius. Mais, c’est quand les chefs ne sont pas là pour entendre.

— Attends, la coupa Claire. Inquisitorius comme dans l’Inquisition espagnole ?

— Ce n’est pas très glorieux, mais oui. L’Agence descend des inquisiteurs. Enfin, c’est un peu plus compliqué que ça. Un schisme a eu lieu au sein de l’Inquisition au XVIIIe siècle. Une partie des inquisiteurs a failli être jugée pour hérésie alors qu’ils soutenaient que le plus grand danger ne venait pas des sorciers et autres adorateurs de Satan, qui n’étaient qu’un mythe, mais de la science…

— Donc… l’incita à continuer Claire.

— Donc, nous avons quitté l’Église pour créer une agence chargée de surveiller les dérives de la science. Au début, elle était constituée d’enquêteurs, de scientifiques et d’anciens soldats ou policiers. C’était plus une agence de détectives scientifiques. Mais avec les temps et l’avènement des deux Guerres mondiales, nos méthodes ont dû évoluer pour aller vers le renseignement.

— Tu es en train de me dire que tu es une espionne ? Un agent secret à la Jason Bourne ?

Claire n’en revenait pas. Son amie d’enfance, sa meilleure amie pendant toutes ces années. Une espionne. Les questions se bousculaient dans sa tête. Elle n’arrivait pas à comprendre à quel moment son amie avait pu prendre une telle voie. Elle commença à se demander si elle connaissait vraiment Alicia.

Le rire enjoué de son amie la ramena à la réalité et lui rappela tous les moments heureux qu’elles avaient partagés. Ce rire était le même que celui qu’elle avait connu durant son enfance.

— Pas vraiment, reprit Alicia après avoir repris son sérieux. Ce travail n’a rien à voir avec le cinéma. C’est souvent du travail de bureau très ennuyeux et des enquêtes fastidieuses.

— Donc pas de robes de cocktails hors de prix, et de soirées dans les plus grands casinos ? lui demanda Claire qui commençait à retrouver son amie.

— Non, et ce genre de clichés c’est plus James Bond, lui répondit Alicia avec un sourire. Ça se rapproche plus d’un travail de super policier. Et en parlant de ça, je voulais te présenter mes excuses.

— Pourquoi ? demanda Claire qui ne voyait pas où Alicia voulait en venir.

— Mon travail était d’enquêter sur les intrus qui ont fouillé ton appartement et j’aurais dû anticiper plus vite leur attaque sur ton bureau.

Claire sentit les larmes lui remonter aux yeux alors que le souvenir de Lisa s’imposait à nouveau à elle. Elle tourna la tête pour observer les immeubles défiler derrière la vitre, et inspira profondément.

— Non, finit-elle par répondre, en reportant son regard sur la route. Ce n’est pas ta faute. Je pourrais t’en vouloir pour ça, mais ça serait puéril. Les seuls responsables sont ceux qui nous ont attaqués.

— Et leurs commanditaires, ajouta Alicia.

— C’était des mercenaires, c’est bien ça ?

— Oui, et une équipe extrêmement violente. Ceux qui en ont après toi n’ont pas décidé de faire dans la dentelle.

Claire resta silencieuse, le temps d’assimiler le flux d’informations que son amie venait de lui transmettre. Elle finit par se tourner vers Alicia : une ultime question la taraudait.

— Tu dis que tu étais chargée d’enquêter sur mon cambriolage. Donc ce n’était pas un hasard si tu étais là hier soir. Est-ce que…

Elle s’arrêta un instant, le temps de chercher ses mots.

— Est-ce que notre rencontre au bord du ruisseau était elle aussi préméditée ? finit-elle par demande.

— Je peux t’assurer que non. Je suis vraiment désolée pour hier soir, mais j’avais besoin de voir la scène pour en savoir plus et…

— Et tu étais tenue au secret, compléta Claire. Mais notre ruisseau, nos retrouvailles après toutes ces années ?

— J’étais là pour essayer de renouer avec nos souvenirs. J’ai été affectée à cette enquête, il y a deux semaines. Principalement parce que nous étions amies. Ma supérieure pensait que ça pourrait nous être utile. Et je n’ai pas la possibilité de refuser une mission. Je suis venue là parce que j’avais peur de te revoir comme ça, juste pour le boulot. Je voulais me souvenir de nous avant. Et je ne savais pas que tu étais dans le coin.

— Mais pourquoi une mission sur moi ? Qu’est-ce que j’ai pu faire pour intéresser tant de monde ?

— Pas toi, Claire. Ton arrière-grand-père.

Et Alicia lui raconta ce qu’elle savait déjà en partie. Son aïeul avait bien travaillé pour les nazis sur des recherches en génétique. Il était en avance de plusieurs décennies sur les autres scientifiques. Récemment, certaines de ses découvertes avaient fait leur apparition sur un marché noir d’un type plutôt particulier. Ce marché, destiné à toutes sortes d’individus peu recommandables, se concentrait sur les découvertes scientifiques, allant du virus mortel à l’armement le plus sophistiqué. Autant dire que le DEDALS surveillait ce réseau de près. Les recherches d’Albert Melun avaient suscité la curiosité de bon nombre de chercheurs et autres scientifiques les plus véreux. Mais avant que la vente aux enchères n’ait eu lieu, les documents avaient disparu. Et l’Agence d’Alicia n’y était pas pour rien. Malheureusement, la rumeur que d’autres secrets de l’ancien scientifique restaient à découvrir avait tôt fait de surgir.

— Et ils t’ont mise sous surveillance, termina Alicia en prenant la sortie de la ville.

— Ils ne savent donc pas où j’ai trouvé ces documents ? s’inquiéta Claire.

— Non, c’est à ton arrivée chez toi qu’ils ont vu ta découverte.

— Mais comment ? demanda Claire en sachant déjà au fond d’elle que la réponse ne lui plairait pas.

— J’ai découvert des caméras cachées chez toi quand je suis allée y faire un tour ce matin.

— Je ne sais pas ce qui est le pire, s’interrogea Claire à voix haute, avec une pointe d’agacement. Que des inconnus aient placé des caméras chez moi, ou que tu te permettes d’aller y faire un tour quand bon te semble ?

— Je suis désolée. L’Agence voulait envoyer une équipe pour enquêter. Je me suis proposée en pensant que tu préférerais qu’une vieille amie farfouille, plutôt que des mecs à lunettes pas nets.

— Tu parles comme ça de tes collègues ? demanda Claire qui s’était radoucie en entendant l’explication plutôt logique d’Alicia.

— Tu ne les connais pas encore.

— Pas encore ? Où est-ce que tu m’emmènes ?

— En sécurité, lui répondit Alicia.

— Mais, mes parents et mon frère ? Ils sont en danger eux aussi, objecta Claire. Et Samoa, je ne peux pas le laisser tout seul !

— Pour tes parents, ils ont remporté ce matin un voyage pour une île sécurisée de l’Agence. Ils passeront de belles vacances aux frais de la princesse, sans se douter qu’ils sont surveillés par nos agents. Ton frère est surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis l’incident à ton bureau. Lui et sa famille ne craignent rien. Pour Samoa, tu ferais mieux de regarder derrière toi.

Claire s’exécuta et trouva une cage de transport sur le siège arrière. Son petit chat dormait tranquillement à l’intérieur.

— Sam ! s’exclama-t-elle. Mais comment ça se fait qu’il soit aussi paisible ? Il déteste les voyages en voiture.

— Euh… commença Alicia en remontant sa manche droite. J’espère que tu vas me pardonner ça aussi. J’ai dû lui administrer un léger sédatif. Mais c’était pour son bien.

En voyant le bras bandé d’Alicia, Claire comprit tout de suite que le petit animal n’avait pas été facile à mettre en cage. Dans ses moments de colère, il pouvait être terrible.

— Mon véto a dû faire pareil la première fois qu’il a fait sa connaissance. Ce sédatif t'a sûrement sauvé la vie, ajouta-t-elle avec un sourire.

Son téléphone choisit ce moment pour capter à nouveau et réceptionner tous les messages de la journée. L’icône de la messagerie vocale attira son attention et elle composa le numéro pour l’écouter. C’était la voix de sa mère. Elle lui annonçait qu’elle et Éric venaient de remporter un concours pour un voyage de rêve – auquel elle ne se souvenait pas avoir participé –, et qu’ils devaient se dépêcher pour avoir leur vol.

Claire raccrocha en soupirant. Maman, combien de fois vais-je devoir te répéter de te méfier des concours auxquels tu n’as pas participé ? pensa-t-elle en fermant les yeux. Au moins, celui-là t’aura peut-être sauvé la vie.

 

Après quarante-cinq minutes de route, Claire commença à se demander si elles finiraient par arriver un jour.

Elle aperçut au loin un mur de plusieurs mètres de haut, encadrant un imposant portail.

— Nous voilà presque arrivées, l’informa Alicia.

Sur la gauche de l’impressionnante entrée se trouvait une petite guérite, dans laquelle se tenait un soldat. Claire comprit alors qu’elle se trouvait devant les portes d’une base militaire. L’homme s’approcha et demanda son accréditation à Alicia, qui s’empressa de lui montrer un porte-carte qu’elle venait de sortir d’une de ses poches. Pendant les quelques secondes que prit la vérification des papiers, le regard de Claire fut attiré par un mouvement dans les hauteurs du portail. Elle y découvrit avec surprise une imposante caméra surmontée par un ensemble de canons rotatifs. L’appareil semblait à présent fixé sur elles. Sacré système de sécurité, songea Claire en reportant son attention sur son amie. Le militaire venait de remettre sa carte à Alicia, tout semblait en ordre. Elles venaient de passer le premier palier de sécurité. Le portail s’ouvrit avec un grondement sinistre et Alicia redémarra le moteur pour s’y engager. Une fois l’imposante porte franchie, Claire ne fut pas au bout de ses surprises. Contrairement à ce qu'elle aurait cru, la base semblait tout à fait normale. Non pas que Claire ait l’habitude de visiter des bases militaires, mais celle-ci ne semblait pas différencier de l’image que l’on aurait pu se faire d’un tel endroit. Surtout pour une base censée abriter l’élite d’une super agence de renseignement. Les deux jeunes femmes croisèrent quelques militaires en uniformes qui les saluèrent, puis s’approchèrent d’un hangar isolé. Une fois devant la porte, Alicia descendit du véhicule et avança vers un dispositif situé près de l’entrée.

— C’est ici que tu voulais m’emmener ? demanda Claire perplexe. Dans un hangar ?

— Pas tout à fait, lui répondit son amie en approchant son œil gauche de l’appareil.

Un rayon lumineux balaya le visage d’Alicia et un cliquetis se fit entendre alors qu’un voyant passait au vert sur l’écran. D’où elle était, Claire ne vit pas ce qui s’y inscrivit, mais elle imagina qu’il devait s’agir de quelque chose comme : « Accès autorisé ». La porte du hangar qui s’ouvrit au même moment la conforta dans cette idée.

Contrairement à ce qu’elle aurait cru, leur véhicule ne s’engagea pas dans un immense espace vide. À la place se trouvait une rampe qui s’enfonçait dans le sol. S’ensuivit un tunnel de plusieurs mètres de long et enfin, les deux jeunes femmes débouchèrent dans un vaste hangar sous-terrain. Claire écarquilla les yeux devant le spectacle qui s’offrait à elle. Si la base de la surface semblait tout à fait banale et peu peuplée au regard des quelques militaires qu’elles avaient croisés, celle-ci ressemblait en comparaison à une fourmilière géante. Le centre de la pièce (ou plutôt une immense cave, pensa Claire) était occupé par un avion de ligne civil, démonté et décortiqué par des dizaines de techniciens et de scientifiques en blouses blanches. Sur la gauche, plusieurs agents dans un uniforme noir semblable se pressaient pour rejoindre un couloir adjacent. De nombreux véhicules étaient garés sur les côtés, dont certains identiques au leur. Les autres ressemblaient plus à des véhicules d’assaut ou d’intervention. L’ensemble était surveillé par un nombre impressionnant de gardes armés qui patrouillaient au milieu de tout ce petit monde.

Bouche bée, Claire ne trouva pas les mots pour exprimer sa stupéfaction.

— Mazette, finit-elle par laisser échapper sans se soucier que même sa grand-mère avait cessé d’utiliser cette expression depuis au moins le milieu des années 70.

— Impressionnant, hein ? lui répondit son amie avec un sourire. Bienvenue dans la base Icarus. Elle remercia le technicien auquel elle venait de confier son arme de service et se tourna vers son amie pour continuer.

— Il va sans dire que tout ce que tu vois ici est top secret. D’ailleurs, tu vas devoir signer quelques clauses de confidentialité, j’en ai bien peur.

Claire se fichait de ne pouvoir parler de tout ça à quelqu’un. D’ailleurs, qui l’aurait cru ? Elle savoura plutôt le privilège de voir un spectacle qui était interdit au commun des mortels. Elle se sentait comme détentrice d’un secret que sa meilleure amie lui aurait confié et n’avait aucune envie de le partager avec quiconque.

— Pas de soucis, finit par répondre Claire. Motus et bouche cousue. Mais… que font-ils à cet avion ?

— Ça aussi c’est top secret, lui répondit Alicia avec un clin d’œil. Tout ce que je peux te dire c’est qu’un prototype prohibé et potentiellement dangereux a été utilisé sur cet appareil.

— Mais ce n’est pas le vol qui a disparu dernièrement ?

— Top secret, je te dis.

Comprenant qu’elle n’en apprendrait pas plus, Claire suivit son amie en silence. Alicia les conduisit dans un dédale de couloirs grisâtres qui paraissait sans fin. Ne pouvant retenir sa curiosité plus longtemps, Claire finit par demander :

— Mais vous en avez beaucoup des bases secrètes comme ça ?

— Ça, je peux te le dire, lui confia Alicia. Elles ne sont pas à nous. Ce sont d’anciennes bases construites par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous ne faisons qu'occuper celle-ci avec l’aimable autorisation du Gouvernement français.

— Mais vous ne travaillez pas pour le Gouvernement ? s’étonna Claire, en arquant un sourcil.

— Nous sommes une entité internationale, nous travaillons sous l’égide des Nations unies, mais nous restons indépendants.

Claire s’apprêta à poser sa question suivante quand Alicia l’interrompit.

— Et c’est tout ce que je suis autorisée à te dire. Ce qui est déjà beaucoup pour une civile. Tu vas avoir un paquet de papiers à signer après ça, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.

Au détour d’un couloir, elles croisèrent une jeune femme brune de petite taille.

— Oh Aya ! s’exclama Alicia.

— Bonjour, agent Cara, lui répondit Aya en se courbant pour la saluer.

— Claire, je te présente l’agent Aya Dōbutsu.

Claire avança la main pour la saluer, mais la jeune femme la devança en se courbant à nouveau. Claire décida alors de respecter les traditions et s’inclina à son tour.

— Enchantée, lui adressa Aya avec un sourire et un charmant accent japonais.

— Aya est notre biologiste attitrée, précisa Alicia. Elle s’est proposée pour s’occuper de Samoa pendant notre débriefing.

— Je vous souhaite bien du courage, lança Claire à Aya avec un sourire penaud. Il a tendance à être un peu… sauvage avec les gens qu’il ne connaît pas. 

— Ne vous inquiétez pas, je sais y faire avec les animaux, lui répondit la jeune femme avec un sourire énigmatique.

Alicia remarqua l’air perplexe de son amie. Elle attendit qu’Aya se soit éloignée pour se pencher vers Claire et lui confier :

— Lors d’une mission l’année dernière en Malaisie, elle a apprivoisé un tigre sauvage qui nous avait pris en chasse. À ta place, je ne m’en ferais pas pour Samoa : cette fille a un don !

 

Finalement, les deux jeunes femmes arrivèrent dans une salle plutôt sombre, encadrée par des vitres toutes aussi sombres.

— J’imagine que nous serons observées, lança Claire en scrutant la pièce.

— Tu imagines bien. C’est le protocole. Ma supérieure devrait nous rejoindre sous peu. Tu veux un verre d’eau ?

Claire acquiesça en prenant place d’un côté d’une petite table en fer, qui à en juger les traces de rayures et le gros anneau scellé en son centre, devait habituellement servir à interroger des prisonniers. Comme l'avait affirmé Alicia, une femme blonde de petite stature ne tarda pas à faire son apparition. Accompagnée d’un jeune homme qui semblait être son assistant, elle lui fit signe d’attendre à l’extérieur.

— Enchantée, mademoiselle Manahau, annonça-t-elle en tendant la main.  Directrice adjointe Millar.

Quelque peu impressionnée par sa prestance, Claire tendit la main en retour. Malgré sa petite taille, la femme dégageait une réelle aura d’autorité. Claire s’apprêta à répondre, mais la directrice adjointe ne lui en laissa pas le temps.

— Je ne vais pas y aller par quatre chemins, Claire. Cette situation est potentiellement explosive. Vous allez nous raconter tout ce dont vous vous souvenez depuis le moment où vous être rentrée chez vous, hier.

Claire inspira profondément et s’exécuta, sous le regard de son amie et de Millar.

 

Le débriefing dura plusieurs heures et Claire crut qu’il n’en finirait jamais. Millar notait tout dans les moindres détails sur un petit bloc-notes qui semblait désuet au milieu de toute la technologie qu’elle avait vue en arrivant ici. La femme ne l’interrompait que de temps en temps, afin de lui demander des précisions sur certains détails. Claire lui parla du carnet rouge et fut bien malgré elle obligée de le lui céder.

— Bien, je crois que nous avons fait le tour, finit par annoncer la directrice adjointe. Je vais vous laisser quelques papiers à signer. Il va sans dire que si vous voulez revoir le soleil vous serez obligée de vous en acquitter, lança-t-elle avec une tentative d’humour qui laissa Claire tétanisée.

Une fois Millar partie, Alicia tenta de rassurer son amie :

— Ne t’en fais pas, elle plaisantait. Mais ces accords de non-divulgation sont primordiaux. Avec ça, les hautes instances ne plaisantent pas.

— C’est ce que j’avais cru comprendre, lui répondit Claire avec un air morose.

Elle suivit son amie dans le couloir. Alicia lui indiqua le chemin à suivre tandis qu’elles regagnaient les quartiers qui lui seraient assignés.

— Et maintenant ? Je reste ici à l’abri en attendant que vous démêliez cette histoire ? Il s’agit quand même de ma famille. J’ai le droit de savoir, quelles que soient les horreurs que mon arrière-grand-père ait pu commettre.

— Je suis vraiment désolée, Claire, mais je ne sais pas. Le reste de cette opération risque d’être classifié. J’ai bien peur que tu n’en saches pas plus à l’avenir.

— Il s’agit pourtant de mon héritage, Al. Aussi sombre soit-il.

Elles finirent par arriver dans des quartiers qui, bien que spartiates, semblaient confortables. Les murs blancs conféraient à la petite salle une luminosité qui contrastait avec le gris déprimant des murs de la base. Une couchette occupait la partie droite, tandis qu’une salle d’eau occupait le reste de la pièce. Un bureau complétait le tout, avec un petit poste informatique qui semblait flambant neuf, tout comme l’ensemble de la pièce.

— C’est sympa, remarqua Claire. Pas si mal pour une prison.

— Arrête, ce n’est pas une prison. Tu es libre de parcourir certains accès de la base. Des gardes t’empêcheront d’aller là où tu ne dois pas aller, mais la salle de gym, la bibliothèque ou le mess te sont accessibles.

— Comme un camp de vacances, maugréa Claire. Et j’imagine que je n’ai pas accès à internet avec ce truc ? demanda-t-elle en désignant le poste informatique.

— Non, désolée, tu n’as accès qu’au réseau central avec le menu de la cantine, et la liste des livres et des films disponibles dans la bibliothèque numérique.

— J’imagine que c’est mieux que rien, soupira Claire en se jetant sur le lit. Au moins, le matelas est confortable, ajouta-t-elle.

Alicia ferma la porte et s’empara de la chaise de bureau, elle aussi totalement blanche, pour s’assoir en face de son amie.

— Tu vas bientôt repartir au combat ? demanda Claire en regardant le plafond.

— Sans doute. Les hauts gradés vont étudier toutes les infos que tu leur as apportées et nous retournerons ensuite sûrement à la chasse au trésor.

— Pour déterrer les secrets de ma famille, compléta Claire.

— J’aurais préféré que tout ça reste secret, je t’assure. Mais il s’agit de quelque chose qui dépasse ta seule famille à présent.

— Oui, je comprends. Je ne te le reproche pas, lui répondit Claire en s’asseyant. C’est juste que j’aurais aimé découvrir tout ça par moi-même.

— Tu seras bien plus en sécurité ici, cette structure est indétectable et totalement inviolable.

À peine eut-elle terminé cette phrase qu’une alarme se déclencha dans le couloir. Alicia ouvrit la porte à la volée et intercepta un technicien qui se précipitait dans le passage.

— Que se passe-t-il ? lui demanda-t-elle.

— Une brèche dans la sécurité au niveau 1, Madame.

Elle se tourna vers Claire qui la regardait, incrédule.

— Inviolable, tu disais ?

Alicia jura et se précipita dans le couloir.

— Reste ici, lança-t-elle par-dessus son épaule.

 

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