Ilann serait resté perché sur sa branche quelques heures encore, à hésiter, si une bourrasque n'était venue, plus forte que les autres, les ébouriffer tous les deux, l'érable et lui. Le vent soufflait encore. Il se leva, avec des gestes lents, prenant appui sur chaque branche comme sur un proche qu'on sait qu'on va quitter. L'après-midi était clair, il marchait lentement jusqu'à la forêt, lentement, la traversait, lentement dans les ruelles du village et sur la place. Arrivé là, il avait pris sa décision. Il ne rentra pas chez lui, et se dirigea chez un ami.
Avec sa tête de plus qu'Ilann, ses cheveux fous et son regard malicieux, Sam avait toujours été à ses côtés, dès les premiers coups de pied dans le ballon, dès les premières querelles avec les autres garçons, dès les premiers rires et les premiers regards de filles. Sam était aussi baraqué qu'Ilann était mince, il plaisait à tout le monde, et travaillait le bois dans un atelier tout à lui. Enfin, chacun admirait l'autre sans se le dire, c'était comme ça que leur amitié tenait.
La porte était ouverte. Ilann frappa pour annoncer sa présence et entra sans attendre, Sam était occupé à la finition d'un meuble, et révéla la tête pour saluer son ami de ce genre de tapes qu'on donne à un enfant qui fait des bêtises, mais Ilann esquiva et prit la parole le premier :
― Comment ça va ? Tu aurais une scie à me prêter ?
Sam éclata de rire et lui ébouriffa ses boucles pour qu'elles s'emmêlent. C'était un jeu entre eux. Sam était beaucoup trop grand pour qu'Ilann puisse facilement prendre sa revanche, et ça l'amusait.
― Qu'est-ce que t'as derrière la tête ?
― Tu sais bien, ça ne peut pas continuer comme ça.
― Je sais. Ça m'étonnait que tu mettes autant de temps, d'ailleurs. Je vais t'aider.
Et Sam, tout à la joie d'avoir un prétexte pour sortir de son atelier, reposa ses outils, mit sa veste et partit avec Ilann à travers la forêt. Ils reprirent le chemin de la falaise et Ilann lui montra l'érable. Sam émit un sifflement appréciateur et resta un temps à admirer la hauteur de l'arbre, se pencha pour voir où il prenait racine.
― C'est pas dans mes habitudes de dire ça, mais ce serait dommage de le couper.
Ilann ne répondit pas, et Sam, après un temps, reprit :
― Tu restes en bas et je t'envoie le morceau que tu veux ?
― C'est gentil, je préfèrerais le faire moi-même, et toi tu restes en bas.
À nouveau, Sam éclata de rire.
― Tu es sérieux, toi, tu vas jouer avec une scie au sommet d'un arbre ? Tu vas te casser un ongle.
Sam était d'un naturel joyeux et railleur. Ilann avait mis un certain temps à comprendre qu'il ne se moquait jamais que des gens qu'il aimait bien, et que ses actes en disaient plus long que ses paroles. Ilann n'eut qu'un regard à couler sur Sam pour que d'un haussement d'épaules lâche :
― Fais attention à tes appuis, vas-y doucement.
― Merci.
Un peu maladroit, Ilann grimpa à l'arbre au plus proche de la cime qu'il lui était possible, armé de la scie qui l'encombrait et qu'il maniait avec soin. Il trouva un endroit stable où poser les pieds et commença à scier un assez grand morceau du sommet de l'arbre, sans hésiter. Le bois céda. Il le saisit à deux mains, appela Sam pour s'assurer qu'il le réceptionnerait bien et le lui lança en essayant de ne pas perdre l'équilibre.
― La soirée va être longue, s'il faut tailler ce bout de bois en violon le plus vite possible...
― Ça ne te dérange pas ?
― Tant que tu me tiens compagnie. De toute façon tu vas vouloir le faire toi-même. Autant dire que sans moi, dans un an, on y est encore.
― Ha ! t'es drôle.
― Tu veux le porter ? Je vois que t'es amoureux.
― Tu lis dans mes pensées.
Ils continuèrent à plaisanter jusqu'à l'atelier, et ils se mirent à l'œuvre. À présent Ilann passait ses fins d'après-midi et ses soirées avec Sam à l'atelier. Le travail avançait vite, comme si le bois aidait à chaque étape de la fabrication, comme s'il voulait être violon. Sam cachait difficilement son émerveillement face à cette matière étonnante, et jurait n'avoir jamais travaillé un érable aussi tendre et musical. Tous deux, fascinés et impatients de voir l'instrument qui apparaitrait à la fin, se mettaient à l'ouvrage avec passion. Quand le bois fut découpé, poncé, assemblé, et verni, il admirèrent l'objet à la lueur de toutes les bougies qu'ils avaient pu allumer pour continuer le plus tard possible.
― En fait, j'avais déjà commencé à te faire un nouveau violon. J'attendais qu'il soit fini pour te le dire. Mais tu voulais du bois de cet arbre en particulier, je comprends pourquoi. Il y a du crin de cheval sur la table derrière toi, pour l'archet, et les cordes sont dans la boite à côté.
Touché par l'attention, Ilann ne put émettre qu'un demi-rire qu'il étouffa, tandis qu'il s'affairait à attacher les cordes et à finir l'archet. Il remercia Sam avec un quart d'heure de retard, et Sam n'y prêta pas attention, tant il suivait chaque étape de la création avec sérieux.
Il ne restait plus à Ilann que de poser le violon sous son menton et de jouer.
Belle union de la nature et du musicien, belle harmonie, belle symbiose. La plume est magnifique, racontant avec douceur et tendresse. On sent que tu caresses le récit. C'est beau.
Intéressant de découvrir un ami d'Ilann, quelques lignes de dialogue. Le titre de ton histoire prend désormais tout son sens. Il ne nous reste plus à découvrir ce que ce violon aura de "magique". Si ce n'est l'histoire en elle-même qui est magique^^
2,3 broutilles :
"où il prenait racines." -> racine ? ou ses racines ?
"Il ne restait plus à Ilann que de poser le violon" -> qu'à poser ?
Je continue....
Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il découpe l'arbre, mais c'est une jolie évolution de ton histoire.
Petite question : Il a quel âge, Ilann ? Parce que "vieux loup" et "vieux fou" c'est étrange à la lecture.
On se voit au prochain chapitre ^^
J'aime beaucoup le premier paragraphe, et l'amitié des deux garçons est bien décrite, c'est touchant.
A la place de « Au lieu de rentrer chez lui, il se dirigea chez un ami », tu pourrais juste dire, « mais il ne rentra pas chez lui », ça met un poil de suspense.
Evidemment c'est toi qui vois:)
Depuis le début, je m'interroge sur certaines tournures de phrases, comme « Avec sa tête de plus qu'Ilann, ses cheveux fous et son regard malicieux, Sam avait toujours été à ses côtés, dès les premiers coups de pied dans le ballon « . Moi, je trouve que cela met de la poésie, et que c'est ça qui donne un aspect de conte, mais je ne pas du tout sûre d'avoir raison, je suis bien trop novice. Pour un texte normal, tu devrais plutôt dire « Sam avait toujours été là », et ensuite le décrire « Sam avait une tête de plus qu'Ilann, des cheveux fous et un regard malicieux... »enfin quelque chose comme ça.
Mais vraiment, c'est une interrogation. Qu'en penses-tu ?
Désolée si je te mets des noeuds au cerveau
A bientôt :)
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J'ai pas de réponse, là, tout de suite, je vais dénouer ça cette nuit =D