IX. Appartement

Appartement. 

Anouar: Tu n’es plus là. Impossible de te remplacer, et je suis condamné à rester alors que tu n’es plus là. Tu n’es plus là. Partout où je regarde, tu n’es plus là. Ou peut-être ne l’as-tu jamais été. Je cours derrière une chimère, derrière un imaginaire, mais pourquoi suis-je encore là ?

Djamila: Anouar, va donc la retrouver, et ne t’en fais pas pour Isa. On veillera sur lui, Pierre et moi. Anouar, tu m’écoutes ?! Va la retrouver, bon sang ! Va, cours, vole, mais ne reste pas planté là à ne rien faire !

Anouar: Excuse-moi, Djamila. J’essayais simplement de comprendre.

Djamila: Comprendre quoi ?

Anouar: De comprendre pourquoi j’en suis arrivé là.

Djamila: Pourquoi ?

Anouar: Pourquoi suis-je ici, pourquoi êtes-vous là, pourquoi ma femme n’y est pas, pourquoi le pays brûle, pourquoi mon propre reflet m’est étranger ?

Pierre: Tu es ici parce que tu as choisi de l'être, même inconsciemment. Une partie de toi voulait être exactement où tu es. Il en va de même pour nous tous, et même pour Samira, elle est exactement là où elle doit être. Tu aurais pu être différent, Anouar, mais au fond, tu ne te serais jamais senti à ta place. Ton fardeau a été brisé, et chaque version de toi en a récupéré un morceau qu’elle porte à sa façon. Un autre Anouar se tient peut-être à côté de Samira, un autre est peut-être au Canada à regarder les rues de Paris brûler derrière l’écran de sa télé, un autre est peut-être assis dans un café en Tunisie à se demander s’il ne devrait pas sauter dans le prochain bateau vers la France. Toutes ses versions auraient pu exister, mais tout ce qui importe, c’est qu’aujourd’hui tu te tiennes debout dans cet appartement. Tu ne peux pas rester immobile. Tu dois choisir et renoncer pour avancer.

Djamila: Va-t'en, Anouar, ou dans dix ans tu seras toujours planté là à te demander si tu aurais dû partir ou rester.

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