IX • Immortalité

Au commencement, nos ancêtres sont apparus sous la forme d'une force si puissante qu'elle fit déferler une vague de lumière. Naquirent alors des merveilles qui prirent forme dans l'éclat des étoiles, et des monstres qui éclosirent dans un ouragan fait de flammes sans fumée.

Mon seigneur m'a longtemps interrogé sur cette histoire ancienne. Il voulait, plus que tout, percer le secret de la magie, de la mort et de l'éternité. Je peinais à le raisonner, mais son ambition était si grande. L'humanité ne se méfie jamais assez de ce qui la fascine. Tantôt à la recherche des ténèbres, tantôt en quête pour quelques sources divines. S'il savait. Le temps n'est plus quand il n'est point compté. On ne peut mourir, simplement survivre sans savoir où cela nous mènera. C'est la lassitude qui finit par causer notre propre disparition. Ou bien l'amour, selon certains démons... Je n'ai pas connu l'amour. Ai-je déjà eu ne serait-ce qu'un moment pour l'imaginer d'ailleurs ?

Si la vie est un calvaire, alors la vulnérabilité humaine est enviable en tout point. Comme compromis, je prévoyais, bien avant la perte de notre père, de quitter l'Enfer. Une fois proche de ces "misérables", comme mon frère aime les appeler, j'ai pu connaître des jours heureux. Quelques cicatrices persistent toujours néanmoins, et l'immortalité a un prix non négligeable. Une fois que l'on y renonce, nous ne sommes plus que des bêtes assoiffées d'entrailles. Et lorsque nous en profitons, nous ne sommes que des monstres dotés d'une voix et d'un savoir, des princes funestes, des dévoreurs dont l'essence est forgée dans la plus vile des cruautés, des prédateurs infernaux. Pour cela, les peuples humains n'ont définitivement rien à envier aux serpents que nous sommes.

Il fut un temps où la transformation était salutaire pour moi. Désormais, il m'est interdit de changer d'apparence à ma guise. Tous me haïssent pour ce que je suis. Auparavant, j'avais au moins la liberté d'entendre ou non leurs moqueries, leur colère ou leurs hurlements. Leur dégoût m'influence encore. En découvrant le miroir, j'ai appris à me détester. C'était donc cela, le prix de l'immortalité...

Voilà une chose qui réjouit mon seigneur, amusé sans cesse pendant qu'il me répète que ma laideur est à la hauteur du mépris qu'il me porte.

 

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