J'ai vu un fantôme !

 

A la fin du déjeuner, les parents annoncèrent qu'ils allaient se rendre à une brocante à une trentaine de kilomètres avec Christine. Ethan et Ophélie déclinèrent, vite rejoints par Louis qui détestait les brocantes. Piétiner des heures durant dans la foule et sous le soleil, très peu pour lui. Même si la plupart du temps, quand il y allait, il revenait souvent avec deux ou trois livres. Mais là, il déclina. Pas forcément pour courir après le fantôme, car même si l'envie était là, le courage de le faire lui manquait. Le simple fait de l'envisager était déjà inquiétant et Louis ne comprenait toujours pas sa réaction.

Voir cet esprit, même s'il semblait triste, même si effectivement, il semblait ne lui vouloir aucun mal, aurait du l'effrayer. Pourtant, hormis un rythme cardiaque plus important et une légère appréhension, il envisageait sérieusement de le revoir et ça n'était pas du tout normal. Dans les quelques vidéos Youtube qu'il avait vu, même ceux qui filmaient avait peur et hurlaient en tombant dessus. Qui n'en aurait pas fait autant ?

Peut-être sa volonté de l'aider et la tristesse ressentie parvenait à lui faire oublier sa peur... Toujours était-il qu'il n'hésita pas à refuser la brocante.

 

-Vous n’allez pas vous ennuyer ? demanda Christine.

-Non, on ira se balader, répondit Ophélie.

-Tu te joindras à nous ? lui demanda alors Ethan.

L'invitation de son frère étonna Louis. Il pensait que qu’il préférerait passer du temps avec sa petite amie.

-Pourquoi pas, répondit-il.

Peu pressé d'aller à la rencontre du fantôme, il aurait sûrement l'occasion de le revoir avant la fin du séjour.

 

Dès que les parents furent partis, Ethan demanda à Louis si cela l'embêtait de lui laisser la chambre. Ophélie et lui avait besoin de s'isoler. La demande franche de son frère et ce qu'elle impliquait le fit rougir. Il accepta donc sans problème et prévint qu'il serait dans le jardin.

Ethan le remercia avec force clins d’œil et emmena la jeune femme, pendant que Louis sortait, préférant ne rien savoir.

 

Il prit un livre dans la bibliothèque et gagna le salon extérieur où il s'assit sous le parasol. La journée serait encore très chaude, songea t-il en fermant les yeux, détendu dans le confortable banc pourvu de coussins. Renonçant à lire, il somnolait depuis un moment, écrasé par la chaleur, quand il se sentit soudain mieux, un agréable courant d'air froid le rafraîchissait, accompagné d'un doux parfum floral.

Réveillé par cette sensation de fraîcheur, il n'ouvrit cependant pas les yeux, espérant se tromper, mais sa main droite, là d'où venait l'air froid, commençait à s'engourdir comme s'il l'avait laissé dans la glace. Et il n'y avait qu'une raison à cela !

Son rythme cardiaque s'emballa tandis que son ventre se nouait, au fur et à mesure que la compréhension se faisait jour en lui. Le fantôme. Il était là, près de lui, vraiment tout près.

 

En fait, sans le voir, il sentait bien que l’entité le touchait. Pourtant, une fois la surprise passée, il réalisa qu'il n'était plus terrifié comme la veille sous la douche. D'accord, son cœur battait tellement fort qu'il lui faisait mal et tout son corps tremblait, mais il tentait de se calmer et surtout, il n’avait aucune envie de partir.

 

Par réflexe, ses yeux finirent par s'ouvrir tandis qu'il respirait fort pour essayer de se détendre. Son esprit rationnel essayait d'anticiper ce qu'il allait voir. Il lui sembla que sa tête tournait toute seule et qu'il ne pouvait l'empêcher, d'ailleurs essayait-il vraiment ?

Il vit bientôt sa main recouverte par… Comment accepter et mettre des mots sur ce qu'il voyait ? Un voile blanc, floconneux, comme un nuage très léger ayant vaguement la forme d'une main. Pourtant, bientôt, comme la veille, les contours se précisèrent et la main apparut parfaitement nette, bien que transparente. Une main féminine aux longs doigts.

Curieusement, la main continuait de fluctuer, devenant opaque avant de redevenir quasiment invisible, comme si elle tentait de rester tangible.

 

Louis leva doucement les yeux et vit ou plutôt devinait une silhouette toute aussi fluctuante assise près de lui, vêtue de la même robe grise à carreaux que la veille. Là encore quand elle devenait visible, Louis vit le visage en pleurs et, chose curieuse, quand le visage s'effaçait les larmes demeuraient visibles. Elles dessinaient de longues traînées d'une blancheur lumineuse, presque scintillantes, bien plus visibles que la veille. La tristesse infinie que Louis voyait dans cet esprit et dans ce regard noyé de larmes le calma un peu, sans qu'il n'ose bouger.

 

La silhouette spectrale ne bougeait pas et maintenait sa main sur celle de Louis. Malgré la crainte, le garçon acquis une certitude, une certitude totalement stupide, mais qui s'imposa à lui : le fantôme tentait de le rassurer.

Assise près de lui, elle lui donnait la main.

 

Louis resta figé pendant un long moment avant qu'il ne décide à rompre le contact…avant de se lever, doucement. Il vit alors le fantôme l'imiter.

La voir se mouvoir avait quelque chose de fascinant, elle se leva doucement, semblant flotter et se mît face à lui, avec les bras croisés sur sa poitrine, la tête penchée, un sourire aux lèvres malgré ses larmes.

Louis, le cœur serré, sentant qu’il pleurait aussi, la regarda un moment, éberlué de la revoir si vite. Maintenant que l'occasion était là, il devait la saisir. Il essuya ses larmes et tenta de dire quelque chose, mais sa voix se brisa, submergé par un chagrin dont il ignorait la cause. Était-ce l’esprit ?

 

Un mot s'imposa alors à lui :

-An… Angeline ?

La réaction du fantôme fut immédiate. Entendre ce prénom lui fit redresser la tête et décroiser les bras. Son visage exprima une profonde surprise.

-Vous êtes Angeline, reprit-il d’une voix un peu plus assurée.

L'apparition hocha la tête avant de sourire à nouveau. Elle attendait visiblement que Louis dise autre chose, sauf qu'il n'avait aucune idée de quoi dire en pareilles circonstances. Ses recherches matinales ne lui avaient donné aucun conseil sur les conversations avec les fantômes. Déjà peu bavard d'ordinaire, l'imagination de Louis pédalait en vain.

-Je… m'appelle Louis, fit-il au bout d'un moment.

Stupide ! se reprocha t-il aussitôt.

-Louis.

La voix avait semblé résonner dans sa tête, pourtant il était certain de l'avoir aussi entendu. Une voix féminine et … humaine, semblant venir de très loin. Le jeune homme n'en revenait pas, le fantôme lui avait parlé ? L'impression était très curieuse et n'avait rien à voir avec une voix normale. C'était comme s'il l'entendait à la fois proche et lointaine.

-Louis.

Bon là, il n'y avait plus de doute, elle lui parlait. Il acquiesça sans vraiment le réaliser.

-Pourquoi vous montrez-vous à moi ? demanda t-il très vite.

Le visage redevint triste et le sourire s'effaça. Craignant d'avoir commis un impair, Louis tenta de se rattraper :

-Je … j'aimerais vous aider, mais, je ne sais pas… comment.

A nouveau le sourire. Puis, la main droite se leva et l'index le visa un court instant avant qu'elle ne désigne son propre cœur ou, du moins, là où il s'était trouvé.

Louis ne comprit pas. Lui signifiait-elle qu'il avait du cœur ? Ou qu'elle l'aimait ? Aussi stupide fut-elle, l'hypothèse lui avait traversé l'esprit…

-Je … peux vous aider ? C'est … possible ?

Les yeux furent soudain empreints d'une curieuse lueur avant qu'elle n'acquiesce.

-Comment ?

L'apparition se contenta de sourire avant qu'à nouveau, il ne l'entende dire son prénom :

-Louis.

-Vous ne pouvez pas parler ?

La tête répondit négativement. Mais Louis comprenait. Il avait lu à la bibliothèque que les fantômes vivaient dans une dimension différente de la sienne, ce qui expliquait leur rareté. Seuls quelques esprits parvenaient à se matérialiser et à interagir, ce qui demandait une force considérable et parler était le plus dur. Pourtant, elle venait de dire son prénom, à deux reprises !

-Louis ! l’appela soudain une voix qui n'avait rien de fantomatique. La voix d'Ophélie qui déboucha de l'angle de la maison. On va ...

Elle s'interrompît brusquement en voyant le fantôme tandis qu'Angeline darda son regard sur elle … en tournant sa tête à cent quatre-vingt degrés ! 

 

Louis, la voyant sur le point de hurler, se précipita sur elle et posa sa main en travers de la bouche tandis qu'il la ceinturait de son autre bras en essayant de la maintenir contre lui. Le corps d'Angeline pivota à son tour et continua à fixer les deux jeunes gens de ses immenses yeux gris. Louis sentait des larmes couler sur sa main et le corps d'Ophélie se mettre à trembler. Visiblement, elle paniquait, ce qui n'avait rien de surprenant. Louis essaya de la rassurer :

-Calme-toi, elle ne te veut aucun mal, je te le promets.

Mais, ces paroles n'eurent absolument aucun effet sur la jeune femme qui tremblait de plus en plus fort et dont les yeux ne quittaient pas l'apparition. Louis ne savait pas quoi faire. Lui-même avait paniqué la première fois, la réaction était normale, mais il ne pouvait prendre le risque qu'Ophélie hurle et alerte son frère. Elle risquait de passer pour une dingue et lui n'aurait plus aucune chance de l'aider.

Fort heureusement, semblant réaliser la panique de la jeune femme, Angeline eut la bonne idée de s'effacer doucement, toujours ce sourire empreint de désespoir sur son visage en larmes. Dès qu'elle fut partie, Ophélie se cabra brusquement et se libéra de l'étreinte de Louis avant de filer en courant vers la maison sans qu’il ne puisse la retenir. En arrivant au coin, elle heurta Ethan de plein fouet, ce qui la fit chuter, mais elle se releva et se précipita en pleurs dans la maison juste avant que les garçons n'entendent les portes claquer.

-Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Ethan.

-Rien, je…

-Rien ! T'as vu dans l'état qu'elle est ? On dirait qu'elle a vu un fantôme !

-Sois pas bête…marmonna Louis.

-Bah, expliques toi…

-Non, j'en sais rien, elle est venue me voir et… et elle est repartie en pleurs.

-Comme ça ? Et toi ? Attends, mais tu pleures aussi ! T'as les yeux tout rouges !

-…

-Va falloir que tu me parles, parce que je ne vais pas te lâcher comme ça ! Je veux savoir ce qui se passe ici !

-Rien…

-Me prends pas pour un imbécile ! Tu n'aurais pas essayé quelque chose avec elle ?

-Quoi ? De quoi tu m'accuses ? répondit le jeune homme en s'essuyant les yeux.

-Je ne sais pas. Ma copine de très bonne humeur jusque là, m'est rentrée dedans et est repartie en courant comme une dingue, juste deux minutes après être venue te parler. Et mon frère est aussi en train de pleurer. Tu vois le problème ?

-Enfin, Ethan, tu sais très bien que je ne lui aurais rien fait quand même !

-Oui, bah, ce que je viens de voir me fais quand même douter… Et ton explication ou plutôt ton absence d'explication me conforte dans mon doute, parce que là, autrement, je pige pas.

Haussant les épaules, Louis chercha à filer dans la maison, il devait parler à Ophélie. Mais son frère le retint :

-Tu crois que tu vas où ?

-La voir, faut que je lui parle.

-Ça m'aide pas à te croire innocent…

-Arrêtes, fit Louis en se dégageant.

-Non, mais je rigole pas. Tu restes là et c'est moi qui vais lui parler.

Impuissant, Louis dut regarder son frère rentrer dans la maison. Que pouvait-il faire ? Maintenant qu'Ophélie avait vu Angeline, elle ne pourrait plus nier son existence et allait forcément en parler. Tout comme lui avait fini par tout raconter à la jeune femme. Les conséquences n'étaient pas faciles à déterminer, mais les choses allaient certainement se compliquer pour Louis. Et ce, juste au moment où il voulait vraiment aider Angeline. Car sa décision était définitivement prise. La tristesse du fantôme lui broyait le cœur et il ne pouvait ignorer un tel chagrin. Restait à savoir comment il pourrait l'aider et si le délai qu'il lui restait serait suffisant… Une semaine et demie, cela faisait très court, surtout qu'il n'avait aucune idée de par où commencer.

La porte d'entrée claqua soudain. Louis vit alors son frère sortir et prendre le chemin, visiblement furieux.

Intrigué, il s'approcha de la maison et entra. N'ayant aucune idée d'où se trouvait la chambre de la jeune fille et hésitant à entrer dans les parties privées sans y avoir été invité, il ne sut pas trop quoi faire. Il restait debout au milieu du séjour, pesant le pour et le contre, quand la porte de la bibliothèque s'ouvrit sur une Ophélie très pâle, les joues striées de larmes. Elle le fixa un long moment avant d'examiner son salon et de se décider à lui parler :

-Elle est partie ? murmura t-elle d'une petite voix chevrotante.

Louis acquiesça, le cœur serré de la voir dans cet état.

-Tu me jures qu'elle ne va pas revenir ?

-Pas dans l'immédiat, fit Louis, espérant vraiment que ce serait le cas.

-Ethan ?

-Il vient de partir, très en colère, apparemment.

-Viens.

Louis hésita.

-Viens ! répéta t-elle. Faut qu'on se parle.

Il la suivit donc, intérieurement admiratif de la voir reprendre si vite ses esprits. Elle entra dans sa chambre tandis que Louis hésita encore, sur le seuil.

-Ca va, rentres ! fit-elle.

« La chambre d'Ophélie, songea Louis, je suis dans la chambre d'une fille. »

Une grande première pour lui. Il ne put d'ailleurs s'empêcher de jeter des coups d'oeils un peu partout, surtout au lit et à l'armoire.

-Quoi ? fit-elle.

-Hein ? répondit-il, surpris.

-Je ne sais pas, tu regardes partout comme si tu craignais de te faire attaquer ! C'est qu'une chambre.

-Désolé, je n'ai pas… vraiment… l'habitude…

-T'as jamais vu de chambre ? Bref, peu importe, fit-elle. Maintenant, tu vas t'expliquer, je veux tout savoir.

-Je ne sais pas trop par où commencer et …

-Alors, je vais t'aider. Il y a un fantôme chez moi, un fantôme avec lequel tu discutais tranquillement. J'admets, je t'ai pris pour un dingue, mais là, je viens d'avoir la peur de ma vie…

-Tu le prends super bien, pourtant…

-Non, là, c'est qu'une impression. J'ai le cœur qui bat beaucoup trop vite, j'ai du mal à respirer, la gorge sèche et j'arrête pas de trembler. Je sais que dès que je vais m'arrêter de parler, je vais fondre en larmes, parce que ce que j'ai vu … c'est pas possible, ça n'existe pas ! Et toi, tu discutais tranquillement avec elle ! Comment ça se fait ? Elle te fait pas peur ? J’ai cru que j'allais m'évanouir, je …

-Ophélie, faut que tu te calmes, là !

-Je peux pas me calmer ! cria t-elle. J'ai vu un fantôme, bordel ! Un putain de fantôme ! C'est beaucoup trop pour moi…

Et là, elle fondit en larmes, se laissant glisser contre le mur de sa chambre, le corps secoué de sanglots, ramassée sur elle-même. Louis était un peu désemparé, n’ayant jamais eu à gérer une fille en pleine crise de larmes. Néanmoins, se souvenant de ce qu'elle avait fait pour lui, il voulut lui apporter un verre d'eau.

-Tu vas où ?

-Chercher un verre d'eau, je …

-J'ai pas besoin d'un putain de verre d'eau, martela t-elle. Et t'as pas intérêt à sortir de cette chambre, tu m'entends, je t'interdis de me laisser seule.

-Non, mais tu n'as rien à craindre, elle ne va rien te faire, tenta maladroitement Louis, elle…

-Qu'est-ce que t'en sais ? Bordel, j'ai rarement vu des films de fantômes où ça se termine bien !

-C'est pas un film, là.

-Justement ! Elle pourrait très bien nous posséder, s'attaquer à nous pendant qu'on dort, elle va nous trucider et on va nous retrouver égorgés…

-Ophélie, il faut absolument que tu te calmes, je te jure qu'elle n'a aucune mauvaise intention et …

-Je sais, je pars en vrille, je ne suis pas rationnelle, mais il y a un fantôme chez moi, dans ma maison ! Comment tu veux que je me calme en sachant qu'elle est là, quelque part et que je peux tomber dessus n'importe quand !

-Ça t’est déjà arrivé ?

-Quoi ?

-Tu l'avais déjà vu ?

-Bien sûr que je l'ai déjà vu, en fait, des fois, elle m'accompagne au cinéma ou avec les copines et on discute de la mode ! ironisa t-elle. Non, mais t'es bête ou quoi ? J'ai l'air de l'avoir déjà vu ? Non, mais franchement, est-ce que ma réaction montre que je suis super à l'aise avec elle ?

-Excuse-moi, j'essaie de t'aider à te détendre.

-Bah, c'est raté, fit-elle d'une voix pourtant plus calme.

Louis remarqua aussi que son corps tressautait moins, sans doute ses nerfs commençaient-ils à se relâcher…

-Ça va mieux ?

Il dut attendre un moment avant que la réponse ne lui parvienne :

-Oui.

Pourtant, elle restait toujours prostrée.

-Ophélie ? Regardes moi.

-Non.

-Pourquoi ?

-Si ça se trouve, elle est là…

-Je te jure que non.

-On est seuls ?

-Complètement.

-Et tu me jure qu'elle ne va pas apparaître d'un coup en passant à travers la porte.

-Elle ne l'a encore jamais fait.

Il entendit un soupir :

-T'es nul pour réconforter les gens.

-Je sais.

Autre moment de silence.

-T'es où ?

-Comment ça ?

-T'es loin de moi ?

-Je suis debout à côté de ton bureau.

-Viens t'asseoir près de moi.

Louis obéit.

-Plus près et tu me prends la main.

Louis hésita à nouveau en regardant la main qu'elle lui offrait. Elle voulait vraiment qu'il prenne sa main…

-Dépêches, fit-elle tandis que ses doigts s'agitaient.

Il se décida, sentant son cœur s'emballer. C'était la première fois qu'il tenait la main d'une fille dans la sienne. Une main fraîche et douce dont les longs doigts s'enroulèrent autour de la sienne.

-Bon, reprit-elle, tu me jures qu'elle n'est pas là ?

-Je te le promets.

Au bout d'un autre long moment, il la vit commencer à relever la nuque, tandis qu'elle serrait sa main plus fort. Il constata, amusé, que malgré sa tête relevée, elle avait toujours les yeux fermés.

-Ophélie, je te signale que tu fermes les yeux.

-C'est bon, je sais. Donnes moi deux minutes.

Finalement, il lui en fallut près d'une dizaine et à vitesse très modérée. Elle jeta un regard anxieux à sa chambre en en faisant le tour du regard.

-Tu vois, fit-il. Il n'y a rien.

-Ouais, c'est bon.

Elle essaya de se lever, vacillante, sans toutefois lâcher la main de Louis, prenant appui sur lui, ravi de cette proximité.

-Faut que je sorte prendre l'air.

-Si tu veux.

-Passe devant, fit-elle en le lâchant, aux grands regrets de Louis qui aurait bien volontiers poursuivi le contact.

Ils regagnèrent la bibliothèque sans encombre, mais Louis se figea en arrivant sur le seuil.

-Pourquoi tu t'arrêtes ? demanda Ophélie d'une voix inquiète qui repartait en vrille. Me dis pas qu'elle est là… Par pitié, non…

Le regard fixé sur la silhouette fluctuante aux larmes scintillantes, Louis ne savait trop que faire. Il tenait une occasion en or de pouvoir terminer sa "discussion " avec Angeline, mais d'un autre côté, Ophélie, qu'il entendait recommencer à sangloter, était encore trop fragile et en pleine détresse. Il ne pouvait pas lui infliger une seconde vision, c'était beaucoup trop tôt.

-Tu peux rester dans la bibliothèque ?

-Tu ne vas pas me laisser seule ?

-Elle est dans le salon et il faut que je lui parle.

-Hein ! Lui parler ! Non mais t'es dingue ! Faut qu’on se tire !

-S'il te plaît, je te jure que c'est important.

Il y eut un instant de silence pendant lequel Angeline ne quitta pas Louis des yeux. Puis, il sentit la main d'Ophélie reprendre la sienne :

-Ok, mais je ferme les yeux.

Louis, surpris et admiratif de son courage, tînt fermement sa main.

-Angeline, fit-il.

L'apparition lui sourit.

-Louis.

Cette fois, sa voix était devenue un murmure avec toujours ce curieux effet de résonnance. Il sentit aussi la main d'Ophélie tressaillir.

-Tu l'as entendu ?

La jeune femme ne répondit pas. La devinant trop terrifiée, Louis n'insista pas.

-Comment je peux vous aider ? reprit-il. Votre mort était-elle un meurtre ?

Elle secoua négativement la tête.

Louis ne savait trop que faire, ni que demander. Si Angeline ne pouvait l'aider plus que ça, il n'allait jamais réussir à l'aider avant la fin de son séjour. Il remarqua pourtant que le regard gris était fixé sur Ophélie, toujours les yeux fermés. Il lui sembla alors que l’entité regrettait qu'elle ait peur d'elle. Moins d'une minute plus tard, elle s'effaça.

Louis se tourna vers la jeune femme :

-Elle est partie.

 

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Jowie
Posté le 26/08/2018
Oh, je suis contente que l'on retrouve si vite notre chère petite fantôme ! Je ne sais pas pourquoi, mais je l'aime vraiment bien, elle est touchante et on dirait que c'était une personne pleine de sentiment et chaleureuse. Je suis impatiente de découvrir l'explication que tu donneras pour la raison que toute personne qui voit Angeline commence à pleurer.
J'aime bien aussi la façon dont tu représentes les fantômes et comment Louis les explique, d'une manière quasi-scientifique. Ça rend les fantômes « crédibles ». Comme le fait que communiquer depuis une autre dimension leur demande de l'effort. D'ailleurs, si Louis donnait un crayon à Angeline pour qu'elle écrive ses souhaits, en serait-elle capable ou serait-ce trop difficile ?
Oh mon dieu, le moment où Ophélie débarque et Angeline la foudroie du regard en tournant la tête comme un hibou était épique xD Je me suis parfaitement imaginée la scène !
Juste une question : pourquoi est-ce que Louis jette autant de coups d'oeil au lit et à l'armoire d'Ophélie en particulier ? Ils ont quelque chose de spécial ?
« T'as jamais vu de chambre ? » → cette phrase dans son contexte m'a fait rigoler. J'imagine Ophélie dans un état émotionnelle chaotique, au bord des nerfs et Louis en mode « Je suis dans la chambre d'une fille. Ne pas paniquer. Ne surtout pas paniquer. » hahha Ophélie est trop drôle quand elle a peur, drôle et adorablement courageuse:)
REMARQUES
aurait du l'effrayer. → dû
sa volonté de l'aider et la tristesse ressentie parvenait → parvenaient
Ethan le remercia avec force clins d’œil → à force de clins d'oeil ? Avec la force des clins d'oeil ?
La voir se mouvoir avait quelque chose de fascinant, elle se leva doucement, semblant flotter et se mît face à lui → je remplacerais la virgule après « fascinant » soit par un point, soit par une virgule // mit
Stupide ! se reprocha t-il aussitôt. → reprocha-t-il // d'ailleurs, je me demandais pourquoi il se dit que se présenter est stupide. Je ne crois pas qu'il y ait de juste ou de faux quand on parle à un fantôme xD à moins qu'il ait lu des trucs là-dessus sur internet...
Elle s'interrompît → s'interrompit
Bah, expliques toi → explique-toi
Et mon frère est aussi en train de pleurer. → vu que c'est Ethan qui dit ça à Louis, il dirait plutôt « et tu es en train de pleurer », non ?
Arrêtes, fit Louis → Arrête
-Ca va, rentres ! fit-elle. → Ça va, rentre
des coups d'oeils → œil
Regardes moi. ->Regarde-moi
Dépêches, fit-elle → Dépêche
Donnes moi deux minutes. → Donne-moi
<br />
sidmizar
Posté le 26/08/2018
Alors ton 2e com'...
je suis content que tu perçoives ce fantôme comme touchant, je voulais que l'on comprenne pourquoi Louis veut l'aider. Après pour ce qui est des pleurs de ceux qui la voient, c'est un mélange d'émotion, de peur et le choc de voir un fantôme en vrai !
D'ailleurs, s'il se reproche sa stupidté, c'est que, comme d'habitude, il ne sait pas quoi dire et aimerait être plus prolixe. Bien sûr, parler à un fantôme n'a rien d'habituel et personne ne saurait quoi dire, mais...c'est Louis. Il ne se sent jamais à la hauteur.  
Oui, ce côté scientifique, c'est un peu moi. J'aime expliquer les choses, leur donner une explication et une crédibilité. Pour lui donner un crayon, j'avoue que ça, je n'y ai pas pensé.
cette scène du retourné de tête, je la voyais et j'ai vraiment voulu essayé que mon lecteur la "voit". Mission réussie !
Pour ta question, notre Louis n'est pas un habitué de cette "proximité" avec le sexe opposé. De plus, la chambre d'une fille, en plus de l'aspect intime : elle y dort (d'où le lit) et s'y habille (l'armoire). Là, il a l'impression de "pénétrer" en territoire inconnu, donc, il regarde partout et comme tu le dis, il est en mode "panique pas, panique pas ! Et je suis content que tu trouves Ophélie à la fois drôle et courageuse dans ses réactions. Elle n'aime pas avoir peur, et essaye de se rassurer avec Louis qui semble plus habitué. 
Voilà ce que je pouvais en dire...   
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