Jesprit

Par Moje
Notes de l’auteur : Histoire inspirée par "Become the beast" de Karliene. Dans l'idée, ressemble à Du Mauvais Côté, mais comme je ne les écrirais sûrement pas toutes les deux peu importe. La principale différence est que Fine fini par s'entendre avec le Crapaud, tandis que Jesprit ne sera sûrement jamais d'accord avec le duc.
 

 « — Que j’accepte ou que je refuse, mon enfant, tu serais morte. Voici les cartes, prends-les en mains et choisi comment les abattre. »

Lorsque l’empire Damantin déclare la guerre à Créor, le baron des Elancines sait qu’il se prépare pour une guerre perdue d’avance : jamais il ne pourra défendre son fief situé près de la frontière. Lui qui pensait que le ciel l’avait déjà puni plus que de raison en lui donnant une fille maudite, que la nuit change en loup lorsque tout le monde est couché. Ce secret, s’il venait à être dévoilé, lui vaudrait d’être brûlé sur un bûché pour sorcellerie, mais quelle importance maintenant ?

Mais alors que ses maigres troupes se rassemblaient pour servir le royaume une dernière fois, un fiacre d’ébène s’arrêta dans la cour. À son bord, le duc des Larmentes, un homme cupide et calculateur prêt à offrir sa protection aux Elancines en échange de la main de Jesprit.

Advienne que pourra

 

 

Extrait:

                Le duc tira sur sa cigarette puis expira lentement la fumée. Un sourire glacial se peignit sur ses lèvres.

 — Impressionnant.

Face à lui, l’animal. Plus gros qu’un loup ordinaire et les yeux pleins d’orage, il les aurait depuis longtemps broyés entre ses crocs si les fusils ne l’avaient pas tenu à l’écart.

 — Monsieur ? l’appela Jacob.

Une lueur de crainte brillait dans l’œil du jeune homme mais ses mains ne tremblaient pas.

D’un mouvement de tête, il acquiesça. Méthodiquement, les hommes battirent en retraite vers le bâtiment, trainant après eux le mouton égorgé. Des grognements de convoitises raisonnaient dans la gorge du loup qui faisait les cent pas à bonne distance. L’odeur du sang qui se répandait sur leurs traces l’excitait au point de tromper sa prudence. À pas comptés il gagna l’intérieur des murs, les oreilles aux aguets : il était le prédateur par excellence, il ne craignait rien ni personne tant que les fusils étaient à distance.

Le mouton fut déposé dans la cave, et tout le monde se retira. Le loup entra, et on referma la porte sur lui. Des bruits d’os brisés en morceaux et de chaire arraché résonnèrent longtemps dans les entrailles du château, jusqu’à ce que des hurlements à la mort prennent la relève : l’animal tentait de s’échapper du piège grossier qui lui avait été tendu. En vain.

Les lèvres du duc s’étirèrent de plus belle.

 — Bonne nuit, chère épouse, murmura-t-il en se réservant un verre de whisky.

 

 

Chapitre 1- déluge, prélude

                Dehors, le ciel pâlissait lentement. Le vent frais charriait l’odeur de la pluie et quelques gouttes perdues, jouait dans les herbes hautes, s’enroulait autours de la tour avant de repartir, souffler dans les crins des chevaux et les feuilles des arbres, de passer la forêt, la rivière, pour quitter Créor. Là-bas, c’était l’autre côté. Là-bas, le royaume prenait fin, simplement séparé de l’empire Damantin par un cours d’eau.

Maxent scrutait la frontière de ses yeux délavés. Un pli d’inquiétude était venu s’ajouter aux autres sur son front. Pour le moment, la frontière était dégagée, mais il savait que la rivière était là moins largue qu’ailleurs : la baronnie était un point de passage idéal.

Hier, un messager était parvenu au château de l’Églantier, portant dans son havresac de bien mauvaises nouvelles : leurs voisins venaient de leur déclarer la guerre. Créor avait beau ne pas être le plus grand et le plus prospère des pays, ne possédant pour lui d’autres avantages que quelques bonnes terres, des chevaux qui gagnaient aux courses et une technologie de pointe, l’empire avait fini par si intéresser, après avoir absorbé ses plus riches frontaliers. Et si l’empire passait à l’attaque, ce serait par la baronnie des Elancines.

 — Demain, peut-être. Pas aujourd’hui, murmura Maxent en rangeant sa longue-vue.

L’averse s’abattit sur la tour tandis qu’il descendait les marches de l’avant-poste. Ses jambes flageolaient et dans son ventre, la désagréable sensation d’un trou béant creusé par la peur le rendait nauséeux. Le choix, il ne l’avait pas.

 — Bonne journée, Tumelors, lança-t-il à la sentinelle en lui tapant dans le dos d’un geste amical. Surtout, reste bien sur tes gardes, nous comptons sur toi.

 — Bonne journée, Monsieur le Baron. Comme toujours, fidèle à mon poste.

Il tient le palefroi noir par la bride alors que son maître montait.

Une fois en selle, Maxent eut un dernier regard pour la forêt derrière laquelle se cachait la frontière. Puisse-t-elle les freiner au jour fatidique. Il talonna sa monture et quitta l’avant-poste au galop. Sa tournée d’inspection était terminée pour aujourd’hui. Il aurait aimé qu’il en soit toujours ainsi, jusqu’à ce que la mort vienne le cueillir au petit matin dans son lit.

 

 

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