Jeunes fugueurs

Je faisais un tour à la taverne, toujours mon lieu de prédilection pour la pêche aux infos.

— Quand je pense à cette petite qui s’est barrée avec son amoureux en se foutant du pognon de ses parents, lançai-je pour tenter de provoquer une réaction, je me dis que j’aurais dû enlever pareil la fille de mes rêves quand j’avais seize printemps.

— Imbécile ! Tu devrais pas croire tous ces racontars ! Cria un poivrot de sa voix mal assurée en s’approchant.

Je m’étais dit qu’une touche, c’était toujours mieux que rien. Même si j’allais devoir prendre ce qu’il racontait avec des pincettes.

— Le petit Éric n’a jamais été intéressé par cette petite snob de Vanessa, continua-t-il, il était sur le point de demander sa main au père de la charmante Ariel.

— Tu es sûr mon pote ?

— Evidemment, on fait pas gaffe à moi, mais j’ai des yeux et des oreilles ! Je sais ce qui se passe !

Bien que je transcrive clairement ses paroles dans ce carnet, entre le bruit ambiant et sa voix pâteuse, je devais m’accrocher pour comprendre son baragouinage infâme.

— Raconte-moi ça, ça nous occupera pendant que je te paie une tournée, dis-je en faisant signe au tavernier de le resservir.

— Merci, l’ami, je sais qu’il avait déjà acheté la bague. Il s’était tapé le voyage jusqu’à Cittagazze et avait gaspillé presque toutes ses économies pour trouver un beau gros cailloux. Juste pour être valable au yeux du père de sa belle.

Je n’aimais pas ses mimiques ou sa façon d’articuler avec un soin exagéré. Cela ne me semblait servir qu’à se moquer des jeunes amoureux. De plus, cela ne rendait pas ses propos plus limpides. N'avons-nous pas tous été jeunes et naïfs ? Cependant je m'efforçais de ne pas montrer mon ressentiment. Inutile de se mettre à dos un bavard dont le savoir serait peut-être utile.

— Si tu veux mon avis, il a trop fanfaronné. Il s’est fait détrousser et son corps pourrit dans un fossé quelconque.

— Et la disparition de Vanessa le même jour ? C’est une coïncidence ? Ai-je demandé pour réorienter la conversation sur ce qui m'intéressait réellement.

Lorsque j’ai constaté qu’il faisait une pause en me fixant, j’eus peur l’espace d’un instant d’avoir été trop direct. Puis il est reparti en s’aidant d’une gorgée de la bière infecte qu’ils servaient ici. Je devais être plus prudent, les riches parents de Vanessa ne me paieraient que si je la ramenais. Or pour être sûr de la retrouver, il ne fallait ni négliger de piste, ni se mettre à dos une source de renseignements avant d’être sûr qu’ils ne soient pas valables.

— Pour sûr ! Et ça me fait tilt pour une autre coïncidence sur Éric et Vanessa, ils n’ont pas seulement le même âge, ils sont nés la même nuit ! Je me rappelle ! C’était cette nuit bizarre où des lumières étranges étaient apparues dans le ciel…

J’étais en train de me demander si ce qu’il disait avait un intérêt, ou si je devais juste ignorer des élucubrations dues à son amour de la boisson, lorsqu'une voix à l’élocution claire intervint.

— Sale nuit ! J’avais perdu des bêtes, trois braves bêtes, et je suis pas le seul.

— Comment ça ? Demandai-je en me tournant, intrigué par cette interruption. Des attaques d’animaux sauvages ? Des loups peut-être ?

— Non l’étranger, on n’a jamais compris. Les bêtes avaient l’air indemne. Sauf qu’elles étaient mortes.

C’est à ce moment là que tu commences à te rendre compte que c’est la merde. La petite mission de routine n’en est pas une. C’est toujours foireux lorsqu’il y a de la magie dans l’air. Et ça, ça ressemblait aux prémices d’une catastrophe. Le genre de catastrophe annoncée par des prophéties… Les prophéties, c'est ce qu’il y a de pire.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Galadrel
Posté le 11/02/2024
C'est un bon début pour lancer une quête de JDR (tout commence et tout fini à la taverne).
Au vu du problème de cette histoire, je me demande quelles sont les limites de la magie et les règles qui en découlent ?
arcadius
Posté le 13/02/2024
Les limites ? Tu es limité par 2 choses :
- Tes réserves d'énergie (si j'étais fou, je pourrais appeler ça mana), or celle-ci se renouvellent quotidiennement.
- Ta maîtrise lors de l'utilisation de cette énergie.

Disons 3 choses, il faut avoir de l'imaginations ^^;
Nathalie
Posté le 03/12/2023
Coucou arcadius

Quand je pense à cette petite qui s’est barré avec son amoureux
→ barrée

Cria un poivrot de sa voix mal assuré en s’approchant.
→ assurée

son corps pourri dans un fossé quelconque.
→ pourrit

j’eu peur l’espace d’un instant d’avoir été trop direct
→ j’eus

Puis il est reparti en s’aidant d’une gorgée de la bière infecte qu’il servait ici.
→ « qu’il servait ici ». Qui ça ? Le poivrot ? Ça seraient plus clair en mettant « qu’ils servaient ici », sous-entendu tout le monde et personne, les propriétaires du bouge quoi.

Le genre de catastrophe annoncé par des prophéties
→ Je mettrais plutôt « annoncée » parce que c’est plutôt la catastrophe qui est annoncée que le genre mais c’est discutable, j’en conviens.

Mignon ce petit texte simple. C’est effectivement typique d’un début de scénario de JDR.
arcadius
Posté le 04/12/2023
Coucou Nathalie,

Merci, j'ai pris en compte tes corrections.

J'admets que c'est plutôt classique, mais je me suis dit que je ne pouvais pas me contenter de m'adresser seulement à des personnes déjà rôlistes, je dois attirer des innocents du côté obscur ^^;

Or j'espère que ce type de texte peut parler à la fois à des néophytes et à des joueurs expérimentés.

à bientôt
Vous lisez