Il y avait définitivement quelque chose de malsain dans cette maison, comme une odeur de moisis dont on arriverait pas tout à fait à identifier l'origine mais dont il était impossible de débarrasser ses narines. Dès qu'elle avait mis les pieds dans la demeure, tous les petits cheveux sur sa nuque s'étaient hérissés, de même que les poils de ses bras, et le malaise ne l'avait plus quitté, hantant chaque pénible seconde passée dans les lieux, l'incitant à jeter de furtifs coups d’œils dans ses angles morts, à éviter de raser les murs et à toujours vérifier, lorsqu'elle entrait dans une pièce, que cette dernière était bien vide. C'était fou comme parfois elle pouvait détester son job de chercheuse immobilier. La baraque n'avait pourtant rien d'exceptionnel : un espèce de pavillon de banlieue, même pas si ancien, paumé entre un immeuble assez récent et un groupe de petites maisons toutes identiques collées les une aux autres, entouré d'un jardin commençant tout juste à reprendre une vie sauvage, et posé au bord d'une route passante. Bref, pas de quoi se faire un film d'horreur. Et pourtant... pas moyen de se sentir parfaitement tranquille. Bon d'accord, le plancher avait tendance à grincer dans certaines pièces. Et deux portes en haut refusaient de s'ouvrir à moins de foutre un grand coup de pied dans le battant. On entendait aussi des bruits bizarres au grenier – des rats sans doute, elle n'était pas montée voir – et il lui avait semblé voir passer quelqu'un dans le jardin de derrière. Mais bon, ça aussi c'était typique d'une maison un peu vieille et surtout, vide. Tout semble toujours plus impressionnant dans une maison vide : les sons résonnent plus fort, le moindre souffle se transforme en halètement surnaturel, la plus petit ombre en fantôme, et le moindre craquement en monstre. Ou en intrus. Ou en sérial killer. Bon sang, il faudrait qu'elle songe à arrêter esprit criminel. Se déplaçant de plus en plus vite de pièces en pièces, elle fit un rapide état des lieux, finissant par décider qu'au moins deux des agences pour lesquelles elle bossait en free-lance pourraient être intéressées par l'affaire que représentait la maison. Si aucun des deux représentant qu'ils enverraient n'était sensible aux atmosphères. Sérieusement, c'était à croire que quelqu'un avait tenté des invocations chelou dans la cave – qu'elle n'avait pas visité non plus, pour rien au monde, merci bien – et avait bloqué un esprit quelconque dans les murs. Rien de bien méchant (peut-être. Probablement. On peut toujours espérer...) mais un truc suffisamment gros pour qu'on le sente. Peut-être avec un bon rafraîchissement des murs et beaucoup d'aération il n'y paraîtrait plus ? Bah, c'était pas son problème. Ça serait celui des agences. Ramassant son sac, elle en tira un appareil photo pour faire de rapides clichés de toutes les pièces, évitant de trop s'attarder dans certains endroits, manquant de faire une crise cardiaque lorsqu'un chat passa brusquement dans son champ de vision, probablement entré par la porte de derrière laissée ouverte. Saloperie de bête.
Hors de question de fouiller toute la maison pour le faire sortir. En plus la nuit commençait à tomber... Elle ferma la porte, la verrouilla, s'empressa de traverser la maison pour atteindre la porte d'entrée. Une fois sur le palier, elle donna rapidement deux tours de clefs avant de s'éloigner sans se retourner dans le crépuscule naissant, laissant derrière elle le pavillon pas si vieux et ne pouvant voir les deux silhouettes floues s'encadrant dans la lucarne du grenier...« Tu crois qu'elle reviendra ? »
« Ils reviennent toujours... »
Dans la poussière de l'espace sous les toits, le chat avançait à pattes de velours, ignorant superbement les deux formes à peine visible, son attention trop occupé par la perspective de manger.
« Qu'est ce qu'on fera alors ? »
« Comme pour les autres : on la fera rester. »
Dans la pénombre, le chat assit sur son fessier mâchonnait pensivement un doigt.