Nous nous tenons près du seuil, légèrement penchées pour mieux observer ce qui pourrait traverser les couloirs. Plus rien ne résonne. Je me tourne vers Ynes pour lui signifier que nous devrions changer de planque. Nous ne savons toujours pas ce qui est dans l'ascenseur, mais s'il fonctionne, il y a une chance de pouvoir le prendre et peut-être sortir d'ici. Pendant que nous fixons les alentours, à l'affût du moindre mouvement, des vibrations se font sentir dans ma poche. Les néons perdent tout contrôle, nos yeux sont aveuglés par la lumière qui s'affole. La créature se déplace doucement comme pour tenter de percevoir davantage. Mes doigts peinent à glisser sur l'écran. Je tremble. Les vibrations sont désactivées. Tentant de garder mon calme, mes bras me tirent vers l'intérieur du bureau. Ynes, apeurée, fait un étrange geste avec ses mains. En attendant que cela se calme, je lis les messages.
Il faudrait que tu nous donne des indications, quelque chose pour essayer de te localiser. Est-ce que tu arrive à partager ta localisation avec ton téléphone ?
À quoi ressemble l'endroit où tu te trouves ? Est-ce qu'il y a des fenêtres ? Un point de repère pour te localiser ?
On peut communiquer avec toi, mais on ne promet rien pour les secours. Mais on va faire au mieux pour t'aider, pour vous aider. Méfiez vous de l'ascenseur, je ne pense pas que c'est un bon moyen pour s'enfuir s'il à pu bouger sans s'arrêter pendant un long moment
Je tente de voir si le GPS remarche, après tout nous devons tout essayer pour s'en sortir. Je vais aussi vérifier si on peut effectuer des appels d'urgence.
Merci infiniment pour vos messages, nous nous sentons moins seules. Le GPS ne répond pas. Je n'ai aucun moyen de savoir où je suis exactement. Pour les indications, je n'ai vu que de la brume et quelque chose qui ressemble à un immeuble en face depuis une fenêtre. Je n'en ai pas vu d'autres. Les lieux sont composés de bureaux essentiellement, je n'ai pas fait attention aux détails à part que nous sommes à l'étage 244. J'ai aussi essayé d'allumer un ordinateur, seulement rien ne fonctionne. Pour l'ascenseur, je ne sais pas. Nous ne savons pas à quel point nous sommes en danger ici. Avez-vous des conseils ?
Les lumières s'éteignent de nouveau. La tête relevée, j'avance accroupie près de la porte. La bête s'est encore endormie ? J'entends un souffle saccadé provenant d'Ynes, qui a l'air au bord des larmes, déstabilisée par quelque chose. Inquiète, je tends un bras vers sa silhouette. Avec prudence, je choisis de lui écrire sur mon téléphone. Au moins, en communiquant de cette façon, nous pourrons nous assurer de ne pas attirer l'attention. Elle le saisit, recroquevillée sur elle-même.
N : Est-ce que tout va bien ?
Elle essuie ses pleurs.
Y : Je vais bien. C'est juste que c'est la première fois depuis très longtemps que je me sens aussi vulnérable. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, j'ai peur pour mes proches, et si eux aussi sont en danger ? Et si quelque chose de maléfique était à l'œuvre derrière tout ça ? Je me pose énormément de questions. Mais le mieux est de trouver une issue. Il me faut juste un instant pour me ressaisir.
Je baisse les yeux avec tristesse.
N : Je sais ce que ça fait. On va s'en sortir, des gens nous soutiennent et on va se serrer les coudes. Bientôt tu pourras retrouver tes proches, je te le promets.
Y : Merci. Ce ne sont pas les meilleures circonstances pour rencontrer des gens, mais je te trouve sympathique.
N : Mdr c'est sûr. Toi aussi tu es sympa. On souffle un peu et après on pourrait aller vérifier l'ascenseur ?
Y : D'accord. Mais d'abord, il faut voir où est la créature.
N : Oui. J'avoue avoir peur de la recroiser. Les lumières s'éteignent quand elle s'endort, elle entend, je ne sais pas si elle voit par contre.
Y : D'accord. Il ne fait pas trop sombre pour la reconnaître de loin je pense. On peut prendre un objet et le jeter à l'opposé. De cette manière, si elle se réveille, nous aurons le temps de nous cacher.
N : Bonne idée. Faisons comme ça.
Je rassemble tout mon courage en respirant profondément. Nous sortons très lentement de la salle, le haut du corps penché en avant. J'utilise le flash de mon portable. Il me reste encore 54%, j'ai fait attention à en garder un maximum, je pense que nous aurons assez de batterie. Au bout du couloir, je peux voir la grande salle d'attente. Au centre sont placés ce qui ressemble à des guichets. Sur le carrelage, une fine traînée de sang. Nous scrutons tout autour de nous. C'est très calme. Mes jambes vacillent quelque peu tandis que nous marchons. Comme je l'imaginais, ces traces nous mènent tout droit vers l'ascenseur. À l'intérieur, un sac rempli d'objets. Est-ce un piège ?
Les lumières clignotent légèrement lorsque je le saisis. Un bruit métallique. Il est lourd. Ynes inspecte l'ascenseur en prenant délicatement le téléphone. Puis d'un mouvement, elle me propose de récupérer le sac. Il passe dans ses mains. Je reprends mon portable.
Je baisse la luminosité à fond.
N : Nous devons retourner au bureau pour nous poser et voir ce qu'il y a dedans.
Y : Oui. On dirait qu'il y a une hache, et de l'eau je crois.
Nous faisons demi-tour avant de tomber nez à nez avec une énième présence. Deux points rouges sont visibles juste au niveau de nos visages épouvantés. Je sursaute en manquant de hurler. Au moment où nous reculons, elle se dirige frénétiquement vers nous dans une démarche machinale, mélange rouages et de sons d'acier qui ne tardent pas à éveiller la créature qui déchire nos oreilles dans un cri strident.
Nous courrons vers l'ascenseur en appuyant sur tous les boutons, et pendant que les portes tardent à se fermer, la chose mécanique tente de nous attaquer. Ynes sort in extremis la hache pour lui porter un coup violent, la repoussant suffisamment pour que les portes puissent enfin se fermer. L'ascenseur commence à descendre. Des vertiges me saisissent. Je crois m'évanouir.
— Hé, ça va ? Tu tiens le coup ?
Je ne parviens pas à parler.
— Tu m'entends ? Je suis là. Respire un bon coup.
Je sens ses mains froides saisir mes épaules.
Un énorme bruit se fait entendre au-dessus de nous.