Jour de mariage

Notes de l’auteur : Public averti. Certaines scènes peuvent être un peu rudes à lire...

— Enfant, j'étais déjà un blanc-bec indécrottable, une véritable tête brulée. J'ai toujours eu ça dans le sang, depuis tout petiot. J'ai pris goût pour le baroud dès mes plus jeunes années. Une véritable teigne j'te dis, la tête dure et les poings tout autant. Fallait pas m'chercher des noises. J'sais pas pourquoi j'suis comme ça, j'l'ai toujours été. J'habitais un petit bourg, paumé au fin fond du pays Lectois, San-la-Clairière. Malgré mon caractère impulsif, j'étais apprécié dans le bourg, enfin, j'crois. J'passais tout mon temps dans les bois à seconder mon père. Il était bûcheron. Le peu de temps libre que j'avais, j’le passais avec ma bande, des gosses du village. Tu sais ce que c'est à cet âge. L'effet de groupe, tout ça. On faisait les quatre cents coups comme qui dirait. On voulait être grands avant l'heure. Enfin, passons.

Maydine habitait également San-la-Clairière avec ses parents. Ils étaient tisserands, dans une petite boutique, au centre du bourg. Elle donnait un coup de main dans la confection ou dans la livraison des marchandises. Avec mes compagnons, on s'arrangeait pour faire nos magouilles pas très loin de l'échoppe. Maydine était si serviable, si éclatante de beauté, que tous les culs-terreux de mon âge, dont je faisais partie, étaient secrètement amoureux d'elle. On se démenait à qui mieux-mieux pour lui soutirer un sourire, un rire, un geste. Les années passèrent, mais non la compétition qui nous liait pour obtenir ses faveurs.

Un jour, alors que je bûcheronnais une vieille souche, je la vis passer en contrebas, sa mule chargée de tissus. Ce fut comme un coup de tonnerre. J’me décidai à faire preuve de courage, à affronter le premier vrai combat de ma vie : lui adresser, seul, la parole. Mais ma foutue assurance me lâcha. J’étais un véritable couard. Impossible d’ouvrir la bouche. Tétanisé, j’te dis. Pas par le Don, non. C’était autre chose, un duel intérieur que j’ne comprenais pas. Ma volonté était enchaînée par une peur sourde, invisible. Un péteux, un froussard ! Face à elle, j’étais un agneau fragile devant un loup redoutable.

Écrasé, réduit à rien, j’me sentais comme une fourmi sous une semelle. Le temps, bien que bref, semblait s’étirer à l’infini. Et pourtant, je finis par briser ces chaînes. Comment, ne me l’demande pas, Gamin. Tout c’que j’sais, c’est que j’me suis surpris à lui proposer de l’aider à porter ses tissus. Et tu sais quoi ? Elle a accepté. En un instant, elle m’a délivré. Mes muscles se sont libérés, et j’me suis précipité vers elle. Mon père m’a vu balancer ma hache au sol. Il n’a rien dit, pas un mot. Brave homme qu’il était.

Cette promenade fut une merveille. Le soir même, j’me suis glissé dans la cour où donnait sa chambre. Elle m’y a rejoint. Et la nuit suivante. Puis celle d’après. Dans cette arrière-cour, le Fil bourru et fier disparaissait. Avec elle, j’étais apaisé, serein. Gamin, j’garde certains détails pour moi, ceux qui m’sont chers, mais sache qu’au fil de ces rendez-vous nocturnes, un amour tendre, sincère, s’est tissé entre nous. Depuis, on était inséparables, comme deux larrons en foire. Mon père, lui, voyait bien pourquoi j’étais si fatigué au travail. Mais il n’me disait jamais rien.

Tu t’en doutes, j’vais pas m’étaler, mais elle a fini par m’choisir, moi. Nos parents décidèrent de nous marier le jour de sa majorité.

J’pouvais pas croire en ma chance. Je l’méritais pas, Gamin. Personne l’pouvait. Elle était un souffle de vie, un rayon qui fendait l’obscurité. Parfois, elle m’semblait irréelle. Avec elle, le temps flottait, s’emballait quand elle était là, s’étirait douloureusement quand elle n’y était pas. J’sais pas comment t’expliquer la tempête qu’elle faisait naître en moi. C’était pas juste de l’amour. C’était la peur de me réveiller un jour et de découvrir qu’c’était qu’un rêve. Elle m’avait bouleversé, effacé mes parts sombres. Avec elle, j’étais un autre homme. Un homme meilleur.

Son amour était doux, délicat, une brise d’été. Le mien ? Débordant, tumultueux, parfois presque trop. Gamin, ce sentiment-là, c’était le plus exaltant, le plus puissant qu’j’ai jamais connu. Avec elle, j’craignais rien. Rien, sauf de la perdre.

Fil s’interrompit, sa voix chargée d’une émotion qu’il peinait à contenir. Replonger dans ces souvenirs n’était pas chose aisée. Tout faire remonter, c’était risquer de s’y noyer. Mais les retenir, c’était un poison qui finirait par l’étrangler. Il devait parler, pour apaiser cette tempête intérieure.

Son souffle s’était accéléré. Krone, immobile, écoutait avec une attention presque religieuse. Pas un mot, pas un geste pour presser son ami. Fil remuait sur sa couche, visiblement nerveux. Et pourtant, lorsqu’il reprit, sa voix avait retrouvé une étrange sérénité :

— Le jour de notre mariage arriva, radieux, comme une promesse que l’on tiendrait enfin. C’était une journée de printemps éclatante, le ciel d’un bleu profond parsemé de nuages duveteux, aussi blancs que du velours. San-la-Clairière était en fête, tout le village était suspendu à notre bonheur. Le bourgmestre, tout fier de sa tâche, célébra notre union en grande pompe sur la place centrale, sous les yeux émerveillés de tous. Maydine brillait de mille feux. Elle portait une robe violette, simple mais d’une délicatesse infinie, qui laissait entrevoir juste assez de ses épaules pour que son charme opère sans fard. Des perles en bois ornaient ses manches, tandis qu'elles se dispersaient comme des étoiles filantes sur le tissu léger. Sa couronne de fleurs, fine et sauvage, reposait sur une tresse somptueuse qui tombait en cascade sur son dos. Elle souriait, un sourire d’enfant, un sourire qui, pour moi, rendait tout le reste superflu.

La fête était ouverte à tous, une grande célébration où la joie se mêlait aux rires, aux chants et aux bruits des danses. Les tables étaient dressées comme un banquet des dieux, débordant de mets délicieux : oies rôties aux marrons et potimarrons, pintades en croûte dorée, cailles farcies aux cèpes et morilles, biche aux figues. Un porcelet, lentement grillé sur la broche, exhalait une odeur divine, une invitation à la gourmandise. Les corbeilles, elles, débordaient de fruits : citrons, cédrats, oranges amères, grenades, coings et raisins, pour l’acidité, tandis que les desserts, gaufres, oublies, beignets aux pommes et tartes aux prunes, apportaient la douceur du réconfort.

Les enfants couraient en liberté, les jeunes gens dansaient en riant, tandis que les vieux, assis sur les bancs, observaient en silence, les yeux brillants de souvenirs. Les tambourins et les cornemuses jouaient la mélodie du bonheur, et la place était un tourbillon de vie. Ça tapait des mains, ça trinquait, ça vivait à plein poumons. Bien sûr, dans les recoins du bourg, des boit-sans-soif gerbaient les liqueurs, des béjaunes urinaient contre les murs, et des galants éméchés se battaient pour attirer l’attention des demoiselles. Mais malgré tout, la fête régnait, partout, jusqu’à la tombée de la nuit, où des lampions suspendus éclairaient la ville comme mille lucioles éparpillées.

Ma bande de fripouilles, toujours prêts à plaisanter, me félicitait, même si, secrètement, la moitié d’entre eux rêvait d’être à ma place. Mais, crois-moi, Gamin, j’te dis que rien ne m’aurait fait échanger ce moment. J’étais là, fort et invincible, comme si rien ne pouvait me toucher. Et mon père, là-bas, me souriait. Et pour un instant, j’ai cru que, parmi tout ce monde, il n’y avait personne d’aussi heureux que moi.

Il y avait une coutume, tu sais, dans ce coin du pays Lectois. Tous les volets et portes devaient être fermés, sauf celle par laquelle les jeunes mariés s’éclipseraient, à la nuit tombée. C’était la tradition. Les nouveaux époux devaient quitter la fête sous les vivats des invités, main dans la main. Puis, une fois à l’intérieur, il leur revenait de refermer la porte derrière eux, d’isoler leurs vies du tumulte extérieur, de s’enfermer dans une bulle intime où, pour la première fois, seuls les sourires et les regards comptaient. Maydine et moi, nous allions vivre là, dans une petite bicoque qu’elle avait héritée d’une aïeule. La maison, bien que modeste, était notre havre, un lieu où nos rêves auraient toute la place. Et c’est ainsi que la cassine, parmi toutes les maisons du bourg, restait la seule à avoir sa porte et ses fenêtres grandes ouvertes.

J'sais pas si tu connais bien ton Histoire, Gamin. À cette époque, la Guerre des Trois Pays ravageait les cœurs et fauchait les miséreux. San-la-Clairière, paumée entre deux vallons, en a toujours été préservée. Pour nous, le conflit ne se résumait qu'à un murmure lointain, presque inaudible. Une énième guerre entre les puissants qui faisait couler le sang et les larmes des petits. Toujours comme ça la guerre Gamin. Tu peux lui coller les intentions que tu veux, la maquiller de toutes les vertus et les bienfaits que tu souhaites, à la fin ce sont les petites gens qui en paient un lourd tribut. Bien sûr, quelques voyageurs de passage nous tenaient au jus des événements mais cette guerre ne nous concernait pas outre mesure.

Je reviens à ce mariage, Gamin. La soirée baignait encore dans l’éclat d’un bonheur simple, et la cérémonie de sortie des mariés approchait. Mais c'est alors que des sabots résonnèrent, lourds, menaçant d'engloutir la fête dans leur écho. Un vacarme soudain engloutit les chants et les rires. La place se vida de sa douce lumière pour laisser place à l'ombre d'une troupe d'hommes en armes, dont les cuirasses scintillaient d’un éclat funeste. Sur des destriers au port altier, ils entraient, fiers, emportant dans leur sillage la bannière aux cinq étoiles d'azur de la famille Lostaleau, une lignée autrefois modeste du pays Lectois. Et, en tête, sur un shire d’ébène, dont le garrot me dominait de toute sa hauteur, le nouveau maître des lieux : Loren.

Il n’avait pas encore ce bouc tressé, marque de sa réputation devenue aujourd’hui légende, mais son regard déjà portait toute l’arrogance qui l’accompagnera. À peine plus vieux que moi, son visage pâle, presque maladif, trahissait une absence de chaleur humaine ; la trombine tu parfait fielleux, du moins dans mes souvenirs certainement tronqués. Son allure  irradiait la froideur du mépris. Un rictus presque imperceptible, un sourire de dédain, il me regardait comme si je n’étais rien. Ce regard hautain, ce salut condescendant, tout chez lui hurlait : tu n'es qu'une ombre. Un persifleur à l'âme aussi noire que l’ébène de son destrier. Dès ce premier échange, une haine viscérale naquit en moi.

La chaleur des festivités s’éteignit alors, avalée par le silence pesant.

Il revenait, victorieux d’une campagne en pays d’Astirac, menant son carnage au nom du Parakoï Balys. Le chemin le guidait par San-la-Clairière, et il était décoré des médailles de ses crimes. En récompense de ses hauts faits, notamment du massacre des innocents sur le plateau des Trois Rivières – que j'apprendrai bien plus tard – il avait été fait Second Sujet du pays Lectois. Le médaillon pendait sur son plastron de fer blanc, une oraison funèbre à sa gloire. Et chaque pas qu’il faisait ici n'apportait que malheur, chaque souffle de son passage annonçait une nouvelle calamité. Ce jour-là, il s’emparait de mon village, de mon monde, de mon intimité.

Une douleur fulgurante me broya les entrailles, comme un coup de poignard invisible. Une peur, glaciale et sournoise, se mua en certitude implacable : ses yeux reptiliens venaient de se poser sur Maydine. Un éclat malsain, vorace, dansait au fond de ses pupilles – ce regard qu’un prédateur réserve à sa proie. La convoitise, brute et fielleuse, s’y lisait, et chaque pensée pernicieuse que je devinais en lui me transperçait plus sûrement que mille lames dans mon ventre. Ses sourires mielleux n’étaient qu’un mensonge grotesque. Tout le monde le savait, mais personne n’osait le dire. Les regards se baissaient, les épaules se courbaient, et le village entier retenait son souffle.

Et puis l’effroi prit forme.

Il avança d’un pas sûr, impérieux, vers Maydine. Sa main de fer s’abattit sur son poignet frêle, la broyant comme un piège d’acier. Elle tenta de reculer, mais il l’attira à lui sans effort, l’entraînant d’une poigne implacable, ses pas résonnant comme une sentence sur les pavés poussiéreux. L’instant devint flou, noyé dans un tourbillon de rage et de désespoir. Je bondis, prêt à m’interposer, mais trois gardes surgirent, me clouant au sol comme une bête prise au piège.

Le monde s’effondra autour de moi.

Un genou brutal écrasa ma joue dans la terre sèche, me réduisant à l’impuissance. Un autre me tordait les bras, s’asseyant sur mon dos avec un poids cruel, tandis qu’un troisième emprisonnait mes jambes dans un étau implacable. La poussière brûlait mes lèvres, le goût de la défaite emplissait ma bouche. Je les sentais partir, Loren et Maydine, se dirigeant vers la seule porte ouverte du village, cette ouverture béante qui aspirait mon dernier espoir.

Un barrage d’acier se dressait entre moi et elle, infranchissable. Je hurlai, un cri brut, animal, mais mes supplications s’éteignirent dans l’indifférence glaciale des villageois. Personne ne bougea. Pas un souffle ne troubla leur immobilité figée par la terreur. Maydine criait aussi, appelait à l’aide, mais ses mots se perdaient dans un silence plus cruel encore.

Une fureur brûlante m’envahit, un feu qui me consumait tout entier. Contre Loren, cet homme qui osait arracher ma lumière. Contre le village, ce théâtre de lâcheté. Mais surtout contre moi-même, ce corps brisé, ce cœur impuissant, incapable de protéger celle que j’aimais.

 J’ai essayé, Gamin, j’te le jure, de toutes mes forces. Dans ce chaos, j’ai appelé mon Don, tentant désespérément d’enlacer Loren avec un fil mental. Du bout d’un doigt, par miracle, j’ai réussi à le projeter. L’éclat d’un espoir, fragile et cruel, m’a traversé. Mon fil s’enroula autour de sa cheville. Il ne me restait qu’à tirer, qu’à le faire tomber, briser son arrogance sous le poids de sa chute. Mais je n’avais aucune prise. Mon corps, entravé, me trahissait. Mes doigts, raidis par la lutte, ne tenaient ce fil qu’entre le pouce et l’index, comme un souffle prêt à s’éteindre.

Puis, dans une ultime audace, je trouvai une échappatoire. D’un geste vif, j’écartai mes doigts, lâchant le fil pour mieux le rattraper entre mes dents. Mais déjà, mon tortionnaire reprenait ses esprits. Son genou massif, qui m’avait offert un instant de liberté, s’abattit à nouveau sur ma mâchoire, m’écrasant dans la poussière. Toute tentative de résistance s’éteignit dans un craquement sourd. Et le Coût… Ce maudit Coût. Mon corps se figea, tétanisé, prisonnier de son propre fardeau. Je gisais là, inerte, des larmes roulant sur mes joues salies, incapable de bouger, incapable d’agir.

Et puis, le pire s’accomplit.

La porte de la maison se referma avec un fracas lourd de promesses macabres. Les fenêtres, grandes ouvertes, laissaient fuir un spectacle ignoble. Loren, implacable et dépravé, s’abattit sur Maydine. Ses cris, perçants, griffaient les étoiles. Une complainte déchirante, mêlée aux râles écoeurants de son bourreau, monta jusqu’aux cieux printaniers, brisant la sérénité de cette nuit maudite.

Fil fit une nouvelle pause. Une larme roulait sur sa joue. Krone ne la voyait pas. Il avait entendu la voix de Fil s'étrangler à la mention du calvaire qu'avait vécu Maydine dans cette maison. Krone se redressa sur son matelas et remonta ses genoux contre lui. Il ne savait pas s'il devait parler. Que pouvait-il bien dire après pareille révélation ? Il n'avait rien de mieux à offrir qu'un silence compatissant. Il tenta néanmoins d'ouvrir la bouche pour dire un mot, montrer son soutien, apaiser une peine inconsolable. Fil renifla pour ravaler sa tristesse libérée et dit :

— Pas la peine de bafouiller Gamin. Il n'y a rien à dire. Trois décennies sont passées et ma douleur est toujours aussi vivace. Le pire reste la honte. Elle est bien plus assassine que toutes les peines du monde. Honte devant mon incapacité à agir. Honte des jours et des semaines qui ont suivi car Krone, aussi difficile que ça puisse paraître, mon calvaire ne s'arrêta pas là. Loren me tua une deuxième fois de l'intérieur quelques mois plus tard.

Je ne me souviens plus très bien des jours qui ont suivi cette nuit d’horreur. Comment reprendre le fil d’une vie normale, comme si rien ne s’était brisé ? J’étais perdu dans une brume sans fin, prisonnier d’un abîme d’amertume. Je me sentais misérable, réduit à l’état d’un spectre. Marié depuis quelques heures seulement, et pourtant incapable de protéger celle que j’aimais.

Maydine disparut de mon monde. Elle se cloîtra dans sa chambre d’enfance, chez ses parents, refusant toute visite hormis celle de sa mère. Moi, elle ne voulait pas me voir. Et comment lui en vouloir ? Je ne pouvais même pas me supporter. Chaque reflet était une injure, chaque pensée un reproche. Je n’étais plus qu’un homme rongé par le mépris de lui-même.

Un jour, mon père tenta de m’approcher, mais pour la première fois, je repoussai son aide avec véhémence. Je ne voulais de la compassion de personne. Seul dans ma douleur, je passais mes journées à errer dans le bois, noyé dans mon chagrin. Je m’isolais du monde, vivant comme un ermite, me laissant dépérir. Chaque soir, pourtant, je revenais au village, frappant à la porte de la maison de Maydine. Et chaque soir, sa mère me refermait doucement la porte au visage. Maydine refusait de me voir.

Les jours s’étiraient comme des siècles, les semaines se succédaient sans fin. Tous les soirs, je frappais. Tous les soirs, la porte restait close. Quand je trouvais enfin le sommeil, il n’était que tourments. Loren hantait mes rêves, métamorphosé en une créature démoniaque, son sourire cruel accroché à son visage hideux. Je voulais lui fracasser les dents, les lui enfoncer dans la gorge pour qu’il s’étouffe avec. Mais même là, dans ce théâtre d’ombres, il riait, insensible à ma rage, me laissant seul face à mon impuissance.

Ma vie n’avait plus de sens, Gamin. Souvent, les branches noueuses des arbres m’appelaient. L’idée d’en finir me hantait, mettre un terme à ce supplice, à cette existence vidée de son éclat. Mais quelque part, au fond de mon âme, une étincelle subsistait. En finir serait une trahison. Pour Maydine, je devais survivre, je devais attendre.

L’été s’écoula, aussi lent qu’un lustre, et l’automne s’effeuillait déjà, dans un parfum de mousse et de terre humide. Et puis un jour, sous la voûte dorée des bois, Maydine apparut. Si Loren m’avait piétiné la nuit de mon mariage, il mit mon âme six pieds sous terre ce jour-là. Maydine s'approchait de moi et, malgré son manteau automnal, j'aperçus son ventre arrondi.

Un coup de marteau en pleine tête, Gamin, aurait été une caresse comparé à l’effroi glacé qui me saisit en ce moment-là. Si un espoir, même ténu, persistait encore, niché dans les replis sombres de l’univers, qu’un jour Maydine et moi parviendrions à surmonter les horreurs de notre nuit de noces, cet espoir fut réduit en poussière par l’existence de ce petit être qui grandissait en elle. Et pourtant… malgré tout, j’aurais tout donné pour elle. Je me tenais là, prêt à tout accepter, à tout endurer, simplement pour la retrouver, pour la sentir à nouveau près de moi. Je ne savais pas ce qu’elle me demanderait, mais j’étais résolu à m’y soumettre sans hésiter.

Elle croisa mon regard, et là, Gamin, tout s’éclaira. Je le sus, dans cette lueur fugace qui brilla dans ses yeux : elle m’aimait encore. Ce regard m’embrasa, raviva une flamme que je croyais éteinte. Elle me rassura, me ranima, et dans son regard, je revis la tendresse des premiers temps. C’était comme avant, comme lorsque nous nous retrouvions en secret dans l’arrière-cour de ses parents, où nos cœurs se frôlaient timidement avant de s’embraser. Une nouvelle vie sembla surgir en moi, chaque battement de mon cœur battait pour elle, chaque souffle la ramenait à moi.

Mais soudain, Maydine baissa les yeux, un voile de doute traversa son regard. Et là, Gamin, je compris. Elle avait eu peur, une peur sourde et secrète, qu’en voyant son état, je ne la rejette. Quel idiot j’avais été. Je m’élançai vers elle, pris son visage entre mes mains et la pressai contre moi dans une étreinte qui ne connaissait plus de limite.

Nous nous étions retrouvés. Après tout ce temps, après toute cette souffrance, nous nous étions enfin retrouvés. Nous nous détournâmes doucement, et elle me promit de revenir. Et elle tint parole. Chaque jour, nous étions ensemble, liés par cette intime complicité, et le soir, elle repartait, mais toujours, chaque matin, elle revenait. Nos retrouvailles avaient ce parfum d’une renaissance, d’un recommencement. Nous nous apprivoisions à nouveau, l’un l’autre, lentement, tendrement.

Elle quittait le village chaque matin, un panier de provisions à la main, et, malgré le froid mordant, elle venait me rejoindre dans la petite cabane qui me servait d’abri. Là, sous les toits de ce refuge, blottis l’un contre l’autre, le monde semblait se faire plus doux, plus tolérant. Loin des ombres de notre passé, je pouvais enfin rêver d’un avenir paisible à ses côtés. Cet enfant qui grandissait en elle ne serait pas un fardeau, mais le lien sacré qui nous unirait, contre Loren, contre tous. Rien ni personne ne pourrait détruire ce que nous étions en train de devenir.

Quel imbécile, Gamin… Si je pouvais balancer une paire de gifles à l'imbécile que j’étais, je l’aurais déjà fait mille fois ! L’amour me dévorait, me rongeait, et tout bon sens se noyait dans la mer de mes illusions. Quel simple d'esprit, vraiment ! Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Tu sais comment ça se passe dans la campagne. Ça parle, ça fait des commérages, ça raconte à tout va ce qui n’vous regarde pas. Les âmes du village se sont mises à chuchoter, à murmurer, à déverser leurs venins, comme toujours, leurs langues de vipères courant plus vite que l’éclair. Les nouvelles, les mauvaises nouvelles, ont voyagé plus vite que la lumière, échappant à tout contrôle, glissant sous les portes, se faufilant dans les ruelles. La grossesse de Maydine ne tarda pas à se répandre comme une traînée de poudre. Et moi, l'idiot, l’imbécile, j’ai tout laissé faire.

Chaque jour, elle revenait dans la forêt, l’ombre de son ventre arrondi grandissant, et moi… moi, j’étais trop perdu dans mes rêves et ma folie pour voir la vérité. Gamin, comment ai-je pu ne rien comprendre ? Comment ai-je pu être aussi aveugle, aussi égoïste ? Gifle-moi, je t’en prie ! Poignarde-moi, arrache-moi le cœur, fais ce que tu veux de moi, mais réveille-moi, parce que je n'étais qu’un misérable dupe, un fou qui s’ignore !

 

Fil pleurait à chaudes larmes. Krone était décontenancé. Jamais il n'avait vu le robuste gaillard s'effondrer ainsi. Il se leva, enroula une serviette autour de sa taille et s'approcha de la couche de son ami. Fil avait le visage inondé. Des sanglots entravaient sa gorge. Des larmes débordaient de ses yeux humides. Il jeta à Krone un regard empli d'une déchirante tristesse. Krone posa les mains sur les épaules de son ami et balbutia :

— Qu'est-ce qu'il y a Fil ? Que s'est-il passé ?

— Il l'a tuée Krone. Il l'a tuée !

Fil s’écroula sur Krone. Tout son chagrin découlait de sa faille béante. Il parvint à se calmer au bout de longues secondes. Il s'essuya le visage et reprit :

Pardonne-moi, Gamin, je me suis laissé engloutir par la rage et la douleur. Cet enfoiré de Loren, je le sais maintenant… C’était lui, j’en suis certain. Maydine et moi étions là, dans la cabane. Le feu s’éteignait, les bûches avaient disparu du poêle. Je suis sorti, quelques instants seulement, un air glacé me frappant la peau. Les premiers flocons dansaient doucement dans le ciel froid du pays Lectois, tombant lentement sur la campagne qui enserrait San-la-Clairière. J’avais pris ma hache, m’éloignant de quelques pas pour fendre du bois. À mon retour, le ciel sembla se déchirer, et ce que je vis me foudroya sur place.

Je tombai face à un homme encagoulé, la lame d’un poignard éclaboussée de rouge dans sa main. Il sortait de la cabane, et dans le nuage de buée qui s’échappait de ses lèvres, il me souffla d'une voix glacée, comme une sentence : le Second Sujet ne voulait pas d’un bâtard. Avant que je puisse comprendre, il s’évanouit dans l’ombre, courant, fuyant. Je n’ai même pas réagi, je n’ai pas poursuivi, je n’ai pas déversé ma colère, je n’ai pas vengé cet affront.

 

Le monde, d’un coup, m’échappa, il ne m’appartenait plus. J’étais là, comme un lâche, figé, cloué au sol. La neige, toute neuve, recouvrait le seuil du cabanon, déjà parsemée de gouttes vermeilles. Un spectacle irréel, une scène de cauchemar : dans l’ombre de la porte entrebâillée, Maydine était là, étendue dans une mer de sang.

À nouveau le silence enveloppa la chambre. Dehors, la nuit noire étendait sa couverture réconfortante sur la campagne presque endormie. Le grand-duc fondait sur un lièvre imprudent, tandis que sous la fenêtre des deux compères, une musaraigne se délectait d'un pince-oreilles. Rapaces et renards menaient à grandes envolées, le grand bal nocturne d'une nature impitoyable. Les branches d'un bosquet tout proche frémissaient sous la caresse d'un vent tiédi qui s’engouffrait dans la pièce, apportant une fraîcheur bienvenue. Fil s'était rallongé et il fixait le plafond, encore ébranlé d'avoir posé des mots sur ses souvenirs inoubliables. Krone, lui, était assis sur le rebord du lit, le regard baissé sur ses pieds, à la recherche d'un propos réconfortant. Il avait à peine une vingtaine d'années et, bien qu'il mesurait pleinement la peine de son ami, il ne sut trouver les mots. Existaient-ils ? Il en doutait. Il se contenta simplement de le questionner :

— Qu'as-tu fait après ça ?

J’ai tenté de la ramener à la vie, mais c’était vain, Gamin. La tunique collait à ma peau, imbibée de sueur et du sang de Maydine, une lourdeur qui m'écrasait. Mes mains, mon front, mes cheveux étaient maculés de son dernier souffle. Je l’ai laissée là, dans la cabane, une dernière fois, et je me suis enfoncé dans la forêt, cherchant désespérément un secours qui n’est jamais venu. La nuit s’était déjà posée sur le monde, et, malgré le vide dans mes entrailles, je pensais à mon père. J’étais à peine sorti de l’adolescence, Gamin, un enfant perdu, en quête de son père pour un peu de réconfort. J’ai frappé à la porte de son chalet, mais il n’y était pas. Je me suis alors dirigé vers le bourg, éreinté par l’épreuve, écrasé par un chagrin que je ne savais comment porter.

J’étais méconnaissable, une créature effrayante, un fantôme souillé de douleur. Les gens s’écartaient de mon passage, me fuyant comme on fuit une peste, comme si mon malheur m’avait transformé en une bête fétide. J’implorais leur aide, mais leurs yeux n’étaient remplis que de terreur. Quelques mois plus tôt, j’étais au centre de la fête, mais ce jour-là, j’étais devenu un paria. Une migraine insupportable m’enserrait le crâne, un sifflement strident hurlait dans mes oreilles, et je me suis effondré, Gamin, là, en pleine rue, vidé de toute force, englouti par la douleur. Puis, dans une douce nébuleuse, je me suis laissé emporter par l’inconscience.

À mon réveil, je me retrouvais dans le lit de mon père. Il m’avait lavé, veillé sur moi toute la nuit et le jour suivant. Quand il posa son regard sur moi, il y avait cette tristesse infinie dans ses yeux, une souffrance qui m’échappait. Il pleura en posant son front contre le mien, et je n’y comprenais rien, Gamin. Je croyais avoir touché le fond de l’abîme, mais non. C’était encore pire.

Il me conseilla de fuir San-la-Clairière. Le corps de Maydine avait été retrouvé, et tout le village m’accusait. On m’avait vu couvert de son sang, on chuchotait que j’étais fou de rage, que je ne lui aurais jamais pardonné de porter un enfant qui n’était pas le mien. Ils me croyaient coupable. La Justice, rapide comme l’éclair, s'apprêtait à me saisir pour m’emmener à la potence. Qu’aurais-je pu dire pour me défendre, Gamin ? Les dés étaient jetés. Fuir, c’était avouer ma culpabilité. Mais que pouvais-je faire d’autre ? La vérité ? L’accusation ? Accuser Loren ? Mais comment prouver quoi que ce soit quand le Second Sujet tenait entre ses mains la Justice et l’accusation ? La fuite… c’était ma seule issue, et pourtant, elle serait vue comme une confession de mon crime.

Mon père m'aida, à travers monts et vallons. J'échappais à la Justice, à Loren, j’quittais le pays Lectois pour ne plus jamais y revenir. Voilà trente années que j’fuis. Je n'fais que ça, Gamin : fuir.

Fil avait murmuré son dernier mot. Sur celui-ci, il s'endormit. Il avait mené un combat harassant. Un repos réparateur s’imposait. Krone remonta une légère couverture sur ses jambes puis, à son tour, retourna dans sa couche pour y trouver un sommeil réconfortant.

 

Maydine habitait également San-la-Clairière avec ses parents. Ils étaient tisserands, dans une petite boutique, au centre du bourg. Elle donnait un coup de main dans la confection ou dans la livraison des marchandises. Avec mes compagnons, on s'arrangeait pour faire nos magouilles pas très loin de l'échoppe. Maydine était si serviable, si éclatante de beauté, que tous les culs-terreux de mon âge, dont je faisais partie, étaient secrètement amoureux d'elle. On se démenait à qui mieux-mieux pour lui soutirer un sourire, un rire, un geste. Les années passèrent, mais non la compétition qui nous liait pour obtenir ses faveurs.

Un jour, tandis que je bûcheronnais une vieille souche, je la vis passer en contrebas, avec sa mule chargée de tissus. Je me décidai à faire preuve de courage et à surmonter le premier réel combat de ma vie : lui adresser, seul, la parole. Mon assurance revêche fit pour la première fois défaut. Un véritable couard. Impossible d'ouvrir la bouche. Tétanisé, j'te dis, mais pas à cause du Don. Un combat faisait rage en moi, duel que j'ne comprenais pas. Ma volonté était ligotée par des chaînes invisibles : la peur. Un péteux, un froussard ! Un frêle agneau devant un loup redoutable. Écrasé, réduit en miettes, une fourmi sous une semelle épaisse. Pendant un temps qui m'avait semblé infini mais qui ne m'avait pris que quelques battements de cils, je finis par surmonter et vaincre cet effroi paralysant. Ne me demande pas comment Gamin, mais je me surpris à lui proposer mon aide pour l'accompagner jusqu'à destination. Maydine accepta. Elle me délivra. Mes muscles se libérèrent et je me précipitai à sa rencontre. Mon père me vit jeter ma hache à terre. Il ne fit aucune contestation, brave comme il était.

 Cette promenade avait fait naître entre nous un lien indéfectible. Le soir même, je m'introduisis dans la cour sur laquelle donnait sa chambre et elle m'y rejoignit. Puis la nuit suivante et encore celle d'après. Le Fil, bourru et fier, s'effaçait dans cette arrière-cour. J'étais apaisé et serein à son contact. Je préfère garder certains détails chers à mon cœur, secrets, Gamin, mais durant ces innombrables rendez-vous nocturnes de ma jeunesse, un amour sincère, tendre et réciproque, s'épanouissait. Depuis nous fûmes inséparables, comme deux larrons en foire. Mon père ne se leurrait pas sur la cause de ma fatigue à la tâche. Là encore, jamais il ne me réprimanda. Tu t'en doutes Gamin, j'te la fais courte, elle finit par me choisir, moi. Nos parents décidèrent de nous marier le jour de sa majorité.

 Je ne parvenais pas à croire en la chance qui m'inondait. Je ne la méritais pas, Gamin. Personne ne la méritait. Elle était un souffle de vie, un rayon dans l'obscurité. Elle en devenait irréelle. Le temps flottait autour d'elle, s'accélérait en sa présence, s'éternisait et s'étirait honteusement en son absence. J'sais pas comment t'expliquer la pagaille émotionnelle qu'elle faisait naître en moi. C'était plus que de l'amour, c'était la crainte de me réveiller un jour de ce rêve inespéré et immérité. Elle m'avait totalement renversé, récuré mes parts sombres de l'intérieur. Avec elle, j'étais un autre, celui que tout homme cherche à devenir. Son amour était tendre, délicat, subtil. Le mien était débordant, tumultueux, excessif. Gamin, ce sentiment était le plus exaltant, le plus grisant qu'il ne m'ait été permis de ressentir. Je ne craignais plus rien avec elle, seulement de la perdre.

Fil fit une première pause dans son récit. Se replonger dans ses souvenirs relevait de l’inédit. Tout faire remonter, c'était le risque de s'y noyer. Mais tout retenir, à coup sûr, finirait par le faire imploser. Il devait se livrer, pour lui, pour calmer le tumulte qui le rongeait. Son souffle s'était légèrement accéléré. Krone, lui, n'avait pas fait le moindre geste. Il écoutait humblement son ami. Il ne voulait pas le presser. Fil remuait sur sa couche. La nervosité l'envahissait. Pourtant, il reprit d'une voix posée, paradoxalement sereine :

— Arriva donc le jour de notre mariage, par une belle journée de printemps. Le ciel bleu se moutonnait de quelques nuages d'un blanc de velours. San-la-Clairière était en fête, tout le bourg nous célébrait. Nous étions le centre de toutes les attentions. Le bourgmestre avait célébré notre union sur la place centrale devant tout le village. Maydine resplendissait. Elle avait confectionné de ses propres mains la tenue qu'elle portait ce jour-là, sans fioriture, simple, délicate, à son image : une robe violette dévoilant légèrement ses épaules. Elle avait incrusté des perles en bois le long de ses manches. Elle en avait parsemé d'autres un peu partout, même dans sa coiffure. Elle portait une couronne de fleurs qui dominait une somptueuse tresse. Elle souriait Gamin, son bonheur me comblait.

Tout le monde était le bienvenu pour célébrer et partager notre joie. D'immenses tables avaient été sorties et elles se perdaient sous des montagnes de victuailles : des oies rôties aux marrons et potimarrons, des pintades en croûte de pain, des cailles farcies aux cèpes et morilles, de la biche aux figues. Un porcelet grillait lentement sur une broche et l'odeur qui s'en dégageait était une invitation lancée à la ronde pour qui voulait. Les corbeilles débordaient de citrons, de cédrats, d'oranges amères, de grenades, de coings et de raisins. Les saveurs acides des fruits s'adoucissaient avec les mets sucrés. Toutes les cuisinières des environs avaient contribué aux festivités et apporté quantité impressionnante de gaufres, d'oublies, de beignets aux pommes, de pains au miel et de tartes aux prunes.

Les enfants couraient, les jeunes gens dansaient et riaient au rythme des tambourins, cornemuses, sacqueboutes et flutiaux. Les vieux, eux, observaient, assis sur les bancs. Ça tapait des mains et des pieds, ça criait, ça trinquait à tout va. Bien sûr, dans des recoins du bourg, des boit-sans-soif gerbaient les liqueurs, des béjaunes urinaient sur les murs et des galants éméchés se battaient pour obtenir l'attention des demoiselles. Pour la nuit, des lampions avaient été accrochés sur toutes les façades des bâtiments. San-la-Clairière brillait comme mille lucioles.

Toute ma bande de fripouilles me félicitait  même si la moitié d'entre eux rêvait d'être à ma place. Pour rien au monde je ne l'aurais cédée. J'te le dis Gamin, j’me sentais fort, invincible, à ma place. Mon père me souriait et j'ai pu croire, quelques instants,  qu'il en fût un plus heureux que moi en cette soirée.

           Il y avait une coutume dans ce coin du pays Lectois, Gamin. Tous les volets et les portes devaient être fermés dans le village, sauf celle par laquelle partiraient les jeunes mariés à la nuit tombée. La tradition voulait que les deux tourtereaux s'éclipsent de la fête sous les vivats des convives. Ils devaient entrer main dans la main par la porte et la refermer, ainsi que les fenêtres, pour s'isoler des festivités qui continuaient sans eux, et pour la première fois, enfin, se découvrir. Maydine et moi devions loger après notre mariage dans une petite bicoque qu'elle avait reçue d'une aïeule. Elle devait être largement retapée mais suffisait à notre bonheur. La cassine était donc la seule de tout le bourg à avoir la porte et les fenêtres grandes ouvertes.

J'sais pas si tu connais bien ton Histoire Gamin. À cette époque, la Guerre des Trois Pays ravageait les cœurs et fauchait les miséreux. San-la-Clairière, paumée entre deux vallons, en a toujours été préservée. Pour nous, le conflit ne se résumait qu'à un murmure lointain, presque inaudible. Une énième guerre entre les puissants qui faisait couler le sang et les larmes des petits. Toujours comme ça la guerre Gamin. Tu peux lui coller les intentions que tu veux, la maquiller de toutes les vertus et les bienfaits que tu souhaites, à la fin ce sont les petites gens qui en paient un lourd tribut. Bien sûr, quelques voyageurs de passage nous tenaient au jus des événements mais cette guerre ne nous concernait pas outre mesure.

J'en reviens à mon mariage Gamin, la soirée était idyllique et la cérémonie de sortie des mariés approchait. C'est à ce moment-là qu'on entendit des bruits de sabots et que tout commença à vriller. Un vrai vacarme recouvrit les rires et les chants. Une file d'hommes en armes, aux cuirasses scintillantes, sur leurs destriers élégants, fit irruption sur la place. Ils portaient haut la bannière aux cinq étoiles d’azur de la famille Lostaleau, petit seigneur, à l'époque, du pays Lectois. À sa tête, sur un shire noir ébène, dont le garrot me dominait, le nouveau maître de la maison, Loren, tartarinait. Il n'avait pas encore le bouc tressé qui fait sa réputation aujourd'hui. À peine plus âgé que moi, il avait les traits creux et un teint si pâle, si blanchâtre qu'on l'aurait cru malade. La trombine du parfait fielleux, du moins dans mes souvenirs certainement tronqués. Tout chez lui transpirait le dédain. Un regard fier et hautain, le sourire malicieux et arrogant de celui qui se savait  intouchable.  Même le salut de tête qu'il m'adressa lorsqu'il approcha de la table d'honneur fut condescendant. Un persifleur en puissance. J’le détestai, viscéralement, dès le premier regard. La chaleur des festivités s'arrêta. Plus un bruit.

 Il rentrait victorieux d'une campagne militaire en pays d'Astirac. Il l'avait menée au nom du Parakoï Balys. Le chemin de retour vers son fief l'avait guidé dans les alentours de San-la-Clairière. En récompense de ses loyaux services et de ses Haut-faits au combat, dont les massacres sur le plateau des trois Rivières comme je l'appris bien plus tard, il avait obtenu le statut de Second Sujet du pays Lectois. Il en portait le médaillon, fièrement exposé sur son plastron de fer blanc. Rien de bon n'émanait de lui, il ne laissait que calamité sur son passage. Ce jour, il investissait mon village, mon intimité.

Une douleur intense me broya soudainement les boyaux. Une crainte qui se mua instantanément en certitude. Il venait de poser ses yeux reptiliens sur Maydine. Je perçus un éclat malsain au fond de ses pupilles. Le même regard qu'un prédateur pose sur sa proie : celui de la convoitise, de l'avidité délétère. Je pus y lire ses pensées pernicieuses et elles me blessèrent davantage que mille surins enfoncés dans l'estomac. Ses apparentes amabilités sonnaient creux, personne n'était dupe. Chacun tremblait, tout le monde baissait les yeux. L'épouvante débuta lorsqu'il s'approcha de Maydine et la saisit par le poignet. Il la tira vers lui et l'entraîna de force sur ses pas. J’me levai d'un bond pour m'y opposer quand trois gardes de sa suite me mirent le grappin dessus et m'écrasèrent à terre. L'un d’ eux posait son genou sur ma joue et l'enfonçait dans le sol poussiéreux. Un autre me maintenait les mains dans le dos et s'asseyait de tout son poids sur mon échine. Le dernier bloquait mes jambes dans une étreinte robuste. Loren se dirigeait vers la seule porte ouverte du village, personne n'intervenait. Un véritable barrage de cuirasses, infranchissable, me séparait de lui et Maydine. J'hurlais de rage, je me débattais, mais rien à faire Gamin ; mes cris, mes supplications se perdaient dans le silence assourdissant du village. Maydine criait aussi, appelait à l'aide, pas un seul ne bougea. Une fureur insoutenable m'envahissait, contre Loren qui osait s'en prendre à ma bien-aimée, contre l'ensemble des villageois qui restaient inertes, totalement paralysés par la trouille et, enfin, envers moi.

 J'ai essayé Gamin, j'te jure, j'ai essayé. J'ai fait appel à mon Don et tenté de lancer, du bout d'un doigt que je parvins à bouger, un fil mental en direction de Loren pour le retenir, l'immobiliser. J'ai même cru y parvenir. Espoir fugace qui s'évapora immédiatement. Mon fil avait enlacé la cheville de Loren, il ne me restait plus qu'à tirer fort dessus pour le faire trébucher. Mais impossible, j'étais maintenu et je n’tenais le fil que d'un pincement du pouce et de l'index. Soudain, profitant que mon premier tortionnaire relâcha l'appui de son genou, j'écartai d'un geste vif mes deux doigts pour faire sauter le fil et le rattraper d'un coup de dents. Mon bourreau se ressaisit et l'énorme genou, qui m'avait momentanément libéré, me broyait à nouveau la mâchoire et m'empêcha de donner le coup de tête salvateur. Tu connais mon Coût et j’devais le payer immédiatement. J’étais tétanisé. Affalé sur le sol, pleurant comme un gamin, je braillais ma haine, ma douleur. La porte de la maison se referma et, fenêtres encore grandes ouvertes, devant une assistance muette, Loren supplicia Maydine. Ses cris aigus se mêlaient aux gémissements répugnants de son bourreau et s'élevèrent jusqu'aux cieux étoilés d'un printemps déchiré.

Fil fit une nouvelle pause. Une larme roulait sur sa joue. Krone ne la voyait pas. Il avait entendu la voix de Fil s'étrangler à la mention du calvaire qu'avait vécu Maydine dans cette maison. Krone se redressa sur son matelas et remonta ses genoux contre lui. Il ne savait pas s'il devait parler. Que pouvait-il bien dire après pareille révélation ? Il n'avait rien de mieux à offrir qu'un silence compatissant. Il tenta néanmoins  d'ouvrir la bouche pour dire un mot, montrer son soutien, apaiser une peine inconsolable. Fil renifla pour ravaler sa tristesse libérée et dit :

— Pas la peine de bafouiller Gamin. Il n'y a rien à dire. Trois décennies sont passées et ma douleur est toujours aussi vivace. Le pire reste la honte. Elle est bien plus assassine que toutes les peines du monde. Honte devant mon incapacité à agir. Honte des jours et des semaines qui ont suivi car Krone, aussi difficile que ça puisse paraître, mon calvaire ne s'arrêta pas là. Loren me tua une deuxième fois de l'intérieur quelques mois plus tard.

Je n'me rappelle plus très bien des jours immédiats qui ont suivi cette nuit d'horreur. Comment reprendre une vie normale, comme si rien ne s’était passé ? J'étais fourré dans une nébuleuse sans fin. J’me sentais minable. Nous étions mariés depuis quelques heures et j’n'avais pas su lui venir en aide. Je n'vis pas Maydine pendant longtemps. Elle resta enfermée dans sa chambre d'enfance, chez ses parents. Elle n'acceptait la visite que de sa mère. Elle ne voulait pas me voir, comment aurais-je pu lui en vouloir ? Je n'voulais plus me voir moi-même. J’me détestais, j'étais lamentable. Mon père tenta de m'aborder un jour mais, pour la première fois de ma vie, j'eus un geste véhément envers lui. Je n'voulais la compassion de personne. J’voulais être seul. J’passais mes journées et mes nuits isolé de tous, au fond du bois, à me morfondre, à trainer ma peine. J’vivais en ermite, je décrépissais. Je n'm'autorisais qu'un retour au bourg, à la tombée de la nuit, pour frapper à la porte de la maison de Maydine. Tous les soirs sa mère me refermait délicatement la porte à la face. Maydine ne voulait pas me voir.  J’vivais des heures effroyables, elle aussi. Elle avait vécu l'enfer. Les jours passaient, les semaines puis les mois. Tous les soirs, j’frappais à la porte. Tous les soirs, elle restait close.

Quand j'arrivais à dormir, j’faisais des cauchemars. J’voyais Loren grimé en créature démoniaque, il me souriait. J’voulais lui faire ravaler ses dents, les enfoncer dans son fichu gosier d'un coup de poing enragé pour qu'il s'étouffât avec. Mais même là, dans ce monde imaginaire, il me narguait, se gaussait de moi dans un rire tonitruant devant mon impuissance. Ma vie n'avait plus de sens Gamin. Souvent, ai-je songé à l'inconcevable. Les branches des arbres m'appelaient, j’aurais pu mettre un terme à ce supplice, à cette vie dépravée, à mon bonheur anéanti. Mais au fond de moi, un souffle me l'interdisait. En finir serait méprisable. Pour Maydine, j’me devais de vivre et attendre qu'elle m'acceptât à nouveau. L'été passa, aussi long que des années et l'automne touchait presque à sa fin. Puis, un jour, dans les bois tapissés de feuilles jaunies et orangés, dans le parfum des mousses humides, Maydine apparut. Si Loren m’avait piétiné la nuit de mon mariage, il mit mon âme six pieds sous terre ce jour-là. Maydine s'approchait de moi et, malgré son manteau automnal, j'aperçus son ventre arrondi.

Un coup de marteau dans la tronche était du velours à côté de l'effroi qui me saisit à ce moment Gamin. S'il était resté une once d'espoir, cachée au fin fond de l'univers, qu'un jour, Maydine et moi eussions réussi à surmonter la tragédie de la nuit de noces, le petit être qui se développait en elle l'avait anéantie. Pourtant, malgré tout, j'étais prêt à accepter n'importe quoi pour elle, pour la retrouver, la sentir à nouveau. J’ne savais pas ce qu'elle allait me demander mais j'étais décidé à m'y soumettre. Elle me regarda et là, je le sus : elle m'aimait encore. J’le voyais à cette lueur qui brillait dans ses yeux. Elle me rassura, me réanima. Elle me regardait comme avant, comme quand on était dans l'arrière-cour de ses parents durant nos rencontres nocturnes, comme lorsque nos cœurs s'appréhendaient et se découvraient. J’ressentis la vie en moi, une nouvelle source de vitalité emplissait mes veines. Maydine baissa, soudain, confusément le regard. J’compris alors Gamin. Elle avait eu peur de moi. Elle avait craint, dans son état, que j’la rejetasse. Quel idiot ai-je été. Je me précipitai vers elle et je l'enlaçai.

On s'était retrouvés, enfin. On relâcha notre étreinte et elle me promit de revenir me voir. Ce qu'elle fit. On passait nos journées ensemble et, le soir, elle repartait. Nous avions besoin de nous redécouvrir, de nous apprivoiser à nouveau. Le matin, elle sortait du bourg un panier à la main rempli de provisions et, malgré le temps glacial, elle me rejoignait dans la cahute qui me servait d'abri. Là, blottis l'un contre l'autre, j'osais enfin entrevoir un avenir paisible à ses côtés. Cet enfant serait le nôtre et nous unirait. Loren ne parviendrait pas à nous détruire.

 Quel crétin Gamin. Si j’pouvais mettre une paire de beignes à l'idiot amouraché que j'étais, je l’ferais dans la seconde ! Mon amour m'aveuglait et me faisait perdre tout discernement. Quel benêt irrécupérable ! Tu sais comment ça se passe dans la campagne Gamin. Ça parle, ça fait des commérages, ça raconte à tout va ce qui n’vous regarde pas. La nouvelle de la grossesse se répandait malgré nous et les ragoteurs se passaient le mot. Malgré le terme de sa grossesse approchant, Maydine continuait de me rejoindre quotidiennement dans les bois. Mais quel sot Gamin ! Comment n'ai-je pas pu m'en douter ! Gifle-moi j’t'en prie ! Poignarde-moi ! Arrache-moi le cœur !

 

Fil pleurait à chaudes larmes. Krone était décontenancé. Jamais il n'avait vu le robuste gaillard s'effondrer ainsi. Il se leva, enroula une serviette autour de sa taille et s'approcha de la couche de son ami. Fil avait le visage inondé. Des sanglots entravaient sa gorge. Des larmes débordaient de ses yeux humides. Il jeta à Krone un regard empli d'une déchirante tristesse. Krone posa les mains sur les épaules de son ami et balbutia :

— Qu'est-ce qu'il y a Fil ? Que s'est-il passé ?

— Il l'a tuée Krone. Il l'a tuée !

Fil s’écroula sur Krone. Tout son chagrin découlait de sa faille béante. Il parvint à se calmer au bout de longues secondes. Il s'essuya le visage et reprit :

— Pardon Gamin, j’me suis laissé submerger. Cet enfoiré de Loren ! C'est lui, j'en suis sûr. Maydine et moi étions dans la cabane. J’n'avais plus de bûches à mettre dans le poêle. J’suis sorti quelques instants. Les premiers flocons de neige commençaient à tomber sur le pays Lectois et la campagne qui encerclait San-la-Clairière. J'avais pris ma hache pour débiter quelques morceaux de bois à quelques pas de là. À mon retour, l'inimaginable me foudroya. J’tombais nez-à-nez sur un homme encagoulé qui portait à la main un poignard ensanglanté. Il sortait de la cabane et avant même que je puisse comprendre ce qu'il se passait, il me souffla, dans un nuage de buée, que le Second Sujet ne voulait pas s'embarrasser d'un bâtard. Il partit en courant. J’n'eus même pas le réflexe de le poursuivre, de le crever, là, comme une pourriture fétide. Le monde s'était arrêté, il ne m'appartenait plus. J’restai planté comme un couard. La fine couche de neige sur le seuil du cabanon était constellée de gouttes écarlates. Une scène cauchemardesque : dans l'entrebâillement de la porte, Maydine gisait dans une mare d'hémoglobine.

À nouveau le silence enveloppa la chambre. Dehors, la nuit noire étendait sa couverture réconfortante sur la campagne presque endormie. Le grand-duc fondait sur un lièvre imprudent, tandis que sous la fenêtre des deux compères, une musaraigne se délectait d'un pince-oreilles. Rapaces et renards menaient à grandes envolées, le grand bal nocturne d'une nature impitoyable. Les branches d'un bosquet tout proche frémissaient sous la caresse d'un vent tiédi qui s’engouffrait dans la pièce, apportant une fraîcheur bienvenue. Fil s'était rallongé et il fixait le plafond, encore ébranlé d'avoir posé des mots sur ses souvenirs inoubliables. Krone, lui, était assis sur le rebord du lit, le regard baissé sur ses pieds, à la recherche d'un propos réconfortant. Il avait à peine une vingtaine d'années et, bien qu'il mesurait pleinement la peine de son ami, il ne sut trouver les mots. Existaient-ils ? Il en doutait. Il se contenta simplement de le questionner :

— Qu'as-tu fait après ça ?

— J'ai tenté de la réanimer mais c'était peine perdue. Ma tunique empestait la sueur et était lourde de son sang. J'en étais totalement recouvert, mes mains, mon front, mes cheveux. J’l'ai laissée dans le cabanon et j’me suis dirigé à l'orée de la forêt à la recherche d'une aide, en vain. La nuit était déjà tombée depuis plusieurs heures. J’pensais alors à mon père et je me décidai à le retrouver. J'étais à peine sortie de l'adolescence Gamin, tout comme un enfant perdu, j’recherchais mon parent pour y trouver refuge. J’frappais à la porte de son chalet mais il n'y était pas. J’me dirigeais alors vers le bourg, épuisé par l'épreuve, accablé par le chagrin. J'étais dans un piteux état et j’faisais peur à voir. D'ailleurs, les premières personnes que j’croisais, s'écartaient de mon chemin, comme si un chien galeux, un lépreux investissait leur espace. J'implorais leur aide mais je n'voyais que crainte dans leurs yeux. Quelques mois auparavant j’étais au centre de la fête, mais ce jour-là, on me rejetait comme un indésirable. Une migraine terrible me martelait les tempes, un sifflement aigu me perçait les tympans. J’m'écroulai là Gamin, en pleine rue, vidé par l'affliction, puis j’sombrais dans un évanouissement apaisant.

À mon réveil, j'étais allongé dans le lit de mon père. Il m'avait lavé et veillé durant toute la nuit et la journée. Le premier regard qu'il m'adressa était rempli de tristesse. D'ailleurs, il pleura en posant son front contre le mien. Je n’comprenais pas, Gamin. J’pensais avoir touché le fond. J’n’imaginais pas que ma situation pouvait empirer, et pourtant. Mon père me demanda de fuir San-la-Clairière. Le corps de Maydine avait été découvert et tout le village pensait que j'en étais le meurtrier. Certains disaient m'avoir vu recouvert de son sang, d'autres que je n’lui aurais pas pardonné d'attendre un enfant d'un autre que moi. Ils me croyaient tous coupable. La Justice était en route pour me cueillir et me traîner à la potence. Qu'aurais-je pu 

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Bleiz
Posté le 20/07/2023
Salut Clément !

Je traverse PA sur mon escargot de course, et j'arrive donc au chapitre 2 des Pérégrinations. Un plaisir de retrouver tes personnages ! Je t'écris ci-dessous mes commentaires au fil de l'eau.

Dès le début, on est pris dans la narration à mi-chemin entre conte et pièce de théâtre. Fil est touchant dans sa déclaration pour Maydine, ça ajoute une deuxième couche de personnalité qui arrive tôt et ça rend le personnage plus réel et encore plus sympathique. La description de la nourriture est amusante, et en ça ça fait vraiment "conte", bien qu'un peu surprenant à l'oral.
L'histoire de Maydine et Fil est tragique, et tu fais bien ressortir les émotions. C'est captivant et très visuel, jusqu'à la fin.

Mon escargot et moi nous mettons en route vers le prochain chapitre :)
ClementNobrad
Posté le 21/07/2023
Coucou,

Ton escargot est arrivé à bon port, et c'est déjà beaucoup ! Merci beaucoup :)
J'ai en effet voulu faire ce chapitre tragique tôt dans le récit pour que le lecteur s'attache au personnage de Fil et qu'il ait envie également de partager son futur combat qui arrivera dans les chapitres à venir.
Je fais beaucoup de références à la bouffe dans mes chapitres, certainement car j'écris avec le ventre vide :)
Les petites histoires que je publie à côté ont un aspect "conte" plus approfondi, elles se passent dans les Trois pays également. J'espère que la suite te plaira !
Gaëlle N Harper
Posté le 04/07/2023
Oh... De romance sympathique en tragédie :(


Il manque juste les virgules avant le vocatif. Ici, par exemple : "J'sais pas si tu connais bien ton Histoire Gamin" => "J'sais pas si tu connais bien ton Histoire, Gamin"
(Sans quoi on risque de confondre à la "On mange les enfants / On mange, les enfants"

"à la mention du calvaire qu'avait vécu Maydine dans cette maison" est peut-être de trop ? On vient de le voir, et ça peut être plus impactant de le taire

"il me souffla, dans un nuage de buée, que le Second Sujet ne voulait pas s'embarrasser d'un bâtard" => Est-ce qu'il y a moyen de donner l'info plus subtilement ? Je ne vois pas pourquoi l'homme de main lâcherait cette info. D'autant qu'on s'en doute déjà à ce stade, donc une hypothèse de Fil suffirait.

"les premières personnes que j’croisais, s'écartaient de mon chemin" => supprimer la virgule
ClementNobrad
Posté le 04/07/2023
Hello,

Merci pour tous ces conseils d'amélioration, je vais rectifier tout ça.

Le passé de Fil est assez tragique oui, première explication des folies qu'il va entreprendre dans la suite de l'aventure :) J'espère que tout ça te plaira.

À très vite
JeannieC.
Posté le 20/04/2023
Hello ! Me revoici =)
J'aime beaucoup ce genre de chapitre un peu comme des incises, des moments de pause où un personnage va raconter son passé. Et comme je l'avais déjà apprécié dans le chapitre précédent, tu maîtrises bien l'oralité. <3 C'est plaisant, ce jeu avec les tics de langage, les élisions, les formules du genre "j'te dis" ou "vraiment... mais vraiment..."
Rude histoire, que celle de cet homme. On compatit, avec ce crescendo partant de la romance pour aller vers des événements tragiques. Et on comprend pleinement l'envie de vengeance, les tourments de Fil, et l'animosité vis-à-vis de Loren.
Simple question que je me pose, mais est-ce que ça ne serait pas intéressant de hacher de temps en temps le fil du discours de Fil (lol, ok je sors :-p ) pour rendre combien il est bouleversé. Genre avec des points de suspension, des phrases répétés, des maladresses du genre "pardon, je disais..." "oui, je... je reprends..." "donc, tu vois..." 'Fin c'est une idée comme ça ! Le texte est déjà très bien comme ça et on entend aisément Fil.

Un plaisir !
À une prochaine fois =D
ClementNobrad
Posté le 20/04/2023
Coucou Jeannie,

Content de te revoir par ici :)

Je suis content que ce chapitre t'ait plu. Il installe en effet la raison pour laquelle Fil voue une haine pour Loren, et tout ce que les Grands de ce pays représente, moteur de plein de choses pour la suite des événements. Certains m'ont dit qu'il était dommage de mettre ce genre de chapitre au début du roman car on n'a pas eu le temps encore de s'attacher au personnage pour connaître ainsi son passé, pas assez de compassion pour Fil à ce stade du récit pour partager sa peine... Mais bon, j'avais besoin de tout ça pour introduire les futures péripéties :)

J'ai fait quelques coupures comme ça déjà où on voit que Fil est triste. Je craignais qu'insérer directement dans son récit des "heu..." ça allait couper un peu le rythme et l'immersion dans son récit. Alors du coup, oui, ça fait pas très naturelle, on a l'impression a avoir affaire à un mec très éloquent et qui parle super bien, sans hésitation, alors qu'il rapporte un récit, à la façon "narrateur". J'en ai bien conscience mais je trouvais la lecture plus "agréable" comme ça.

J'espère que la suite te plaira en tout cas :D
Saintloup
Posté le 28/02/2023
Salut, c'est encore moi !

J'avoue que j'ai un peu hésité à enchaîner dès ce soir sur le deuxième chapitre quand j'ai vu qu'il était relativement long (pour un support numérique), mais finalement je n'ai pas vu le temps passer. Il y a vraiment une intensité, dans le texte, qui m'a tenu en haleine jusqu'au bout, alors même que le scénario est assez facile prévoir.

C'est vrai qu'on peut se demander s'il n'y a pas un manque de réalisme : un homme ravagé par le chagrin peut-il vraiment raconter une histoire pareille d'une traite et avec tant de détails ? Et d'abord, où un fils de bûcheron a-t-il appris à s'exprimer de la sorte ? Mais je crois que ce n'est pas la question : le souffle épique prime, tout simplement. Enfin, je pense ?

Ce qui est plus étonnant, c'est d'avoir le passé d'un personnage révélé si tôt dans le récit et avec une telle force. Généralement, ce genre de passage arrivent après moult péripéties qui ont déjà permis d'éprouver la solidité de la relation entre les deux compères. Cette originalité attise ma curiosité pour la suite.
ClementNobrad
Posté le 28/02/2023
Bonsoir Saintloup,

Mais n'hésite pas à te lancer dans les Pérégrinations, à toute heure de la journée ou de la nuit, tu es le bienvenu :)

Alors sur l'éloquence de Fil, je te le dis tout de suite, il n'y aura pas d'explications... Il est vrai que pour un bûcheron, il s'exprime que trop bien. Disons que sa longue vie de roublardise a développé des capacités langagières un peu épique comme tu dis :) J'ai voulu faire un mélange d'un personnage à la fois grossier et éloquent, même si ça peut heurter la cohérence :)

Le chapitre est assez prévisible c'est vrai, mais je ne voulais pas faire de suspense car tout était presque déjà tout dit dans le chapitre précédent : Il a de la haine pour Loren, donc c'est qu'il a du se passer quelque chose de marquant. Il est en vadrouille sur les chemins depuis plusieurs décennies, c'est qu'il a du être forcé à l'exil. Il n'y avait aucun mystère dans les révélations dans ce chapitre, voilà pourquoi il arrive aussi tôt dans le récit. :)

Les deux compères ont déjà vécu des années et des années ensemble (ça sera expliqué plus précisément dans d'autres chapitres). Pour le lecteur, cette confidence n'arrive qu'au bout d'un chapitre, mais pour Krone, son compagnon de route, cette révélation arrive après plus de quinze ans de vadrouille avec Fil, donc de son point de vue, pas si tôt que ça :)

"un homme ravagé par le chagrin peut-il vraiment raconter une histoire pareille d'une traite et avec tant de détails " > Figure-toi que j'y avais réfléchi... Mais j'avais peur qu'entre couper le récit par des pauses pour que Fil reprenne ses esprits allait sortir le lecteur de son histoire. Le but ici n'était pas de faire ressentir tant la douleur de Fil, mais d'immerger au mieux le lecteur dans son passé, quitte à y ajouter des détails trop précis pour quelqu'un qui raconterait cet épisode plusieurs décennies après les faits. Je sais que là encore, ça peut heurter la cohérence, mais je trouvais que ça avait l'avantage d'être plus percutant pour l'immersion :)

J'espère que la suite te plaira (promis tu peux lire ça même avant de te coucher ;) )
Camille Octavie
Posté le 16/02/2023
Bonjour,
Ce chapitre me rappelle un peu la saga de Patrick Rothfuss où le héros "raconte" à quelqu'un son aventure, ça me plait beaucoup.
C'est intense à lire, à la fois du point de vue style, et émotions. La fin du chapitre était bienvenue, surtout sur support numérique je trouve.
Je suis curieuse de savoir comment ça va "démarrer" ensuite, avec tout ça :) je pense qu'on a pas fini de voir du sang XD
Je rejoins certains autres commentaires, je pensais que pendant leurs rendez-vous nocturnes ils n'avaient pas fait que se regarder dans le blanc des yeux ^^
A bientôt !
ClementNobrad
Posté le 16/02/2023
Coucou Camille,

Merci de poursuivre ta lecture et tes commentaires, ça me touche beaucoup !
Je te rassure, il y aura des chapitres beaucoup plus légers et drôles aussi ^^ du moins je l'espère, mon humour est particulièrement ;) j'ai voulu mon univers à la fois noir, et drôle, j'espère que le mélange te plaira.

Je connais très bien Rothfuss, par contre je lui en veux énormément de ne pas finir sa saga ! Des plooooombes qu'on attend la suite :)

"La fin du chapitre était bienvenue, surtout sur support numérique je trouve." > Je n'ai pas compris ce que tu voulais dire, tu trouves le chapitre trop long ?

Au plaisir de te lire
Camille Octavie
Posté le 16/02/2023
En fait sur PA, (je trouve que) on ne peut pas "mettre un marque page", poser et aller faire une pause technique / chercher un verre d'eau / peut importe, on se perd quand on lâche l'écran des yeux.
Comme ton style est complexe (ce n'est pas une critique du tout, mais ton style est riche et donc la lecture n'est pas "facile"), la lecture est dense et moins adaptée à des chapitres PA longs.
Ce n'est pas ton chapitre qui est trop long, c'est le support qui n'est pas adapté ;)
Ceci bien sûr n'est que mon humble avis :)
En comparaison, j'ai un style encore très simple (manque d'expérience, histoires en cours...) mais je sais que pour PA mes chapitres de plus de 3 000 mots il vaut mieux les couper en deux parties.
Syanelys
Posté le 09/01/2023
Hey, je reprends ma lecture ici ! Comme dit précédemment, je ne pouvais concevoir lire tes chapitres en les survolant pour enchainer ma PAL. Je prendrai mon rythme pour pouvoir te lire à fond :)

Histoire touchante, on ressent très bien le côté "crescendo" du grand classique [amour de jeunesse - rêve éveillé – drame]. C'est très bien romancé et si bien détaillé qu'il était parfois dur de suivre cette confession au fil des émotions de Fil.

Je veux dire, c'est déjà copieux de lire son récit alternant langage familier / langage soutenu. Parfois, ses descriptions apparaissent même trop "romancées", surtout dans un langage oral. Et plus il souffre de dévoiler son passé, plus il enchaine les envolées lyriques. Son récit gagne en profondeur, en descriptions dépassant son trop-plein émotif. Je m'attendais justement à un Fil qui perd pied, qui laisse tomber toute la partie factuelle et hautement renseignée au profit de son ressenti, son désarroi. Son état d'esprit quoi. L'essentiel. Là, on sent que ce n'est pas très naturel.

Le tout contrebalance ce qu'il sous-entend : que faisait-il concrètement chaque soir de sa romance s'il comptait ne la découvrir que la nuit de noces ? Attention, j'apprécie que tu ne t'égares pas sur l'aspect charnel mais la confusion est facilement atteignable. Je pense que tu devrais insister sur le côté pudique de Fil pour lequel il développerait davantage sa volonté de ne pas faire dans le détail.

Enfin, simple appréciation personnelle, mais je n'ai pas du tout compris Maydine. Je veux bien que sa vie ait changé du tout au tout depuis la venue de Loren. Qu'elle en soit à subir cela seule. Mais n'était-ce point un amour passionné ? Fil ne la méritait pas et a dû sûrement lui montrer pendant très longtemps qu'il la mettait sur un piédestal. Et là, subitement, elle le fuit par peur d'être rejetée alors qu'il déplacerait des montages pour elle ? Peut-être que cette réaction était voulue pour l'effet visuel des retrouvailles, mais j'avoue avoir bugé un peu sur le coup.

Je prendrai tout de même plaisir à continuer de te lire hein ?

P.S : Les "Gamin" non-entourés de virgule sont voulus ? Ça casse l'intonation et le changement de rythme souhaité dans un dialogue non ?
ClementNobrad
Posté le 09/01/2023
"Hey, je reprends ma lecture ici ! Comme dit précédemment, je ne pouvais concevoir lire tes chapitres en les survolant pour enchainer ma PAL. Je prendrai mon rythme pour pouvoir te lire à fond :)" > Merci pour le temps que tu consacres à mon récit :)

"Histoire touchante, on ressent très bien le côté "crescendo" du grand classique [amour de jeunesse - rêve éveillé – drame]. C'est très bien romancé et si bien détaillé qu'il était parfois dur de suivre cette confession au fil des émotions de Fil." > Dur dans le sens, compliqué à suivre, à comprendre?

"Je veux dire, c'est déjà copieux de lire son récit alternant langage familier / langage soutenu. Parfois, ses descriptions apparaissent même trop "romancées", surtout dans un langage oral. Et plus il souffre de dévoiler son passé, plus il enchaine les envolées lyriques." > C'est exactement comme ça que j'ai voulu Fil. Un mélange de plein de genre, de familier, grossier, de soutenu, de lyrique dans certains de ses propos. Je suis désolé que ça te rende sa lecture compliqué :)

"qui laisse tomber toute la partie factuelle et hautement renseignée au profit de son ressenti, son désarroi. Son état d'esprit quoi. L'essentiel. Là, on sent que ce n'est pas très naturel." > Pourtant j'avais l'impression de faire ressentir son désarroi non? Toute la haine qu'il avait en lui qui le torturait physiquement de l'intérieur, toutes les pensées néfastes qu'il a pu avoir, jusqu'à penser au suicide. Les sanglots quand il s'effondre sur Krone. La rage qui sort de lui quand il parle des commérages, et de sa naïveté quant à la suite des événements. Ou j'ai mal compris ton commentaire ? :)

"que faisait-il concrètement chaque soir de sa romance s'il comptait ne la découvrir que la nuit de noces ?" > Que des choses platoniques dans mon esprit. Ca papote, ca rigole, ca parle d'avenir et de rêves fous. Des regards en coins timides, peut-être des mains qui s'entrelacent, un p'tit bisou peut-être? En tout cas, jamais rien de charnel dans mon esprit :D

"Peut-être que cette réaction était voulue pour l'effet visuel des retrouvailles," Ici c'est surtout le point de vue de Fil qu'on a, il livre SES ressentis. Si Maydine devait raconter leur rencontre et comment elle a vécu les journées après les noces, on aurait certainement un tout autre son de cloche. Le point de vue biaise la scène et l'attitude qu'on attendrait de Maydine dans pareil cas. Elle voulait pas le revoir de suite, elle voulait voir personne. Quand il dit "elle avait eu peur que je la rejette" au moment de découvrir son ventre rond, c'est Fil qui l'interprète comme ça. Jamais il ne dit que c'est ce que lui a dit Maydine...

"Je prendrai tout de même plaisir à continuer de te lire hein ?" > Promis, tu n'es vraiment pas obligé de continuer si tu n'accroches pas :) Je n'en tiendrai jamais rigueur à qui que ce soit. Ca doit avant tout être un plaisir, rien de forcé. Vraiment :)

Réponse au P.S. : Heuuuu pas que je sache mdr :D faudrait que je jette un coup d'oeil à ça :)

Merci pour ton retour si précis en tout cas !
Syanelys
Posté le 09/01/2023
Ah, mais j'adore ! Fil est très unique en son genre effectivement ! J'ai un peu de mal oui à le suivre mais ça sera une question d'habitude. Cela n'enlève en rien à son charisme :)

Je me réjouis de lire la suite !
Makara
Posté le 04/01/2023
Coucou Clément ! Un second chapitre très poignant ! Tu nous dresses vraiment le portrait du méchant à tuer dans le livre là... Quel sal**** ce Loren ! XD
Avec ce chapitre, j'ai eu l'impression que ton livre prenait une direction plus classique que ce que je m'attendais avec le 1er chapitre. Ici, on trouve l'injustice à réparer/surmonter. ça m'a rappelé "Brave heart" dans le déroulement même si ton héros est assez éloigné du personnage historique. C'est classique mais ça fonctionne bien car tu poses un bon enjeu (la vengeance du héro) et forcément, vu l'évènement, on a qu'une envie c'est qu'il réussisse. En tout cas, le chapitre se lit très bien et les émotions sont bien rendues.
Je suis aussi très intriguée par le Don de Fil et les conséquences de son utilisation. J'ai hâte d'en savoir plus !
A bientôt !
ClementNobrad
Posté le 04/01/2023
Bonsoir Makara,

Merci pour ton message. La vengeance de Fil ne sera qu'une arrière trame de fond de mon intrigue. Certes j'en reparlerai dans certains chapitres, mais tout ne va pas tourner autour de ça, loin de là :)

Au plaisir de te lire !
Flammy
Posté le 02/01/2023
Coucou,

Bon, c'est pas la joie cette histoire x) Bon, très vite, j'ai compris où on allait arriver, le seigneur qui arrive et qui casse l'ambiance le jour des noces, même si j'avoue que je m'attendais à ce que la mort de Maydine arrive là, puis potentiellement lors de l'accouchement.

Le tout est bien raconté, Fil est vraiment un orateur né :p Mais on sent quand même toute sa peine, on ressent aussi l'amour qu'il a encore pour sa femme, bref, c'est pas juste une histoire, les petites pauses dans le récit permettent aussi de bien voir comment les deux personnages réagissent à tout ça.

Bon, du coup, je comprends mieux pourquoi il a surréagis en entendant parler de Loren, ça se comprend même que trop bien :/ Loren donne l'impression d'être tout, sauf un chic type, je sens que ça s'annonce bien pour la suite ça ^^"

En tout cas, j'ai trouvé tout ce chapitre très touchant, même si on ne les connait pas encore trop, j'ai clairement ressenti de l'empathie pour Fil et de la peine pour lui.
ClementNobrad
Posté le 02/01/2023
Bonsoir Flammy,

Déjà, merci d'avoir continué à lire mes Pérégrinations. :)

Ce chapitre est le plus "triste" du roman. Promis, le reste sera plus joyeux, loufoque, drôle aussi. Après, j'avais besoin de poser une histoire de "vengeance" pour la suite de mon intrigue. C'est vrai que la chute, la mort de Maydine n'est pas une surprise, mais on retrouvera cet épisode, beaaaaaucoup plus loin dans le roman, et cette nuit de noces n'a pas encore révélé tous ses secrets ;)

Au plaisir de te relire, en espérant que la suite te plaise.
Flammy
Posté le 02/01/2023
J'avoue que tu m'intrigues en me disant qu'on ne sait pas tout de cette nuit de noces =o Pas le choix, va falloir continuer à lire ^^
ClementNobrad
Posté le 02/01/2023
Spoil : tu vas devoir attendre le dernier chapitre alors :D Mais ça sera avec plaisir de te lire jusque là !
Peridotite
Posté le 04/12/2022
Pareil que la dernière fois, j'ai lu la moitié et je reviendrai lire plus tard.

Dans ce chapitre, Fil revient sur son amour de jeunesse et son mariage gâché par un seigneur de guerre et ses troupes.

Pour l'instant, je trouve ça bien. Rien à dire sur le fond, mais j'ai des chipotages ci-dessous sinon ce serait pas marrant 🙂

Je te mets mes notes :

"Cette promenade avait fait naître entre nous un lien indéfectible."
> J'ai du mal à y croire. J'enlèverais cette phrase si j'étais toi. Sans, on comprend qu'il lui avoue ses sentiments, comme ils se tournaient autour depuis gamins. Avec cette phrase en revanche, on se demande ce qui a pu se passer d'aussi extraordinaire pendant cette balade et on y croit moins. Mais ce n'est que mon avis. :-)

"nocturnes de ma jeunesse"
> J'enlèverais, c'est implicite

"dans la cour"
> Dans la grange ou un truc du genre non, là je me dis ils font l'amour dans la cour aux yeux de tous ! Et si c'est l'arrière-cour, c'est pas très confortable 😄

"s'épanouissa"
> Mal conjugué : s'épanouit au passé simple, mais peut-être l'imparfait est mieux : s'épanouissait

"inespéré et immérité"
> Pas forcément utile je pense.

"Elle m'avait totalement renversé, récuré mes parts sombres de l'intérieur."
> Tu es sur du terme "récurer" ? Ça me paraît bizarre qu'une femme puisse récurer un homme 😄 Qu'on récure les toilettes ou le lave-vaisselle, je veux bien, mais un homme ?

"Elle en avait parsemé d'autres un peu partout, même dans sa coiffure"
> Cette phrase aussi me paraît bizarre. Elle a parsemé des perles partout ? Pourquoi a-t-elle fait ça ? Et où ça exactement ? Partout sur sa robe ? Je pense que cette phrase est un peu vague.

Il y a un soucis de cohérence stylistique : au début du chapitre, tu as beaucoup d'alitérations (j'ne f'rais qu'ça) mais après moins puis presque plus, comme si Fil changeait sa façon de parler entre temps.

"Une file d'hommes en armes, aux cuirasses scintillantes, sur leurs destriers élégants, fit irruption"
> Pluriel ? "firent irruption" ? Même si les deux formes sont correctes dans ce cas, à vérifier

"Il n'avait pas encore le bouc tressé qui fait sa réputation aujourd'hui"
> Il manque un truc ensuite. Du genre "..., mais son menton était glabre" (par exemple) là tu dis ce qu'il n'est pas (et ça va ici puisqu'il parle à Krone) et on s'attend ensuite à ce qu'il dise comment il était, mais en fait non.

"Il rentrait victorieux d'une campagne militaire en pays d'Astirac. Il l'avait menée au nom du Parakoï Balys."
> Tu peux combiner les phrases
"Il rentrait victorieux d'une campagne militaire en pays d'Astirac, menée au nom du Parakoï Balys."

"Rien de bon n'émanait de lui, il ne laissait que calamité sur son passage. Ce jour, il investissait mon village, mon intimité."
> Là tu te répètes, je trouve que tu assènes trop l'idée. À ce stade, j'avais compris.

fièrement
soudainement
instantanément
immédiatement
intérieurement
brusquement
> Dis donc les adverbes s'accumulent dans ce paragraphe, alors même que tu es dans l'action et que les phrases devraient s'alléger. Je te conseille de trouver des verbes plus forts pour t'en débarrasser.

"Un autre me maintenait les mains dans le dos et s'asseyait de tout son poids sur mon échine. Le dernier bloquait mes jambes dans une étreinte robuste"
> Passé simple ?

"Une fureur insoutenable m'envahissait, contre Loren qui osait s'en prendre à ma bien-aimée, contre l'ensemble des villageois qui restaient inertes, totalement paralysés par la trouille et, enfin, envers moi, car impuissant et misérable."
> Tu finis souvent tes paragraphes par une phrase de récap, comme dans une dissertation quand on conclut par la thèse avancée, mais c'est vraiment pas nécessaire je trouve. Au contraire, tu brises l'immersion en trop assénant l'idée à mon avis.

Sinon, c'était bien. On comprend combien Fil est ému. Je reviens pour la suite tout bientôt 🙂
ClementNobrad
Posté le 04/12/2022
Ouhlala en effet tous ces adverbes :( j'ai élagué tout ça !
Il y a du avoir une erreur de copié collé pour le "s'épanouissa" car sur mon document il est bien conjugué...

Merci pour toutes ces remarques, je les prends en compte pour modifier certaines choses !
ClementNobrad
Posté le 04/12/2022
PS : toutes tes remarques sont sensées. J'aurais fait les mêmes si c'était le texte d'un autre... Avoir la tête dans ses écrits depuis si longtemps rend aveugle...
Peridotite
Posté le 04/12/2022
Je suis contente si je peux aider, car je suis pareille avec mon propre texte, genre au bout d'un moment, je n'arrive plus à corriger, je ne vois plus rien. Quand on me fait ce genre de remarques, ça m'aide beaucoup. Je sais que pour certains, ça peut être intrusif donc je suis contente si ça t'aide dans les relectures. :-)
Peridotite
Posté le 05/12/2022

Eh ben, ça a pas été facile pour Fil. C'est vraiment une horreur ce type du mariage, il s'est vraiment acharné sur lui. Il y a une raison ? Il connaissait cette femme avant ?

Pourquoi est-il convaincu que l'enfant est de l'autre ? Ils ont pas arrêté de faire l'amour ensemble avant le mariage, ce ne serait pas étonnant que l'enfant soit le sien ? Pourquoi cet réaction de sa part, je ne comprends pas ? De même pour le méchant, comment sait-il que l'enfant est le sien ? Ça me paraît vraiment bizarre leurs réactions.

Sinon, c'est globalement fluide et bien écrit. Peut-être trop bien, car Fil semble parler comme un charretier, mais ce n'est parfois pas toujours le cas, il a même quelques envolées lyriques par moment :-)

Je te mets mes notes en dessous :

"des oies rôties aux marrons et potimarrons, des pintades en croûte de pain, des cailles farcies aux cèpes et morilles, de la biche aux figues. Un porcelet grillait lentement" et "Toutes les cuisinières des environs"
> J'ai cru comprendre que c'était un gars d'un petit bourg, tu emploies même le terme village. Là on dirait un banquet de riche. Des oies, de la biche, du porcelet... Il a recruté toutes les cuisinières du coin ? Après, la famille de Fil est peut-être plus riche que les autres, mais tu ne donnais pas cette impression avant ?

"Pour rien au monde je ne l'aurais cédée."
> Je ne sais pas si c'est vraiment la peine de le préciser

"L'un d’ eux"
> Espace en trop

"Maydine criait aussi, appelait à l'aide, pas un seul ne bougea."
> Un frère ? Son père peut-être ? Quitte à ce qu'ils se fassent rétamer eux-aussi, sinon c'est vraiment pas sympa de leur part, même si je comprends que la plupart n'ose rien tenter contre ces hommes d'armes

Tu peux oter les "soudain" ou en garder juste un

"Il avait entendu la voix de Fil s'étrangler à la mention du calvaire qu'avait vécu Maydine dans cette maison.
> Passé simple ? Ou alors tu peux carrément virer le "il avait entendu" à mon avis, genre : "La voix de Fil s'étrangla sur ces mots" ou quelque chose comme ça.

"Nous éons mariés"
> Typo

"Un coup de marteau dans la tronche était du velours à côté de l'effroi qui me saisit à ce moment Gamin"
> Tout de même, c'est le premier truc auquel on pense après ça, surtout les premiers concernés non ? (ou les maladies) Il a quand même pas 12 ans Fil à ce moment-là. Et même si lui n'y pense pas, tous les autres aux villages y penseront et pourront lui dire

"S'il était resté une once d'espoir, cachée au fin fond de l'univers, qu'un jour, Maydine et moi eussions réussi à surmonter la tragédie de la nuit de noces, le petit être qui se développait en elle l'avait anéantie."
> En tout cas, il est vraiment pas sympa Fil, pourquoi attendre des mois ? il aurait pu de suite lui dire que c'était pas grave (s'il voulait retourner avec elle) et élever le gamin ensemble ? D'autant qu'il est plus probable que ce soit le sien !

"de me rejoindre quotidiennement dans les bois"
> Elle se comporte comme une gamine. Ils sont mariés, pourquoi ils ne se retrouvent pas chez eux à la ferme ou quoi ? Qui irait forniquer dans les bois avec son propre mari, enceinte jusqu'au cou ?
ClementNobrad
Posté le 05/12/2022
Bonjour,

Hmmm, en fait toutes tes remarques sur "à qui appartient le bébé, ce qu'il faisait avec Maydine dans l'arrière-cour" reposent sur un malentendu. Pour moi, ils n'avaient jamais eu de rapports intimes avant le mariage. Ils devaient attendre de se marier pour, "enfin se découvrir", je pensais le sous-entendu assez évident. Ils n'ont jamais rien fait ensemble...

Je ne suis pas sûr que dans un cas similaire, beaucoup de gens se soient rebellé contre le comportement odieux de Loren.

"Qui irait forniquer dans les bois avec son propre mari, enceinte jusqu'au cou ?" Lol. Comme précédemment, pour moi il n'y a pas forcément relation dans ces moments là. Pas vraiment propice, ils doivent avoir la tête à autre chose non? :)

J'ai volontairement doté Fil d'un langage familier et soutenu. Je trouve le mélange des genres sympas et "original" pour un personnage. Si tu lis la suite (notamment le chapitre 8), je pousse ce trait très loin...

Merci pour tous tes conseils, je les regarderai de plus près ce soir !

Au plaisir de te relire.
Peridotite
Posté le 06/12/2022
Je vois, mais fais gaffe tout de même car je ne dois pas être la seule à penser qu'ils se retrouvent dans l'arrière-cour le soir pour autre chose qu'une partie de cartes ;-)

Le mélange familier/soutenu est bien mais je veux dire qu'au début il mâche beaucoup ses mots, alors que plus du tout à la fin. Alors même qu'on s'attendrait au contraire : si Fil est de plus en plus ému au fur et à mesure qu'il raconte l'histoire, ses propos peuvent être plus hachés à ce moment-là
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