Journal de bord : Extrait 5

Notes de l’auteur : (Chapitre modifié le 14/11/2020)

Journal de bord d’Anselme Dubois

22 décembre 2221

Une fois de plus, c’est le Dr. Emery qui nous a permis d’élever les débats ce matin. En tant que Président du Comité, je suis censé rester neutre et traiter chaque membre de la même manière. Cependant, est-il vraiment réaliste d’exiger de moi une parfaite impartialité face à un groupe présentant de telles différences de vivacité d’esprit ?

Tout le monde a peut-être un Talent, mais je dois admettre que certains l’utilisent mieux que d’autres. Entre le Dr. Sandberg qui ne prend la parole que pour poser des questions d’ordre financière, le Dr. Richter qui conteste toute idée nouvelle sans toutefois proposer d’alternative et la fâcheuse tendance du Dr. Nkozi de s’endormir après les déjeuners trop copieux, j’avoue avoir tendance à ne pas écouter avec la même intensité tous mes collègues.

Je n’ai cependant aucun problème de concentration lorsque le Dr. Emery prend la parole. Son intelligence n’a d’égal que sa perspicacité et ses rares interventions sont toujours d’une grande justesse.

Aujourd’hui, elle s’est exprimée au sujet de la vétusté de notre actuelle hiérarchie sociale. En effet, notre nouveau système permettra à chacun de trouver un métier au sein duquel leur Talent sera mis à contribution. Cela comportera deux principales vertus. Premièrement, en utilisant de manière optimisée les Talents de chaque individu, nous devrions faire des progrès immenses en très peu de temps dans de multiples domaines et en particulier en ce qui concerne la préservation de l’environnement, enjeux majeur actuel. Deuxièmement, nous atteindrons un niveau de bonheur professionnel sans précédent car les études tendent à prouver que l’être humain aime faire ce pour quoi il est doué.

C’est alors que le Dr. Emery nous a très justement fait remarquer que, pour que notre système fonctionne, il ne devait plus être question de hiérarchie sociale telle que nous la connaissons.  Si nous souhaitons que les individus soient pleinement épanouis dans la carrière qui leur est destinée, nous devons abolir toute notion de prestige concernant les métiers. Un avocat ou un médecin ne devra donc pas être considéré comme plus admirable ou plus brillant qu’un ouvrier ou qu’un coiffeur. Tous les Talents sont primordiaux pour la société. Aucun métier ne doit donc être privilégié face à un autre.

Pour une fois, l’intervention du Dr. Sandberg ne fut pas dénuée d’intérêt puisqu’il argua qu’une telle égalité de traitement ne pouvait passer que par une égalité salariale. Il n’avait d’ailleurs pas l’air ravi de cette déduction mais j’en ai tout de même profité pour dire haut et fort que j’étais d’accord. Cela m’arrive tellement peu souvent avec le Dr. Sandberg que toutes les occasions sont bonnes à prendre.

S’en est suivi un débat qui a duré tout le reste de la journée et qui s’étalera certainement sur plusieurs jours encore. Cela me laisse songeur. L’idée du Dr. Emery fait polémique et elle sera certainement difficile à faire accepter dans notre société. C’est pour ça que je les laisse débattre. Ça me permet d’anticiper les réactions que nous aurons plus tard. Pourtant ma décision est déjà prise. Lorsque je devrai trancher, je donnerai raison au Dr. Emery. Notre nouvelle société ne pourra pas fonctionner autrement.

Comment se fait-il que nous soyons plus prompts à accorder notre admiration à un chirurgien qu’à un infirmier ? Est-ce le nombre d’années d’études ? Le fait que nous lui confions la responsabilité de nos vies ? En prenant du recul sur notre société, en m’autorisant à la remettre en question, je me rends pourtant compte à quel point les deux sont essentiels. Un chirurgien ne pourrait opérer si l’infirmier n’assurait pas les soins post-opératoires. Et un infirmier ne pourrait pas prendre si bien soin du malade sans l’expertise du chirurgien.

Si je continue ma réflexion avec le même l’exemple, je dirais que le métier de chirurgien existe car nous sommes en vie et que nous souhaitons plus que tout le rester. Mais cette vie, nous la devons en premier lieu aux agriculteurs qui nous nourrissent, aux ouvriers qui ont construit des logements pour nous protéger, aux professeurs qui transmettent les savoirs à travers les générations …

Pourquoi serait-il donc si difficile à accepter qu’au début d’une carrière, tous les métiers soient rémunérés de la même manière ? Plus j’y réfléchir, et plus cela me parait évident. Chaque personne commencera sa carrière au même niveau de salaire, quel que soit son métier, quel que soit sont Talent. Il sera alors maître de son évolution, à la sueur de son front, à la motivation, au travail et à la persévérance.

Ainsi, j’ai bon espoir que chacun trouve son utilité dans notre société future. Personne ne sera mis à l’écart ni laissé pour compte.

Personne ne se sentira, ni ne sera jugé inutile. 

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MariKy
Posté le 13/11/2020
Anselme Dubois est en train de dessiner une très belle utopie. Si seulement ! En tout cas, j'aime beaucoup sa manière de voir le monde !!
Cet extrait est parfait pour mettre en place ton univers en dehors de la Deter (ou au contraire pour montrer comment les idées d'Anselme Dubois ont pu être déformées par la suite ?). Sur le style, je vois que tu as ajouté des noms de collaborateurs et ça rend vraiment super ! Ca fait beaucoup plus "journal de bord", tu arrives à faire ressortir en quelques lignes les personnalités de chacun.
Ma seule remarque sera sur les temps des verbes, car tu as utilisé quelques passés simples là où un passé composé ferait plus naturel, comme dans "Aujourd’hui, elle s’exprima au sujet".
MadelinePerlef
Posté le 14/11/2020
Oui c'est exactement ça, on part d'une utopie et on arrive quelque part entre l'utopie et la dystopie, dans quand chose de plus réaliste :)
Pour les temps des verbes tu as raison, je vais rectifier ça !

Merci pour ton aide ! :D
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