La barrière

Je croyais avoir progressé, cependant tout me ramenait toujours au même point. Et j’étais encore là, face à ce vieillard ratatiné par les siècles.

— Eusæbius, il faut que je sache ! Comment peut-on franchir la barrière ? Je suis persuadé que vous le savez !

— Pourquoi ? Pourquoi veux-tu retourner là-bas ? La première fois ne t’a pas servi de leçon ?

— Quoi ? Demandai-je presque en hurlant, j’ai déjà réussi l’ascension ? Mais… Depuis ma chute ici-bas, il ne me reste que des bribes de souvenirs, quelles leçons aurais-je pu retenir ?

— Des siècles avant de te faire appeler Orlanien, tu étais un jeune idéaliste nommé Godefroy. Je t’ai formé, j’ai cru être parvenu à faire de ta quête de vengeance une aspiration à la justice. Tu semblais vouloir changer les choses en profondeur, et tu m’as demandé comment franchir la barrière qui isole Patmosia du reste de l’univers. J’ai cru en toi, je t’ai expliqué comment il était possible de la passer. Les millénaires se sont écoulés. Puis tu es revenu. Tu avais échoué. Encore quelques siècles et te voilà à nouveau devant moi avec cette même question. Cette fois je ne te donnerai aucune réponse.

J’étais troublé par ses paroles, cela aurait dû me faire réfléchir. Toutefois, ma première réaction a été la colère.

— Le fait que vous ne soyez pas assez puissant pour vous échapper de cette prison ne vous donne pas le droit de me l’interdire ! Si vous ne voulez pas m’aider de votre plein gré, je vous y contraindrai !

— Si vieux et pourtant si jeune, tu n’as donc rien appris de valable au cours de ton existence plurimillénaire ?

Pendant qu’il parlait, j'eu brièvement l’impression de me retrouver face à un soleil. L’idée m’a sonné comme un coup de poing, il masquait son réel pouvoir ! Il brûlait d’une fournaise de magie plus forte que tout ce que j’avais pu observer jusque là. J’étais estomaqué.

— Pourquoi êtes-vous encore ici ? Pourquoi perdez-vous votre temps Eusæbius ? Demandai-je lentement encore sous le choc.

— Que crois-tu qu’il y ait pour moi là-bas ? Ou même pour toi ? J’ai décidé il y a des éons de cela que je n’y retournerai plus. J’ai renoncé à cette quête vaine, et si tu avais un tant soit peu de sagesse, tu suivrais mon exemple.

Il avait raison, évidemment. Si seulement je l’avais écouté…