Sam allongé sur le dos observe le ciel qui prend vie. Des veines bleues et rouges prennent possession du ciel, ondulent et suivent le rythme d'un battement de cœur que Sam perçoit au loin. Il ne s'attarde pas à savoir à qui appartient ce cœur, ses yeux papillonne déjà de bonheur quand le visage de Léana apparaît à travers les étoiles. Il reconnaît son tatouage, celui niché dans son cou, ce petit papillon au trait fin et noir qui s'envole au dessus de lui. Il cherche à l'attraper. Son bras à beau s'étirer sur plusieurs mètres, il n'arrive pas à l’atteindre. Cette impuissance lui fait jaillir des larmes au coin des yeux. Le ciel devient rouge carmin et des veloutes de fumées noires se répandent autour de lui pour prendre possession de son corps. Il se sent oppressé, emmailloté tel un bébé. Il ferme les yeux et se laisse bercer par la voix de la magicienne qui l’enivre. Son corps lévite au son de sa voix, il est apaisé. Puis, ses paupières ne résistant plus à rester fermées se soulèvent. La nuit étoilée se projettent devant lui, des étoiles filantes s'étirent dans la voûte céleste puis accélèrent leur cadence. Elles arrivent de toute part, de gauche , de droite à une vitesse de plus en plus rapide. Impossible pour Sam de maintenir les yeux ouverts, il les sent se consumer comme une bougie par des flammes. Ne résiste pas, Regarde ! lui susurre la magicienne. Il s’exécute malgré la douleur et voit apparaître un visage dans la fumée du ciel pris par les flammes. Il ne le reconnaît pas. Regarde, insiste-elle. Sam s'épuise à regarder ce qu'il ne voit pas. Il se force jusqu'à que tous ses membres se raidissent. Des crampes forment des bâtons dans les jambes lui font mal. Son corps entier est tendu ; il n'en peut plus, il s'effondre dans des flots de larmes qui pourrait le noyer. Son corps se liquéfie, Sam se répand de chagrin. Pris par un dernier spasme, il finit par s'endormir.
A son réveil, le feu est éteint, seules quelques braises résistent. Il est seul. La magicienne et le papillon se sont volatilisés. Le soleil cogne toujours autant. Par chance, une gourde remplie d'eau l'attend, sûrement le geste charitable de la magicienne comme pour s'excuser de l'avoir torturé. Son esprit est dans le coaltar. Il repense à Léana, il aimerait tellement se réfugier dans ses bras. Il ne sait pas s'il la reverra un jour.
En observant le lieu dans lequel on l'a abandonné, il constate qu'il est toujours en plein désert. Comment je peux sortir de ce maudit désert, j'en ai marre !! Hurle t-il au néant. Il crie de toutes ses forces, la colère le gagne. Décidé, il reprend la route vers l'ouest avec son sac sur le dos qui contient toujours son carnet, le cahier de croquis de Théo et la gourde d'eau. Malgré le tournis qui envahit tout son être, Sam avance droit devant lui, plus obstiné que jamais. Sa mission : retrouver son frère.
Sur le chemin, il traverse une foret éparse d'arbres sans feuille ayant le tronc et les branches noir de suie comme rescapés d'un incendie. Des boules de guis vertes décorent ses arbres qui prennent ainsi l'allure d'arbres de noël en plein désert. Au bout de quelques heures, ce que calcule Sam en fonction de la courbe du soleil, il s’arrête. Il se frotte les yeux, apercevoir une étendue d'eau lui fait douter de son équilibre mental. Mort de soif et de faim, il ne fait plus confiance en ses sens. Il est sur qu'il s'agit d'un mirage. Malgré tout ses pupilles font une mise au point sur l'image. Et il a beau cligner des yeux autant de fois que possible, il voit toujours la même chose. Il sourit. Peut-être va t-il enfin réussir à sortir du désert, du moins à se rafraîchir prés d'un point d'eau. Il se met à courir. Des dunes de sable délimitent les différents plans d'eau. Des marais salants, pense t-il. Des échassiers ont pris possession des lieux, ils s'abreuvent dans les trous d'eau, d'autres s'envolent à tire d'aile dérangés par l'arrivée de Sam. Le soleil teintée de rose finalise ce tableau. Sam s’émeut devant tant de beauté. Cela lui rappelle la Camargue où il allait en vacances chez ses grands parents paternels. Il se pose, respire l'air. Tient se dit-il, je sens l'air marin ! Se peut-il que j'ai aussi un mirage olfactif, se questionne t-il. Il goutte l'eau du marais qui révèle un goût de sel. Merde, se dit-il, je ne peux pas boire cette eau. Je suis maudit se lamente t-il mais proche de la mer, ce qui est plutôt bon signe. La nuit tombe vite. Il entend au loin un bruit sourd. Il se demande s'il ne s'agit pas de l'alarme assourdissante qui agressait la ville. Est -il possible que la cité ne soit pas aussi éloignée qu'il le pensait ? Une étoile scintille plus forte que les autres au milieu de l'infini céleste. Sam bondit sur ses deux jambes pour mieux voir. Ce n'est pas une étoile mais bel et bien une lumière émanant d'un feu. Sans réfléchir, Sam met sa frontale et se dirige tout droit vers cette lumière. Qui que ce soit, il est préférable de ne pas rester seul. Il n'a plus rien à manger ni à boire. Il décide de prendre le risque. Au mieux, il pourra se restaurer et peut-être même trouver les réponses à ses questions. Au pire, on verra...
Il se trouve devant une cabane faite en bois flotté, construite de manière très artisanale, très minimaliste. Le minimum de confort. Le feu qui scintille donne une image déformée de la cabane, il ne distingue pas bien ses contours ni même ceux de la silhouette assise prés du feu. Les gestes et déplacements traduisent ceux d'un homme en train de griller du poisson. L'odeur vient taquiner les narines de Sam qui salive d'envie. Il se cache derrière une dune pour observer cet homme d'apparence pacifique. Il ne veut pas se faire repérer avant d'être sur qu'il ne craint aucun danger. C'est ce qu'il souhaitait avant de devoir étouffer un éternuement imprévu. Puis un second presque de suite ne lui laisse pas le temps de le contenir. L'homme l'entend et crie :
— Qui est là ? Montrez vous ?
Sam se cache, les deux mains sur la bouche pour s'assurer qu'aucun autre éternuement ne vienne trahir sa présence. Bien qu'il ait conscience qu'il est déjà trop tard, il a peur de se montrer.
— Allez montrez vous ! Je ne vous ferai aucun mal !
Sam sait que cela ne sert à rien de se cacher. Il se lève avec les bras en l'air pour signifier à l'homme qu'il est inoffensif. L'homme le scrute en l'aveuglant de sa torche enflammée.
— Qui es-tu et que veux tu ?
— Je suis perdu depuis plusieurs jours dans le désert, je ne sais pas où je suis et surtout j'ai faim et soif… heu.. peut-être auriez vous quelques choses à me donner.
L'homme ne dit rien, il le regarde de ses yeux sombres. La lumière de sa torche fait apparaître des traits rugueux. L'homme semble porter un lourd passé. M'enfin, à l'heure actuelle, il ne sait plus bien si sa capacité d'analyse est à son top. Déjà qu'avec son frère, il est passé à côté de plein de choses...
— Vas y installe toi prés du feu, je te prépare une assiette.
— Merci monsieur !
— Garde tes remerciements à d'autre, tu ne me laisses pas le choix et appelle moi Chris.
Quoi ? Sam n'en revenait pas. Il se trouvait assis à côté du seul évadé, son sauveur. Ce qu'il espère tout du moins.
Sam lui raconte son histoire et sa volonté de sauver son frère, à son tour l'évadé Chris lui répond avec philosophie :
— Ce n'est pas une vie d'être toujours en fuite tu sais, de vivre en dehors de la réalité. Moi aussi j'ai eu des envies de vengeance. Ma colère m'a rendu sourd et aveugle. Dés que j'ai compris que cela ne servait à rien, j'ai fait demi tour. J'étais pourtant au pied du phare, à deux pas de Lui. J'ai préféré rebrousser chemin. Je ne regrette rien. Aujourd'hui, j'ai fait la paix avec moi-même. Je passe mes journées à dormir, à pécher et regarder l'horizon et cela me suffit. Je connais l'endroit que tu cherches mais c'est dangereux. Réfléchis bien avant d'agir. Ta colère est-elle légitime ? Dois-tu poursuivre ta quête ? Ou dois-tu faire la paix avec toi-même ?
L'argumentaire de Chris le laisse dubitatif. Il ne s'attendait pas à une telle tirade de sa part. Il ne veut pas remettre en question sa mission, il doit sauver son frère. Il n'a pas choix. Qui le veuille ou pas, il lui indiquera où se trouve Théo. Il est tellement prêt du but qu'il ne peut pas abandonné maintenant. Cela serait injuste pour son frère et puis qu'est-ce qui ferait d'autre perdu dans ce monde. Sans doute qu'il s'effacerait peu à peu.
— Écoute jeune homme, je te propose de dormir. La nuit porte conseil. Tu me diras demain ce que tu as décidé.
— Ok, dit Sam entre deux soupirs.
Sam n'a pas sommeil, allongé sur le sable, il écoute le bruit des vagues qui résonnent au loin. La mer est proche, il reconnaît sa force, son odeur, ses embruns…Arrivé de nuit, il n'a pas pu la voir. Néanmoins, il la ressent prés de lui. Il s'amuse à relier les étoiles entre elles pour former les visages de ceux qui l'aime : Léana, Théo, ses parents…
On est là chéri !
Sam se relève brusquement. Les voix de ses parents sont-elles réelles ou le bruit du vent manipule sa raison ?