La fin des premières heures de la matinée sonna.
Les portes des amphis claquèrent et les couloirs, ordinairement silencieux, furent emplis du tumulte des étudiants, impatients de retrouver leurs camarades, mais surtout de rejoindre le réfectoire.
C'est dans une sorte de course qui tenait de la marche rapide qu'ils dévalèrent le grand escalier. Dans le hall, ils furent rejoints par les 2e et 3e années, arrivés, semblait-il, par un autre escalier au fond du bâtiment.
Lidka chercha Maureen du regard, mais le nombre et le tumulte rendit sa tâche impossible. Elle se dit qu'elle la retrouverait bien dans la file du self ou assise à une table.
Elle laissa passer des étudiants plus agés et plus sûrs d'eux et prit la suite de la file.
Une fois servie d'un plat qui lui semblait appetissant, elle trouva une place au bout d'une des longues tables. Il y avait bien des tables plus petites, certaines rondes, de 4 places. Mais elle préférait éviter une certaine promiscuité dans un premier temps.
Elle commença à manger tout en parcourant la salle du regard.
Elle découvrit Maureen à une table non loin, en grand discussion avec quatre autres étudiants. Elle parlait et riait avec entrain. Elle aperçut Lidka et lui fit un petit signe, avant de reprendre sa conversation.
Lidka se sentit un peu gênée d'avoir espéré une certaine exclusivité dans sa nouvelle amitié. De quel droit pouvait-elle l'exiger après tout ?
C'était à elle aussi de s'intégrer et se créer un groupe d'amis.
S'il lui fallait faire preuve de discernement, ce n'était pas difficile d'estimer que ce ne serait pas avec le groupe qui venait de s'asseoir à sa table, tant ils étaient tapageurs et désinvoltes.
Lidka attaqua son dessert, une sorte de crème caramel indéfinissable, comme le servent toutes les cantines du monde apparemment.
Elle alla reposer son plateau et découvrit que les portes donnant sur le parc à l'arrière du chateau étaient ouvertes. Certains étudiants étaient déja sortis pour fumer. D'autres simplement pour prendre l'air. Elle les imita et se mit à déambuler sans but précis.
Elle nota cependant qu'une table en bois et des bancs étaient occupés par le groupe de 2e année qu'elle avait aperçu durant le discours. Elle les observa de loin tout en déambulant au hasard. Ils parlaient à voix basse et avaient l'air grave.
"Bien mangé ?"
Lidka sursauta. Maureen s'était faufilé derrière elle en silence.
"Ça peut aller. Et toi ?"
"Ce sera supportable. On trouvera un moyen d'améliorer l'ordinaire."
"Quelle expression 'améliorer l'ordinaire'!"
"Mon père l'utilise souvent. Un truc de militaire."
"Oh, je vois."
"Et toi ? Que font tes parents ?"
Lidka haussa les épaules.
"Aucune idée. Ils sont morts quand j'étais jeune."
Maureen s'arrêta de marcher. Elle attrappa le bras de Lidka et la regarda gravement.
"Tu es Batman ?"
Puis, aussitot reprit sa marche :
"Mais non, que je suis bête, c'est un gars et il vit dans une cave."
Lidka était restée figée sur place. C'était la première fois que quelqu'un osait plaisanter sur ce sujet aussi naturellement et sans aucune gêne. Cette fille était différente.
"Bon, tu viens ? dit-elle. Les cours vont reprendre."
A très vite