La mer était si calme et semblait chantonner,
Pour le bonheur des crabes et des coquillages,
Cette vieille chanson au refrain oublié,
Que d’anciens rois nommaient la Complainte des Âges.
Je regardais danser, sur le rivage d’or,
Les remous attendris s’échouant sur la grève.
De ce monde si plein, je m’approchai du bord ;
Pas à pas, lentement, comme on le fait en rêve.
Je voulais écouter, moi aussi, ce vieux chant !
Celui que les marins apprennent des sirènes,
Quand leurs bateaux poussés par un terrible vent,
Se retrouvent brisés sur des îles lointaines.
Mais je n’entendis rien que des ressacs discrets ;
La Complainte des Ages me resta muette…
La mer silencieuse gardant ses secrets,
Je repris mon chemin, moqué par une mouette.
Alors un bout de vague me lécha les pieds :
D’où pouvait-il venir ? De quels profonds abîmes ?
Avait-il effleuré des navires coulés ?
Avait-il ruisselé des plus superbes cimes ?
M’enfonçant dans le sable je sentis ses grains,
S’écouler, lentement, retourner à l’écume,
Puis j’entendis monter, emmêlée aux embruns,
L’antique mélodie aux notes d’amertume.