La fin de tout

Par Elore
Notes de l’auteur : CW : violence physique, sang.

Dolcett a retiré sa lame de mon épaule, m’arrachant un gémissement pitoyable. Capturée dans son regard, j’ai rassemblé toute l’énergie qu’il me restait pour ne pas flancher, attendre une ouverture malgré la douleur qui irradiait de mon épaule.

- Je t’avais donné une chance, Rain. Je t’avais dit de vous rétracter et tu ne m’as pas écoutée.

La lame, marquée par mon propre sang, est apparue dans mon champ de vision. Incapable de détacher mon regard du sien, mes autres sens semblaient sublimés. Le silence relatif du parc en fin de bataille s’est imposé à moi avant que la voix du boss ne gronde à nouveau.

- Que tu me trahisses ainsi en te prenant à mon fils...

Sa voix a tremblé et j’ai vu la lame se rapprocher de mon visage.

- Un dernier mot à dire avant que je ne te refasse le portrait ?

Il y a eu un instant en suspension, où je me suis demandé s’il ne restait plus que nous. Puis j’ai repensé au dos de Mina, à la peau de Beth que j’avais entraperçue au QG.

Et surtout à Lola. Il fallait que je la rejoigne.

La rage a recommencé à tout brûler sous ma peau. Ignorant ses doigts contre ma peau, je lui ai craché à la tronche.

- Va crever, Dolcett.

Son visage s’est déformé, animé par la haine.

- D’abord je t’entraînerai avec moi.

 

Je ne lui ai pas facilité la tache. Malgré le bruit des corps qui tombaient, la pluie qui nous martelait et le fait qu’il soit plus lourd que moi, je me suis débattue à en crever, cherchant la moindre ouverture alors que sa lame fendait ma peau, marquant à jamais l’histoire de mes péchés. J’avais dépassé le stade de la peur, je voulais juste rejoindre Lola. Peu m’importait le fil qui tranchait, cet instant infernal où j’étais coincée. J’avais vécu pire, tellement pire. J’avais survécu aux bleus sur mon corps, aux carrelages qui mordaient, à la perte ou la transformation pour le pire de ceux que j’aimais.

Il ne me prendrait pas celle qu’il me restait.

Il n’en avait pas le droit.

L’ouverture que j’attendais s’est manifestée sous la forme de la chute d’un corps, un peu trop proche de nous. Dolcett s’est raidi et, ignorant le sang qui s’infiltrait dans ma bouche et sur mes yeux, j’en ai profité pour soulever mes jambes et m’arquer en y mettant toute ma force. Déséquilibré, il a voulu se rattraper en posant la paume contre l’asphalte mais j’ai dégagé son bras d’un coup. Il s’est étalé sur moi et j’ai réussi, dans un élan de rage, à le retourner et renverser la balance. J’aurais dû en profiter pour l’achever mais à la place, je me suis relevée et ai fait un bond en arrière, lui donnant un violent coup de pied au passage.

C’était Lola qui m’importait, personne d’autre.

 

La pluie tombait sur mon visage sans parvenir à laver le sang. De mon bras encore valide, j’ai dégagé le rouge de mes yeux, ouvrant les rideaux sur une scène d’une désolation extrême. Rien ne venait briser la monotonie de la chair qui tapissait l’asphalte, il n’y avait que des corps horizontaux et mouillés, ensanglantés, accompagnés d’une odeur de poudre et de souffrance que je ne connaissais que trop bien. Mon cœur s’est mis à battre comme pour tuer alors que je scannais les lieux, cherchait la présence de Lola.

Il me fallait quelque chose. Sa silhouette, sa voix, n’importe quoi pour apaiser l’horreur qui se creusait dans mon estomac et ce silence qui menaçait de tout emporter, mais rien n’a troublé le tableau. Pas de respiration, pas de voix qui m’appelait. La réalisation m’a frappée comme une balle en travers de ma poitrine : si elle n’était pas debout, c’est qu’elle devait être avec eux.

Entre la pluie et l’asphalte, au nom d’une guerre atroce.

À cause de moi, à cause de moi.

À quelques mètres, Dolcett a commencé à se relever. Je n’ai pas réfléchi, mon corps s’est animé tout seul. Ignorant le sang qui tâchait ma veste, mon visage et mon bras en feu, j’ai foncé vers lui.

 

Mon élan l’a entraîné au sol et je n’ai pas attendu de riposte pour frapper. Les poings serrés, j’ai cédé à ce hurlement qui déchirait ma gorge et aveuglait ma vision. Mes poings se sont abattus sur ses joues, tour à tour, provoquant des éclairs de souffrance qui se communiquaient de mes articulations à sa peau.

Un coup, pour mes loups tombés.

Un coup, pour les vies sacrifiées.

Un coup, pour Beth.

Un coup, pour Andre.

Un coup pour Lola.

Un coup pour Lola.

Je crois que Dolcett s’est agité mais je n’ai rien senti. Tout mon corps était engourdi à l’exception de mes poumons en feu et le sang qui dégoulinait le long de ma gueule fissurée.

J’avais tout perdu.

J’avais tout perdu.

J’avais tout perdu.

J’avais tout perdu.

Il ne me restait plus rien d’autre que lui.

 

Un coup, pour Jezebel.

Un coup, pour Ren.

Un coup, pour moi.

Encore un coup pour Lola.

 

Et il y a eu cette voix, mon nom qui a fendu la pluie.

- Raïra !

 

Mon corps s’est animé avant ma raison, tournant ma tête et me heurtant à sa silhouette, agenouillée au milieu des corps. Et si mon cerveau saturé de haine n’a pas eu le temps de comprendre, mon coeur a su à sa place.

Tout à coup, plus rien n’a eu d’importance.

Si elle était encore en vie, il nous restait peut-être encore une chance.

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