Réponse facile : ça dépend. Ça dépend des gens.
Mais si je n’aime pas les questions faciles, je déteste encore plus les réponses faciles. Je vais donc écrire sur ce que je connais le mieux (et pour satisfaire mon ego surdimensionné) : moi.
Pour moi, difficile de répondre. Moi qui n’ai jamais réussi à me sentir vraiment heureux ou vraiment libre. Peut-être que le bonheur et la liberté vont bien ensemble : ça expliquerait pourquoi ils sont impossibles à atteindre. On court après l’un en oubliant l’autre, on peste contre le monde plutôt que contre notre bêtise, alors que la réponse était là, évidente, sous nos yeux.
Le bonheur sans liberté n’est que servilité. La liberté sans bonheur n’est que solitude.
Une vie sans liberté et sans bonheur n’est… qu’une vie normale.
Dans le monde que nous avons construit, la liberté est une chimère et le bonheur un concept abstrait. Aujourd’hui, il m’est impossible de dire si le bonheur et la liberté vont bien ensemble. Mais je suis convaincu qu’ils vont mal ensemble.
Conjecture : plus on en a, et plus on en veut, et moins on a l’impression d’en avoir.
Deuxième conjecture : le voisin en a toujours plus que nous.
Notre monde se nourrit de notre insatisfaction. Nous sommes programmés pour désirer, plus, toujours plus, mis à jour quotidiennement par la publicité pour raviver nos désirs, rattachés au train de la consommation par notre entourage, comme un bataillon de maîtres-nageurs tellement empêtré qu’on se noie tous ensemble. Un individu libre n’est pas productif ; un individu heureux ne consomme pas. Tout cela est mauvais pour les affaires. Or, le pouvoir d’achat, première préoccupation du peuple français, nous enjoint de produire toujours plus pour consommer toujours plus. Pas de place pour la satisfaction — on peut toujours faire mieux. Pas une pensée pour la gratitude — tout nous est dû. Pas de temps pour l’amour — la jouissance toque à la porte.
La liberté moderne consiste à choisir nous-mêmes quelles chaînes nous entravent. Le bonheur moderne vise à nous libérer de nos chaînes. Ô douce ironie.