A quel point la responsabilité d’une personne retombe-t-elle sur son éducation ?
Mettons que quelqu’un ne sache pas cuisiner à trente ans. Tout le monde s’accorderait pour le lui reprocher ; mais si cette personne – disons, Camille – avait des parents qui ne le lui ont jamais appris ? D’accord, mais elle avait tout le temps d’apprendre par elle-même après avoir quitté le cocon familial. Mais si Camille a grandi sans qu’on n’encourage sa curiosité ? Voire en la réprimant ?
Ne pas savoir cuisiner ne fait de mal à personne, ce n’est pas bien grave. Mais imaginons que Camille ait grandi dans un total non-respect des femmes. A chaque fois qu’il (oui, du coup c’est genré, désolé) faisait preuve d’indulgence ou de compassion pour sa sœur, sa mère ou qui que ce soit d’autre du « sexe faible », Camille se faisait frapper par son père. Qui faut-il tenir responsable du fait que, suivant l’exemple paternel, Camille batte sa compagne à vingt ans ? Camille, bien sûr. Mais pourquoi pas son père ?
Quand pouvons-nous considérer que nous disposons d’un libre arbitre ? Quand arrivons-nous à nous extraire de notre conditionnement social, familial, genré ?
Qu’il nous est facile de juger Camille, drapés dans nos valeurs et dans notre hypocrisie. Il n’a pas respecté la loi, il est donc coupable. La loi ! Ce concentré de vertus inattaquables ! Non, non, ce n’est pas suffisant : la loi est aveugle, corrompue, dans vingt ans peut-être, on jugera les bourreaux d’animaux, les éleveurs, les carnivores, comme nous jugeons aujourd’hui Camille. Enfin, vingt ans – plutôt cent.
Non, assurément, la loi est aussi aveugle et hypocrite que nous tous, elle condamne les violences faites aux Ukrainiens mais renâcle en pensant aux Ouïghours, elle condamne les violences conjugales mais se gave du pétrole saoudien, elle dépouille les SDF de leurs droits, de leur humanité, elle condamne des millions, des milliards partout dans le monde – enfants dans des usines, hommes dans des mines, femmes partout, insulaires noyés, réfugiés climatiques et migrants qui tombent comme des mouches, pourvu que notre confort reste intouchable !
« Mais », nous écrierons-nous, accablés par le poids de notre cruauté, « nous ne pouvions pas savoir ! Nous n’avions pas les moyens de nous en rendre compte ! »
L’ignorance n’excuse rien. Camille, lui non plus, ne savait pas qu’il finirait par tuer sa conjointe.
« Tout le monde faisait pareil ! »
Et Camille, alors ?
« Nous respections la loi ! »
Comme si Camille se voyait hors-la-loi.
Toutes et tous, autant que nous sommes, nous battons nos conjoints. Nous sommes Camille.
Les meilleures et meilleurs d’entre nous le font en pleurant, tentent de se racheter avec un bouquet de fleurs.
Mon exemple est volontairement absurde, mais c'est pour montrer que le plus simple reste d'attribuer l'entiere responsabilité à l'auteur du délit/crime
Le vrai probleme, c'est le systeme judiciaire et carceral qui se concentre sur le punitif, et laisse une part trop peu importante a la rehabilitation/prevention/réeducation. Certains pays punissent les hors la loi en les faisant travailler pour leurs victimes, pour résumer exagérément. C'est pour moi une des pistes les moins pires pour le moment, avant de trouver mieux.
Ça reprend un peu l'image de "l'arbre qui cache la forêt", en somme, l'individu qui occulte des problèmes systémiques auxquels il est urgent de s'attaquer :)
Mais d'un point de vue plus concret, je suis très d'accord avec ton point sur le système judiciaire !