La Plateforme

L'hélicoptère venait d'atterrir et son régime moteur diminuait lentement. Deux hommes, dont l'ingénieur en chef attendait au bord de la zone d'atterrissage que les passagers descendent.

Deux employés de la plateforme, rompus à ce genre de transport, sautèrent sur le pad et se précipitèrent vers un escalier métallique. Trois autres personnes descendirent de l'appareil et regardèrent autour d'eux. L'ingénieur en chef fit un signe et s'avança vers eux.

Il leur tendit la main.

"Cesario Vecchi, directeur d'exploitation. Mais tout le monde m'appelle "le tsar". Bienvenue sur la plateforme. Je vous présente Usman Setiawan, mon adjoint."

"Fabian Boskins, professeur à l'Université Pasaj. Voici Dustin Ripperger, mon assistant, étudiant en Histoire asiatique. Et Wolf Vorbeck, chargé de notre sécurité."

"Mais notre plateforme est sûre. Et nous avons un service de sécurité."

"J'en suis certain. Mais nous avons perdu quelqu'un lors d'une récente opération. Alors nous sommes obligés de prendre des précautions."

Cesario hocha la tête, sans être complètement convaincu cependant.

"Bon, suivez-moi. C'est par là."

Apres quelques minutes de marche, plusieurs escaliers et coursives, ils se retrouverent dans un bureau où trois employés étaient assis devant une rangée d'écran d'ordinateurs. Un mur du bureau était vitré et donnait sur l'extérieur. La vitre était protégée par un grillage renforcé.

"Nous avons remarqué des données étranges sur nos derniers relevés. Voyez par vous-mêmes. Sur cet écran."

Boskins s'approcha de celui que Cesario lui avait désigné. Puis se retourna vers son assistant.

"Vous pouvez me montrer les données de Beyrouth ?"

Ripperger extrait un liasse de papiers de son porte documents qu'il tendit à Boskins. Ce dernier les parcourut rapidement jusqu'à la troisième page.

"Ici", dit-il comme s'il se parlait à lui-même. Puis, comme s'il découvrait qu'il n'était pas seul, il se tourna vers Cesario.

"Nous avons eu des résultats semblables lors d'un événement récent."

Cesario croisa les bras, échangea un regard avec son adjoint.

"Et qu'est-ce que ça veut dire ?"

"Ah oui, bien sûr. C'est assez simple. Vous devez évacuer la plateforme."

A ces mots, les employés se retournèrent vers Boskins.

Cesario partit d'un rire franc.

"D'accord, dit-il, c'est une bonne blague. Bon, mais sérieusement. Que fait-on de ça ?"

Boskins, qui n'avait pas esquissé le moindre sourire planta son regard dans celui de Cesario.

"Vous allez évacuer le plateforme. Si vous ne le faites pas, un événement fera que vos hommes encourent des risques insensés. Ils risquent leur vie à rester ici. Nous pouvons espérer que le phénomène reste confiné du fait de l'isolation de cette plateforme. Mais nous ne pouvons pas garantir la sécurité des hommes et femmes qui se trouvent ici.

Le sourire de Cesario s'était effacé et fronçait les sourcils. L'homme semblait sérieux.

"Mais de quel phénomène parlez-vous exactement ? Qu'est-ce qui va se passer ici ?"

Boskins soupira.

"Une activité géologique absolument extraordinaire et d'une ampleur inédite. Enfin, pas vraiment inédite puisque nous avons en avons déjà observé à quelques occasions dans le monde. Mais à chaque fois il y a eu des victimes. Comme il s'agit d'un phénomene récent, nous ne pouvions le prévoir. Mais nous apprenons vite et savons maintenant reconnaître les signes avant-coureurs. Vos données sismiques sont caratéristiques. Cela va se produire ici, et très bientôt."

"Ecoutez, professeur, je vous remercie de votre prévenance envers mes employés, mais il va me falloir plus que ça pour que j'abandonne l'exploitation de cette plateforme.  J'ai eu un ordre venu de tres haute pour vous donner acces à ces données. Nous sommes dans les eaux internationales. C'est pour cela que c ést vous qui êtes ici et non le service géologique national chinois ou indonésien. Nous ne dépendons d'aucune autorité nationale. Et pas plus de la vôtre. La seule autorité qui puisse me donner cet ordre est mon directeur général. Et il se trouve à Kuala Lumpur. Et, à moins d'une catastrophe imminente, je le vois mal me dire de faire ce que vous me conseillez."

"Mais la catastrophe est imminente, soyez-en certain !"

"Comment pouvez-vous en être aussi sûrs ? Des secousses sismiques, nous en avons régulièrement."

"Pas de cette magnitude, ni à ce rythme aussi régulier."

"D'accord, mais il faut tout me dire. Il me faut des arguments solides que je puisse transmettre à mes supérieurs. Ils vont les analyser et prendrons une décision…"

"Ils n'auront pas le temps, bon sang !"

Boskins serra les mâchoires. Il s'en voulut de s'être emporté. Il avait remarqué que cela braquait les gens en général.

"Ce que le professeur veut dire, intervint Ripperger, c'est que le temps est un facteur décisif. Et que nous avons déja vu le résultat de ce genre de phénomène. Et, croyez-moi, vous ne voulez pas être le responsable d'un carnage qui pourrait être évité. Dites que vous effectuez un exercice d'évacuation. Que ce sera temporaire. Mais au moins des vies humaines seront épargnées."

Cesario remarqua que tous les visages étaient tournés vers lui, y compris ceux des opérateurs.

Ripperger reprit : "Il y a bien des procédures d'évacuation prévues, non ? En cas d'ouragan, d'incendie ou d'explosion."

Cesario observait les écrans, comme si la réponse s'y trouvait.

"De combien de temps disposons-nous ?"

"On ne sait pas. Quelques jours à peine. Peut-être quelques heures."