C’était la plus belle du panier. Un peu rouge, un peu verte. Elle l’avait cachée derrière un kiwi, entre une banane et la seule orange qui restait. Mais maintenant, c’était l’heure. L’heure de vérité. L’heure de la manger.
La fillette tendit sa main potelée vers le fruit de ses désirs.
– Maman ! Elle ! La ‘omme !
Le son « p », c’était encore trop compliqué.
– Va te débarbouiller, ma chérie, pendant que je la prépare.
Sa maman lui souriait. C’était joli. Alors elle aussi, elle a souri. Et elle s’est enfuie à la salle de bain en rigolant. Elle aimait bien rigoler.
Elle se percha sur le petit tabouret blanc et rose. Elle aimait bien le rose, c’était comme les princesses et son feutre préféré. Elle ouvrit l’eau. Ça aussi, c’était joli. Ça faisait des arcs-en-ciel, avec le soleil.
– Prends du savon, mon cœur. La pomme t’attend.
Le savon était rose, lui aussi. Il faisait des bulles. Elle les éclatait avec son petit doigt, c’était rigolo.
– Frotte, mon ange. Frotte, frotte, frotte !
Mais la fillette regardait les arcs-en-ciel. En fait, c’était sa couleur préférée au monde !
– Il faut rincer, maintenant, allez !
– ‘ou’quoi ?
Les « r » aussi, c’était compliqué.
– La pomme est prête. Tu la veux depuis ce matin !
Ah, oui. C’est vrai. Mais comment pourrait-elle oublier les arcs-en-ciel ?