Monsieur le Juge,
Ceci n’est ni une lettre d’excuse ni un plaidoyer. Je suis parfaitement conscient de la gravité de mes actions et je plaide coupable.
J’était enragé, ivre, perdu, confus, triste et je devais me défouler. Je n’ai aucune excuse valide. Vous devez comprendre que j’étais avec elle depuis une trentaine d’année. Nous avions eu des enfants, nous étions heureux. Et durant tout ce temps, je n’ai jamais eu aucunes mauvaises intentions quant aux smart-ads ou son industrie.
Nous étions toujours accompagnés par les ads. Partout où nous allions il y avait une publicité géante exposant nos envies les plus pressantes. Partout où nous regardions, un pop-up apparaissait sur une surface, montrant les meilleures offres sur le marché, parfois avant même que nous désirions le produit.
Non seulement ma femme et moi avions pu faire d’immenses économies, mais je trouve aussi que cela embellit considérablement l’environnement ! Je suis sérieux : la surabondance des smarts-ads colorées et la multiplication des pop-ups contribuent à créer un décor toujours intéressant. À chaque fois que je sortais de chez moi j’étais émerveillé et jamais ennuyé.
Mais tout se dégrada lorsque ma femme et moi devînmes… distants. Je ne sais pas vraiment pourquoi ou comment, et je pense qu’elle non plus. Il ne s’agissait peut-être que d’un moment difficile à surmonter ensemble. Peut-être avec de l’effort et du temps, tout aurait pu revenir à la normale. Je ne le saurai jamais.
Mes publicités commencèrent à changer. Elles me montrèrent des conseillers conjugaux, me suggérèrent des livres sur la communication dans le couple, des sites de rencontres, parfois des adresses de maisons closes… et ma femme remarqua tout ça. J’ai essayé de me justifier, de lui expliquer que je ne voulais pas la quitter, que je voulais vivre le restant de mes jours avec elle. Elle ne m’a pas cru : c’était moi contre les centaines de smart-ads dans notre quotidien. « La publicité ne ment jamais » disait-elle.
Puis elle partit, et toutes mes publicités se mirent à me conseiller des antidépresseurs ou de l’alcool peu cher. J’ai choisi les deux et suis devenu, excusez-moi l’expression, un déchet humain. Tout le monde autour de moi en était conscient. Même lorsque j’essayait d’être présentable et poli, les smarts-ads exposaient toutes mes pensées intérieures (je suis sûr que si vous regardiez mon historique publicitaire, vous apprendrez qu’elles n’étaient pas positives). J’ai perdu mon emploi à cause de ça.
Une nuit, j’ai pris ma voiture et conduis le plus vite possible. J’était bourré et en colère, tout était mon ennemi, le coupable de ma propre misère.
J’ai vu de l’autre côté de la route un panneau géant sur lequel il y avait écrit : « Besoin d’un bon mécanicien pour réparer votre voiture ? », et j’ai su que cette smart-ad m'était adressé, me faisant encore plus enrager. J’ai foncé vers ce panneau l'ai complètement pulvérisé.
Lui, ainsi que le couple qui se bécotait dans l’ombre juste à côté.
Je me suis réveillé le jour suivant et les policiers m’ont tout expliqué. Je serai jugé pour un double-meurtre au second degré et, plus important, pour la destruction d’un panneau publicitaire.
Je ne me fais aucune illusion : je vais écoper au moins d’une sentence à vie. Je ne me plains pas : je mérite ce qui m’arrive. Je veux juste que vous sachiez que j’ai aucune rancune envers les smart-ads. Elles apportent de la couleur et du bonheur dans nos vies. Elles savent parfaitement ce dont nous avions besoin au bon moment. Je voudrais juste, si possible, qu'au moins vous compreniez mes actions.
Merci d’avoir pris le temps de me lire, et bonne journée à vous.
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