Je fus de nouveau tirée de mes rêveries bien plus tôt que je ne l’espérais. Cette fois-ci ce fût par un visage connu. C’était Andréa la registrar comme on l’appelait ici. Elle avait passé la tête entre les rideaux tirés.
- Je peux entrer?
Je me redressai dans mon lit. Je ne l’avais vue qu’une fois auparavant, mais son regard s’était instantanément gravé dans ma mémoire. Ses yeux bleus riants aux coins desquelles pointait un commencement de rides, souvent précoce chez les femmes blondes au teint pâle, étaient délimités par une rangée de cils courts, maladroitement enduits de mascara sombre. Ce choix de maquillage dépareillait d’avec sa blondeur, et laissait transparaître une forme de coquetterie qui se s’assumait encore pas totalement. Seule francophone du service, elle s’efforçait de me parler toujours en français, même s’il eut souvent été plus pratique pour nous deux de communiquer en anglais. Elle parlait avec un fort accent russe, mais son accent était doux, et je l’aimais bien. Lors de ces moments où j’essayais désespérément de m’endormir, j’avais souvent aperçu ses yeux, tandis que sa voix me murmurait à l’oreille : “Il faut dormir maintenant, tu dois être en forme pour l’opération.” Et je lui répondais tout bas: “Oui Andréa, promis.”
Elle était déjà en tenue de bloc, pyjama vert et sabots bleus. Elle s’assit sur la chaise près du lit, une liasse de papier sur les genoux.
- Voilà, ce sont les papiers que vous devez signer pour autoriser l’intervention chirurgicale.
Elle commença par passer en revue le déroulement de l’opération.
- Une fois que vous serez réveillée, on vous montrera un écran de tablette avec les images que nous avons regardées ensemble l’autre jour. Il faudra dire le mot dans la langue qu’on vous indiquera. Pour la partie en français, c’est moi qui ferai défiler les images.
Ensuite vint une série d’autorisations concernant mes données et prélèvements biologiques. J’acquiesçais pour tout. Est-ce que j’acceptais qu’il y ait un stagiaire dans le théâtre? Il n’y en avait pas aujourd’hui ajouta-t-elle, généralement on préfère réduire le nombre de personnes présentes au minimum pour ce genre d’intervention, et ils regardent la vidéo à la place.
- La vidéo ?
- Oui, il y a une camera positionnée en face de l’endroit ou le volet osseux est retiré, et l’image de l’intervention est projetée sur un écran pour que les autres personnes présentes dans le théâtre puissent suivre aussi.
- Wow high tech.. Combien de personnes présentes dans le théâtre?
- Entre douze et quinze aujourd’hui. Cela dépendra des moments.
Je comptai dans ma tête. Andréa, Mr. C., les deux filles du service de neuropsychologie. J’en connaissais quatre. J’eus comme l’impression de me rendre à une fête, la mienne, sans en connaitre la liste des invités.
Sans perdre de temps elle commença à lire à haute voix un papier que j’avais reçu par la poste la semaine dernière, et dont l’aridité du contenu m’avait fait frémir lorsque je l’avais parcouru des yeux. C’était une liste de probabilité que telle ou telle chose arrive pendant l’opération. 2% de chance de mourir. 20% chance de sortir avec une déficiente cognitive sérieuse et irréversible. etc..
- Mais ce ne sont que des statistiques générales, me dit-elle quand elle eu fini de lire la liste à haute voix. Pour vous les chances de mourir sont beaucoup plus faibles, étant donné votre âge.
Ce qu’elle omettait de dire c’est qu’en neurochirurgie on meurt rarement sur la table d‘opération. On meurt chez soi ou dans un dortoir d’hôpital, comme celui-même ou je me trouvais, lorsqu’on a épuisé tous les recours, lorsqu’on ne peut plus opérer.
Je signai au bas de la page, sans y prêter grande attention. L’acte me paraissait dénué de sens. Pour pouvoir accepter quelque chose, il faut aussi être en mesure de pouvoir le refuser. Quel choix avais-je vraiment ici? Quel choix avais-je jamais eu ? Le choix de ma mort ? Et maintenant que la machine était en route, que j’étais là dans ce dortoir d’hôpital, qu’aurais-je pu faire pour changer de trajectoire qui ne fusse pas seulement un acte de pure folie ?
- Voila c’est fini pour les signatures. Maintenant je vais vous faire une marque sur le haut de l’oreille gauche. Ça fait parti du protocole. Ajouta-t-elle comme pour justifier un crime. "Mais ne vous inquiétez pas, je vais faire une petite marque ça ne se verra pas très longtemps.”
Comment pouvait-on penser qu’une personne à qui l’on est sur le point d’ouvrir le crâne puisse se soucier d’un trait de marqueur sur l’oreille ?
Elle se pencha vers moi et traça ce qui à la sensation me sembla être un triangle. Tandis que je visualisais mentalement la position de cette marque sur mon oreille, je ressentis de nouveau la main de Mr. C., ses doigts potelés et fermes, recourbés comme s’ils agrippaient une petite balle invisible, qui étaient venus se visser sur ma tête, un peu au dessus de mon oreille gauche. “C’est là.” avait-il dit pour accompagner son geste, comme s’il voulait attraper cette chose à l’intérieur de mon crâne.
- C’est fait. M’indiqua-t-elle.
Elle se leva et s’apprêtant à partir ajouta:
- À tout à l’heure ! avec ce même sourire poli qui s’effacerait à peine aurait elle tourné la tête.
Quelques corrections:
- « même s’il y eut souvent été plus pratique » : enlever le « Y »
- « quand elle eu fini » : EUT
- « comme celui-même”: enlever le même
- « Voila c’est fini pour les signatures. Maintenant je vais vous faire une marque sur le haut de l’oreille gauche.
- Ça fait parti du protocole. Ajouta-t-elle comme pour justifier un crime. "Mais je vous inquiétez pas, je vais faire une petite marque ça ne se verra pas très longtemps.”
C’est la même tirade, le second tiret fait croire que c’est une autre personne qui parle, il vaut mieux l’enlever. « Mais NE vous inquiétez pas »
- « me sembla-t-être”: me sembla être
Et toujours de menus problèmes d'orthographe :
- "au teint pale," pâle
- "même s’il y eut souvent été plus pratique pour nous deux de communiquer en Anglais. Elle parlait avec un fort accent Russe, " --> très probable influence de l'anglais, mais un nom de langue ne prend jamais de majuscule (c'est un nom commun, et non un nom propre), et un adjectif ne peut prendre de masjuscule en français (donc... "russe").
- video --> vidéo