La Ruche - 21

— Luce ! Que je suis ravie de te revoir !

Satya accourut vers moi et s’empressa de me serrer contre sa poitrine, comme deux vieilles amies qui ne se seraient plus vues depuis trop longtemps.

Mais !

J’eus un mouvement de recul qu’elle feignit d’ignorer.

— Comme te portes-tu, chère Luce ? Moi-même je vais à merveille. Ne trouves-tu pas ce lieu magnifique ? Cette fête est parfaite, c’est si enchanteur ! As-tu autant de galets-lumière au Château des Loups ? Je dois avouer qu’au domaine en partie souterrain et labyrinthique des Lézards, la lumière est mise au rang d’art, ce n’est donc pas ce qui m’a le plus impressionnée à mon entrée dans la Maison ruche.

Elle prit appui sur mon épaule pour adopter un ton de fausse confidence.

— La magie de ce Monde est stupéfiante. Quelles incroyables découvertes as-tu toi-même observées depuis que nous sommes ici ? Oh, mais quelles qu’elles soient, elles pâliront sûrement quand tu auras sous les yeux les merveilles de leurs salles des fêtes ! Tu ne regretteras pas d’avoir fait le déplacement, j’en suis certaine !

Elle avait débité tout cela si vite que je n’avais pu répondre à aucune de ses questions. J’en étais frustrée, mais au fond, l’objectif ne devait pas être d’entendre d’autres réponses que les siennes. Elle fit mine de n’aviser que maintenant la présence de Cazelain et déplaça sa main sur mon bras en faisant chanter les bracelets dorés qui encerclaient son poignet caramel.

— Il est plaisant de reparler ensemble, mais nous en oublions les politesses. Me présenterais-tu ton ami ?

Ou bien n’était-ce que pour cela ce numéro de charme ?

Agacée par ce contact superficiel qui me siphonnait inutilement, je pris sur moi de mettre en pratique les enseignements de Dana. Je m’y employai fort bien, je fus même déçue que ma Compagne n’ait pu en être témoin - ayant choisi de superviser le déchargement de nos malles avec Tom, le Compagnon de Cazelain.

— Je suis enchantée de faire votre connaissance pour la seconde fois, ronronna Satya en ramenant sa tresse noire sur sa poitrine.

Celle-ci lui descendait jusqu’aux hanches et des anneaux dorés la décorait sur toute sa longueur, réveillant le brun profond de son fourreau échancré.

— L’on m’a dit que vous étiez d’ordinaire un habitué de la Maison ; je n’ai pourtant pas eu le plaisir de vous voir aux deux fêtes qui s’y sont tenues ce quatrain.

De cela aussi, j’aurais aimé que Dana soit témoin ; elle n’y va pas par quatre chemins.

Satya, la croqueuse de vie, semblait aussi vouloir croquer les hommes.

— Je suis un Sieur de tradition, Damoiselle, lui répondit Cazelain en s’inclinant légèrement. Si aucun Pacte ne nous l’impose, il est tacitement répandu que les Clans se regroupent le temps de la Lune qui suit la Moisson. Néanmoins, je suis navré de n’avoir pu répondre à votre attente.

Il lui offrit un demi-sourire tout en charme et en gourmandise. La jeune femme retira enfin sa main de mon bras et effleura délicatement son cou et l’arrête de son menton en le couvant de ses yeux fardés de noir ; Satya maitrisait les usages de la séduction.

— Serais-je pardonné en vous promettant une danse ce soir ? s’engagea-t-il en lui présentant sa paume tournée vers le ciel de fin d’après-midi.

Elle s’empressa de l’attraper en lui assurant d’une voix rauque qu’elle danserait tout ce qu’on lui proposerait, tant elle raffolait des jeux de jambes.

Cazelain rit tandis que je me demandais, un peu choquée, si le sous-entendu était réel, délibéré ou non. Et celui-ci, Dana l’avait entendu ; elle nous signala sa présence d’un petit raclement de gorge et regarda d’un œil désapprobateur la main caramel qui s’agrippait à celle de notre Sieur. Elle se présenta d’une voix ferme et interrogea sans équivoque la jeune femme sur le lieu où se cachait son ou sa propre Compagne.

— Oh, c’est une dame, bien sûr ! chantonna Satya en faisant tinter ses bracelets d’un mouvement désinvolte. Elle doit être quelque part à l’intérieur, probablement en train de me chercher ; je réalise avoir oublié de lui dire que je sortais.

Elle haussa innocemment les épaules à l’intention de Cazelain et formula un oups muet sur ses lèvres peintes en acajou.

— Accourez donc la rassurer, Damoiselle Satya, il n’est pas bon de faire courir inutilement nos Compagnes et Compagnons, la gourmanda gentiment Cazelain.

Sur la promesse de le retrouver plus tard, elle obtempéra et nous tourna le dos pour gravir le long et large escalier qui menait aux portes d’entrée maintenues ouvertes par d’immenses pots azur débordants de plantes mellifères. Elle avalait chaque marche en faisant lentement ondoyer ses hanches, sa longue tresse se balançant de gauche et de droite dans un mouvement presque hypnotique.

— Inconséquente personnalité.

— C’est l’apanage de la jeunesse, chère Dana.

— Je n’ai jamais été ainsi, assura ma Compagne avec véhémence.

— Peut-être aviez-vous déjà trouvé quelle serait votre voie. Cette jeune fille est simplement perdue.

D’un air appréciateur, Cazelain fit remarquer que sa démarche tenait du lézard.

— Elle est déjà à l’image du Clan qui l’a invitée, s’amusa-t-il en détachant enfin ses yeux de sa silhouette.

Dana fronça le nez avant de l’informer que Tom le rejoindrait plus tard ; il avait voulu s’assurer lui-même que les bagages soient correctement acheminés jusqu’à nos chambres, veillant ainsi à ce qu’elles soient bien fermées à clé. Elle se tourna ensuite vers moi, l’air emprunt de conviction.

— Luce, je suis bien heureuse que tu ne sois pas à l’image de cette jeune effrontée. Ne pensez-vous pas de même Sieur Cazelain ?

Le jeune homme modula son sourire et nous regarda toutes les deux, l’une après l’autre, s’arrêtant un brin plus longtemps sur moi.

Que calcules-tu encore ? m’agaçai-je.

— Pour être honnête, j’aime côtoyer des personnalités fortes et hautes en couleurs ; je me nourris et m’amuse d’elles.

Il pencha son visage de côté, plissant ses yeux bleu clair.

— Toutefois… Je dois avouer que dans ma sphère privée, je préfère les êtres lisibles et honnêtes. Ce que notre Luce semble être, même lorsque cela la désert.

Et il éclata de rire avant de déposer à son tour une main sur mon épaule - était-ce l’ancre des manipulateurs ?

— Mais plus sérieusement, Luce, dans une version plus édulcorée que cette impudente Satya, j’espère te découvrir un peu plus dans le charme et la séduction douce ce soir. Le Clan du Loup est continuellement épié par les vilaines langues du Royaume, je te demande avec grâce de ne pas apporter d’eau à leur moulin.

— Je n’ai pas prévu d’humilier qui que ce soit, grinçai-je, ni moi ni vous.

— Tu veux dire toi, me reprit-il.

— Ni moi ni toi ni Dana.

J’avalai ma salive avec difficulté et resserrai les mains sur mon châle que j’avais promis d’abandonner une fois dans la Maison ruche des Abeilles.

Cazelain m’offrit son bras pour l’ascension des nombreuses marches.

— N’aie crainte, tu n’as qu’à penser à sourire et à retenir certaines réparties et cela se fera sans difficulté. Tu es très en beauté ce soir, Dana et moi y avons veillé ; et nous avons bien trop de goût à nous deux pour être passé à côté du moindre détail. De plus, tu as de l’esprit ; je le sais, cela fait un quatrain que je dialogue chaque jour avec toi. Crois-moi, tu es bien plus intéressante qu’une intrépide intrigante.

Mes joues picotaient de gêne. D’autant plus que je savais qu’il mettait un point d’honneur à ne dire que des vérités. En évitant son regard, j’acceptai son bras et m’y accrochai du bout des doigts.

— Et maintenant, s’égailla le jeune Sieur, si nous allions les éblouir et leur montrer que les Loups font partie des gens qui comptent ?

Si j’étais un chat, je ronronnerais.

Cazelain n’était qu’un redoutable démon séducteur, mais il était plaisant d’être appréciée de lui.

 

****

 

Fastueux. Ce mot s’imposait où que se posât mon regard. J’évoluais dans une ambiance cotonneuse de blancs épurés aux touches bleutées et dorées. Les volumes n’étaient qu’en courbes et en arrondis. Entre les moulures, les plumes duveteuses et les déroulés de gaze de coton, je ressentais le même calme qui m’imprégnait à chaque fois que je contemplais un bord de mer. Les plantes, luxuriantes, prenaient leurs aises dans de longs bacs qui modulaient l’espace en chemins zigzagants au détour desquels l’on pouvait s’arrêter autour de hautes tables étroites couvertes de mets à picorer que quelques serveurs ne cessaient de réarranger et réapprovisionner. Sur chacune d’elles, un objet doré étaient mis à l’honneur : astrolabe, gramophone, boite à musique, pinceau… Au plafond, étaient accrochés des lustres tentaculaires disposés avec symétrie entre de grandes ouvertures circulaires et vitrées ; leurs innombrables galets irradiaient faiblement. Je savais que cette lueur s’intensifierait au fur et à mesure que la lumière naturelle s’effacerait ; à aucun moment nous ne serions dans le noir ou dans la pénombre.

Ce vaste endroit aux tons doux était déjà beau, mais ce qui le magnifiait, le rendait unique face à tout autre, c’était les autres pièces qui s’articulaient tout autour, cette vingtaine d’autres espaces, plus ou moins grands, arrondis ou allongés, aux ambiances opposées et aux fonctions multiples qui se trouvaient tous connectés entre eux ; il n’y avait pas la moindre porte, seulement de hautes arches permettant de circuler librement d’une proposition à l’autre.

De là où j’étais, j’apercevais sur ma gauche une petite pièce en demi-sphère où l’orange était à l’honneur : un billard trônait en son centre et des porte-queues étaient accrochés aux murs. Mais sur ma droite, se trouvait un espace plus large et rectangulaire, au sol parqueté et explicitement dédié à la danse : des banquettes étaient disposées le long des murs et une estrade accueillait des musiciens qui semblaient encore accorder leurs instruments. C’était pour l’essentiel des instruments à cordes, de formes et longueurs variées. L’un d’eux était une petite et étrange harpe arquée, appuyé sur l’épaule de son propriétaire qui la pinçait avec amour.

— L’individualité mise à l’honneur au sein d’un groupe à la ligne directrice commune, me glissa Cazelain à l’oreille. Là réside la force de ce Clan. Ils ont même réussi à le faire transparaitre dans leur architecture, gloussa-t-il.

Quand nous avions franchi l’entrée, mon cavalier m’avait proposé de commencer par traverser l’espace principal à un rythme lent. Pour que tu puisses mesurer le génie conceptuel de cette demeure. Il n’avait pas exagéré ses mots. J’avais aussi relevé autre chose : Cazelain était connu et reconnu dans cette foule bigarrée qui ne cessait de s’étoffer au fur et à mesure des arrivées.

— Par l’Univers, Sieur Cazelain !

Il s’agissait cette fois d’un jeune couple à l’étonnante chevelure blanche tressée. Mon cavalier se pencha, échangea quelques paroles et me présenta dans les règles de l’art selon Dana. Une fois encore, je m’inclinai à mon tour, présentai un visage avenant et répondis aux quelques questions posées. Celles-ci oscillaient entre franche curiosité et politesse de forme, Cazelain récupérant les rênes si l’une d’elles sortait du cadre de la bienséance - comme lorsque cette grande femme aux lunettes carrées m’avait demandé sans aucun tact s’il était vrai qu’une partie de ma mémoire m’avait été arrachée. Mon cavalier l’avait très adroitement aiguillée vers un autre sujet, m’évitant d’avoir à lui répondre : Dame Ileine, en parlant de mémoire, je réalise avoir récemment vu passer une invitation à l’une de vos petites fêtes privées à laquelle je n’ai malheureusement pu me rendre. Dites-moi, mais en me ménageant je vous prie, ce que j’ai manqué. L’antipathique grande femme s’était plu à lui narrer quelques anecdotes sur quelques personnes… Cazelain avait fini par couper court en lui assurant que c’était croustillant et lui avait fait promettre de ne pas cesser de lui envoyer ses invitations.

Tandis que le couple, éminemment plus sympathique, s’éloignait main dans la main, Cazelain se pencha pour me murmurer trois mots à l’oreille : tu es parfaite. Mes joues se picotèrent de rose.

— Ne trouves-tu pas cet endroit fabuleux ? me demanda-t-il ensuite d’un ton enjoué qui dévoilait qu’il était ici dans son aire de jeu favorite.

— C’est plus que cela…

Je laissais mon expression partager ce que m’inspirait cette conception inédite d’un intérieur. Me désignant l’annexe qui nous faisait face, avec son estrade et son sol au parquet ciré, il m’expliqua que les Abeilles et leurs habitués les appelaient alvéoles.

— Et je remarque, Luce, que tu observes avec insistance et depuis un moment les musiciens de celle-ci. Désirerais-tu aller les écouter ?

— Non, c’est juste que… C’est étrange. Je ne les entends presque pas. Comme si leur musique était lointaine et étouffée... Ils ne sont pourtant qu’à une poignée de mètres.

Ma remarque l’amusa.

— Je me demandais quand et surtout si tu t’en rendrais compte. Je suis assez impressionné. Pour ma part, lorsque je suis venu ici pour la première fois, il m’avait fallu l’aide de ma Mère, en fin de soirée, pour le réaliser.

Mes oreilles ne dysfonctionnaient donc pas ; il y avait du surnaturel là-dessous.

— Est-ce grâce à une autre sorte de galet magique ? Comme vos galets-eau et lumière ?

L’admiration fit place au trouble.

— Il n’y a rien de magique avec les galets élémentaires… Ils ne font qu’agir par réaction moléculaire. Il restituent ce qu’ils ont puissé ailleurs.

Par facilité, j’optai pour un air de compréhension.

Réaction moléculaire… N’importe quoi. C’est magique. Point.

—  Quant à cette variation sonore, continua-t-il en modulant lui-même sa voix, ce sont simplement les plafonds des alvéoles qui ont été conçus pour maintenir le son dans leurs limites. On évite ainsi une cacophonie inévitable dans un ensemble de tant de pièces ouvertes les unes sur les autres.

Là encore, je fus incapable de ne rien y percevoir de surnaturel.

Ici, je ne suis qu’une idiote sur bien des sujets…

Mon orgueil me qualifiait pourtant de personne cultivée.

— Incroyable que cela fonctionne, m’étonnai-je à voix basse.

— Est-ce courant, dans ton monde, de mettre en place des choses non abouties ? se moqua-t-il. C’est assez farfelu cette remarque, bien sûr que cela fonctionne.

Dana toussota dans notre dos.

— Sieur Cazelain, un autre sujet serait peut-être plus approprié, chuchota-t-elle.

— La raison vous rend si précieuse à mes yeux, chère Dana, dit-il en se tournant brièvement vers elle.

Il posa ensuite sa main sur la mienne ; je ne pus m’empêcher de remarquer qu’elle était tiède et douce. Ses yeux riaient d’avoir été repris comme un enfant par ma Compagne de Château. Nous échangeâmes une moue de connivence.

— Damoiselle Luce, avez-vous remarqué ces couleurs que l’on retrouve dans chaque alvéole, avec plus ou moins de présence ? m’interrogea-t-il soudain d’un ton si professoral qu’il m’arracha un rire.

Je regardai néanmoins autour de moi ; il y avait du bleu, du blanc, du doré et de l’orangé, et ce, dans toutes leurs déclinaisons possibles.

— Ces couleurs composent la palette du blason du Clan de l’Abeille ; l’insecte doré et orangé sur un fond bleu piqueté de blanc. Rien, ici, ne se décide au hasard. Gardez cela à l’esprit, Damoiselle, quand une Abeille choisit de converser avec vous.

Devais-je encore rire ou m’avisait-il d’un précieux conseil ?

— Cazelain ! Très cher ! tonna alors une forte voix. Quel plaisir de vous revoir parmi nous !

Et bien, encore un adepte

Mais cet homme qui venait à nous, je l’avais déjà rencontré. Je reconnaissais ces yeux de la même teinte noisette que la barbe, l’embonpoint marqué et cette bonhommie insupportable. L’homme guilleret sortait d’une alvéole aux murs brun orangé tapissés de hautes et étroites bibliothèques remplies de reliures dorées qui faisaient face à de gros divans en cuir et une immense mappe-monde blanche.

— Sieur Napoli, Protecteur des Abeilles, me murmura vivement Cazelain.

Ledit Protecteur abattit ses larges mains sur les épaules du jeune homme avant de lui offrir une vive accolade.

— Jeune ami ! Vous en avez surpris plus d’un, et moi le premier ! Je ne pensais pas que vous prendriez le parti des anciennes traditions, sembla-t-il se moquer.

— Mon Sieur, je suis pourtant issu d’un Clan riche en traditions séculaires, riposta Cazelain avec sérieux.

— Si, vrai…

Le Sieur Abeille semblait partagé, comme si Cazelain n’agissait pas comme de coutume.

— Mais dites-moi donc comment se porte votre frère !

— Il défend nos Frontières tel un fervent Protecteur de notre Monde, comme si souvent.

— Bien, fort bien.

L’échange était cordial, ils se souriaient. Alors pourquoi avais-je cette impression d’une tension croissante ?

— Attendez-vous quelque chose de moi ? dit soudainement le chef des Abeilles.

Le jeune Loup modula son sourire comme il savait si bien le faire.

— Vous m’avez invité si souvent, cher Napoli, et parfois même conseillé comme un père… C’est moi qui attend de pouvoir vous être utile un jour, en remerciement de tous ces instants passés en votre merveilleuse demeure.

Les traits du Sieur Abeille se détendirent. Puis il s’esclaffa, assez bruyamment.

— Vous êtes ici comme chez vous, très cher, comme toujours ! J’ai toute confiance. Mais je rebondis sur vos mots et me permets de vous mander ceci : faites-moi plaisir et restez un gentleman avec mon Invitée.

Il remit sa main sur l’épaule de Cazelain.

— Dans la retenue la plus galante qui soit, insista-t-il en clignant un œil. Je compte sur vous, jeune Loup ! 

Il se tourna ensuite et enfin vers moi pour m’adresser chaleureusement la parole - pour la première fois en cette seconde rencontre.

— Je vous souhaite la bienvenue chez nous, Damoiselle. Votre sieur hôte sera un guide de choix tant il connait la maison.

Mon sourire dut être crispé, mon inclination guindée. Un certain malaise passa sur les traits du Sieur Protecteur qui ne s’attarda plus et nous abandonna sans me poser la moindre question.

Sans se départir de son visage avenant, Cazelain m’écrasa les doigts en me prenant par la main et me tira fermement vers un mur d’un blanc crémeux.

— Luce, me glissa-t-il sèchement à l’oreille, je t’ai vue agir avec plus de politesse et de modération avec cette fille à la tresse du Clan des Lézards. Permets-moi de te dire que tu cibles bien mal les sujets sur lesquels oublier charmes et politesse ; il serait sot de se faire ennemi de cet homme puissant. Et d’abord, qu’a-t-il bien pu te faire ?

Malgré moi je grinçai des dents. La sourde colère qui m’était remontée dans l’estomac à la vue de ce Napoli refusait de s’en aller.

— Il m’a ostensiblement ignorée à votre stupide bal des Moissons.

Cazelain incarna l’exaspération.

— Comme tous les Clans ou presque ! Et le meilleur moyen de le leur faire regretter, c’est d’être irréprochable. Ne les invite pas à commérer sur ton manque de politesse et tes accès de colère. Luce, à l’heure actuelle, tu n’es qu’une invitée, une Étrangère à notre Peuple.

Ses mots firent mouche. Je notai d’y réfléchir en détails plus tard. Une fois seule, au calme.

— Tout se passe bien ? s’inquiéta Dana qui nous avait suivi avec un temps de retard à cause d’un mouvement de foule.

Le Cazelain charmeur posa une main sur ma hanche en affirmant que nous débattions sur le coloris de blanc choisi pour les murs.

— Très élégant. Cela a été repeint de frais récemment. Quel souci du détail.

Dana n’était pas dupe mais elle joua le jeu et ajouta qu’elle avait rarement vu une décoration si équilibrée. J’inspirai une vive bouffée et me tournai vers le jeune Sieur Loup. Je posai une main sur son torse pour lui intimer de m’écouter.

— Tu as raison. Cela n’arrivera plus ce soir.

D’abord sérieux, il hocha la tête. Puis ses yeux étincelèrent et ses épaules se décontractèrent comme du caramel mou. Il se déplaça pour me masquer à la vue de Dana et mordit ensuite discrètement sa lèvre inférieure de ses blanches incisives.

— Ce contact te plait-il comme à moi ? m’interrogea-t-il d’une voix plus basse que le murmure.

Cramoisie, je retirai ma main en me demandant comment il était possible de basculer si vite du sérieux à la dérive. Cet être était impossible !

****

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
itchane
Posté le 09/11/2024
Coucou Lily : )

Oooh, ça a l'air trop beau l'intérieur du château ! Tout en alvéoles, hmmm, je rêverai de pouvoir le voir en vrai ^^
Comme LogistiX j'ai eu un peu de mal à me resituer Satya (de même que Napoli) cela mériterait un petit retour en arrière, au moins d'une phrase ou deux pour se la remettre en mémoire : )

Pour le reste, ce chapitre est très plaisant, j'aime beaucoup moi aussi le fait que la science non comprise passe pour de la magie, c'est très bien vu ^^

Et Cazelain, qui fait toujours son Cazelain, haha, on ne l'arrêtera jamais !
Lily D.P.
Posté le 10/11/2024
Ôla Itchane ^^
Toujours un immense plaisir de te voir ici <3

J'ai essayé de me représenter la casa batlló de Gaudí que j'avais visité à Barcelone où tout est en arrondi. J'en ai encore un souvenir marqué, j'aimerais la revoir un jour.

Bien reçu pour Satya, c'était déjà prévu suite au précédent commentaire. J'y ajoute Napoli (dont je n'avais pas encore donné le prénom précédemment).

Qui sait, peut-être n'est-ce pas de la science, au fond. Celle-ci n'est peut-être qu'une notion pas entendue dans ce monde. En tout cas, à leurs yeux, c'est la norme. Est-ce que la magie ne serait pas juste ce que l'on ne peut comprendre ? Ou pas. Je laisse cela à l'appréciation de chacun. ^^ Dans mon histoire, ça restera un flou.

Ces petites scènes avec Cazelain fonctionnent alors ?

Au plaisir ^^
LogistiX
Posté le 07/11/2024
Coucou,

J'ai lu jusqu'ici, et j'ai hâte de voir la suite. Je n'ai pas posté de commentaires sur les autres chapitres, mais je compte faire une deuxième passe bientôt !

Concernant le style en général, j'adore la diversité du vocabulaire utilisé, les descriptions soignées. Même moi qui ai la fâcheuse tendance à faire du speed-reading, je suis immergé.
J'adore la profondeur de ton univers, de ces différentes maisons qui ont toutes un signe distinctif, une architecture particulière, une philosophie différente.
Et je trouve encore plus immersif le fait que parce qu'on suit Luce tout du long, elle trouve que certaines choses tiennent de la magie dans ce monde alors que les lois physiques semblent juste différentes du point de vue des autres.
Enfin, les personnages sont super bien travaillés. Je ne cerne toujours pas Cazelain, malgré toutes ces scènes où tu l'as déjà fait apparaître. Ça attise ma curiosité !

J'ai quand même une suggestion sur cette scène. Comme ton univers est riche, je n'ai pas resitué Satya tout de suite. La relecture me dira si j'ai loupé ça, mais du coup j'ai mis plusieurs paragraphes avant de comprendre qu'elle était partie pour le domaine des lézards (et que la conversation fasse du sens). Peut-être la resituer dès le début de la scène ? (en mode : "comme deux vieilles amies qui ne se seraient plus vues depuis trop longtemps. Je ne l'avais pourtant pas revue depuis son départ pour le domaine des lézards le mois dernier")

Voilà pour moi. Je reviendrai en arrière dans quelques jours voir si je trouve d'autres points à soulever ! Mais j'ai passé un super moment à lire en tous cas !
Lily D.P.
Posté le 07/11/2024
Ôla ^^

Merciiii pour ce commentaire détaillé <3 C'est précieux ! ^^
Je retiens que tu as envie de découvrir la suite, je mets ça dans mon moteur (car ça fait deux soirs que je fuis et n'avance plus ^^' Je relirai cette phrase demain, et gogo partie 7 !).

Contente que le choix du vocabulaire te plaise :) (J'avais eu un retour une fois que c'était trop recherché... Mais j'aime bien écrire ainsi ^^).

Ouiii, les Clans ont tous une touche, une signature qui leur est propre. ^^ Le dernier sur lequel je me suis essayée, c'est le Clan du Souimanga. Il arrivera plus loin.

J'ai écrit une fois "Un monde emprunt de magie que les locaux appelleraient probablement sciences." ^^ C'est tout à fait ce que tu décris.

Pour les personnages, je dois revoir l'une ou l'autre chose sur Eryn et Satya - suite à des retours d'autres plumes. Des petits ajustements. D'ailleurs, je retiens ta suggestion pour le retour de Satya dans celui-ci ! :) J'avoue que j'ai beaucoup de personnages... Ce qui n'était absolument pas prévu au départ. Mais quand j'y pense de façon critique, je suis incapable de m'imaginer en supprimer un seul. je les trouve tous importants, ils ont tous leur place. ^^' L'ajout me semble bien, rappel intéressant. Merci :)

Raaah, Cazelain. J'avoue que j'ai envie qu'on ne sache pas le cerner. J'espère toutefois bien le doser :[] C'est un personnage qui me tient à cœur, je ne veux pas le "rater". ;) J'essaie de le rendre complexe, léger et profond. ^^' (pfiiiouuu). Dans la partie 7, je travaille d'ailleurs sur un dialogue entre lui et Luce qui en révèle (un peu) plus sur lui.

Merci beaucoup <3 Ton commentaire est un précieux tremplin ! Si jamais, sache que je garde précieusement tous les retours amenant à faire des corrections dans mon scrivener ;) Rien n'est perdu ^^. Mais les grandes corrections attendront le mot fin ^^' Encore si loiiiin (dire que j'ai mis de côté deux projets de roman en cours pour celui-ci car c'était censé être une histoire courte. Il n'y a pas de limite à l'imagination ^^').

Au plaisir :) N'hésite pas si je peux te rendre la pareille sur un de tes écrits. ;)
Vous lisez