La scène de crime

Par Audrey

Les photos sont toutes étalées, bien droites, sur le minuscule bureau. Elles ont tout rendu plus amer, même l’odeur d’urine de chat qui va faire grincer des dents mon Félix.

Le but, c’est de trouver un maximum d’indices alors sans réfléchir, je balance tout ce qui me passe par la tête. Ernest a déjà tout décortiqué sans rien trouver, et les deux autres se réconfortent un peu plus loin sur le parking.

–  En dehors de la cuisson, on a trouvé des blessures ?

Mon patron secoue la tête.

–  Pas d’armes ou de matériel de cuisson assez gros pour cuire un corps de cette taille ?

–  Non, fiston. On a fouillé toute la suite sans succès.

C’est dommage qu’on ait uniquement les photos du cadavre étalé sur le carrelage. J’aurais aimé voir la chambre. J’énumère tout ce que je vois, au cas où.

–  Pas de trace de lutte, pas d’arme, pas de liquides vitaux dans la cabine de douche – d’ailleurs c’est moi ou elle est en or massif ? – un mort, aucun blessé, un couple connu, une suite nuptiale, un hôtel huppé. Les informations me semblent aléatoires. Si je voulais cuire quelqu’un, j’irais chez moi ou dans un endroit délabré où personne ne me connaît, a fortiori si je suis une célébrité. Enfin, ça n’a pas de sens. C’est beaucoup trop risqué.

Il hoche la tête.

–  Et vous disiez qu’il y avait une histoire d’alcool.

–  Oui, on a trouvé tout l’arsenal pour préparer des cocktails. Alcools forts, sirops, quartiers de fruits, et j’en passe. Le shaker, les verres en cristal. Aucun doute sur l’activité des jeunes mariés.

Je cligne des yeux. C’est ça leur idée d’un voyage de noces ? Se bourrer la gueule et cuire un gars ? On a clairement pas les mêmes envies quand on est riche.

–  Et il vient faire quoi dans la chambre de nos richous, ce type ? Il bossait pour l’hôtel ?

Ernest hausse les épaules. Pas bon signe.

–  On a demandé la liste des personnels de l’établissement et le nom de tout employé absent ou introuvable ce jour. Le directeur de l’hôtel doit me rappeler dès qu’il trouve quelque chose.

Mais il ne l’a pas fait. Fausse piste.

–  On va vers un meurtre, on est bien d’accord, patron ? Et le couple était ou n’était pas dans la chambre au moment où la victime est décédée. Si c’est le cas, on a nos coupables, sinon il va falloir chercher parmi tous les membres du personnel. Mais tant qu’on ignore son identité, on est cuits nous aussi.

Malgré l’horreur de cette enquête qui s’étale sous nos yeux, Ernest sourit et hoche la tête.

–  Votre couple, là, il aurait pu faire appel à un autre genre de professionnel. Payé mieux que nous pour des prestations plus olé olé.

–  J’y ai pensé aussi. Le truc c’est qu’on est pas assez nombreux à nous quatre pour aller dans les lieux de débauche habituels et pour contacter les sites qui proposent ce genre de services. Sans compter que ça nous ferait rater les autres possibilités.

Surtout, si on part sur cette théorie, je ne savoure pas mon mojito avant la semaine prochaine. C’est pas envisageable.

–  Le maître d’hôtel n’a rien vu ?

–  Ils avaient un accès interne pour les préserver du public et personne d’autre n’est entré. À part le service d’étage.

–  Et pourquoi il a envoyé quelqu’un dans la suite à cette heure-là ?

–  Rien d’inhabituel, ils ont vu que la clef avait été activée, vérifié que les deux occupants étaient dans l’ascenseur – c’est leur procédure pour les suites haut de gamme – alors le personnel est monté nettoyer. Ils s’étaient enfermés pendant quarante-huit heures alors tu peux imaginer le boulot.

Je lâche un cri de frustration.

–  Ils leur ont facilité la tâche. Je retire ce que j’ai dit tout à l’heure… cet hôtel est la planque idéale, pourvu qu’on soit assez riche pour se payer une nuit là-bas. Imagine un peu si le room-service n’avait pas surgit dès leur départ. Plus de corps, plus de preuve. Encore un meurtre impuni. Ça me file la gerbe d’entendre ça. Tu te rends compte qu’ils l’ont cuit ! Et pourquoi on les a pas arrêtés ?

Ernest récupère les photos et en fait un joli tas bien droit. Celle qui reste sur le dessus, c’est le gros plan sur le tronc qui gît dans l’eau.

–  C’est plus compliqué que ça. Ils étaient partis depuis deux heures quand on a découvert le corps. Près de cinq membres du personnel ont bossé dedans en continu avant qu’on ne voit le petit filet d’eau dans la douche et ce qui traînait sur le sol.

–  Est-ce que t’es en train de me dire d’une façon détournée qu’on te met la pression pour leur trouver une échappatoire ?

Il hoche la tête.

Bon sang. Ça me dégoûte.

–  Et si on les coince ?

–  Là c’est différent. Mais tant qu’on a pas de preuves tangibles, on pourra rien faire. Garde en tête qu’ils sont peut-être innocents.

Je suis trop blasé par ma propre vie pour écouter sa litanie habituelle : il ne faut pas juger les gens trop vite, tu pourrais être surpris, gna gna gna.

À la place, je reprends le petit tas de photos et je cherche le moindre indice qui sortirait de l’ordinaire.

–  Et ce petit éclat sur le sol, c’est quoi ?

Ernest se penche pour mieux voir. Ses yeux vont de la photo à moi plusieurs fois.

–  On dirait une pointe de couteau. Comment j’ai fait pour rater ça ?

Félix, j’arrive bientôt !

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Sonia85
Posté le 21/11/2023
Bonjour,

Le dialogue continu sur le même rythme, c'est une bonne chose cependant, le manque de descriptions ne me permet pas de visualiser les personnages et les lieux.
Baladine
Posté le 26/02/2022
Et celui-là qui pense à son Mojito et à son chat Félix ! Bah c'est sérieux tout ça. Les dialogues sont efficaces et la lecture fluide, un vrai plaisir de fin de soirée !
Audrey
Posté le 27/02/2022
Merci Claire ^^
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